A la faveur du conflit militaire à Ghaza du 7 octobre 2023, de la mort du jeune Thomas Perotto à Crépol le 19 novembre 2023, du vote sur la loi immigration du 26 janvier 2024 qui proposait de porter atteinte au droit du sol à l'Assemblée nationale et surtout de la séquence des élections européennes du 9 juin 2024 puis des législatives anticipées du 30 juin – 7 juillet 2024 où l'on n'a pas hésité à parler de fin de la double nationalité, l'extrême-droite française et la droite réactionnaire ont pu poser de nouveaux jalons pour mettre en œuvre leur projet de société néocoloniale en France. Ce projet de société néocoloniale consiste à mettre la vie des immigrés musulmans et des Français issus de l'immigration sous contrôle administratif, policier et judiciaire permanent, couplé à une forte « remigration » des « indésirables » vers le pays de leurs « origines», y compris, à terme, les Français binationaux rendus « expulsables ». La société néocoloniale à venir est le fruit d'un plan de « dé »-diabolisation de l'extrême-droite au sein des élites françaises, couplée à une stratégie concomitante de diabolisation des musulmans, maghrébins et algériens en particulier (immigrés ou Français), décliné au cours des 40 dernières années. Quatre groupes portent ce projet : un premier groupe, politique, composé d'une alliance entre les partis d'extrême droite et de droite réactionnaire. C'est le fer de lance idéologique et politique de ce projet raciste et néocolonial en France. Le second groupe, étatico-administratif, est une fraction de plus en plus importante de l'Establishment qui apporte son soutien à ce projet ; paradoxalement, il s'agit du même Establishment que celui que fustigeait Jean-Marie Le Pen il y a quarante ans et qui s'est progressivement « Le Pénisé ». Le troisième groupe représente les forces de l'argent : il est constitué de milliardaires très engagés à droite et profondément anti-musulmans comme Vincent Bolloré, Patrick Drahi ou le nouveau venu Pierre-Edouard Stérin ; ces milliardaires essaient de rallier le reste de l'oligarchie à ce projet néocolonial comme au bon vieux temps des colonies. Le quatrième groupe est constitué de soutiens étrangers, principalement anglo-américains et israéliens, qui trouvent un intérêt, par idéologie ou par calcul politique cynique, à ce modèle de gouvernance pour la France. Quelques années nous séparent de la prise de pouvoir de cette coalition, soit par les urnes lors des prochaines élections présidentielles de 2027, soit en provoquant la démission avant terme du président Macron, à la faveur d'une énième crise savamment hystérisée. La Cinquième République chutera alors comme la Quatrième, avec l'orchestration de l'arrivée au pouvoir comme une évidence d'une femme ou d'un homme providentiel porté à bout de bras par cette coalition, un peu comme l'arrivée de de Gaulle au pouvoir en 1958 au cours de la guerre d'Algérie. Comme en 1958, il s'agira des mêmes cercles conservateurs et d'extrême-droite et des mêmes arguments de sauvegarde de la souveraineté nationale et de retour à l'ordre qui seront invoqués pour ce coup d'Etat soft qui mettra fin à une Cinquième République présentée comme « ingouvernable », dysfonctionnelle et incapable de faire face à la gravité de la situation. I. Les quatre promoteurs de la future société néocoloniale en France L'alliance politique d'extrême-droite travaille la population à accepter le projet de société néocoloniale La future grande coalition de droite extrême qui prendra le pouvoir reposera sur quatre composantes : une matrice, le Rassemblement National, et les partis ou fractions de partis qui le rejoindront à terme: le courant de droite dure des Républicains avec Eric Ciotti comme figure de proue, qui a déjà annoncé la couleur en créant un nouveau parti au nom très explicite l'UDR (Union des Droites pour la République, ultime pied de nez à de Gaulle) et qui a pour ambition de préparer la fusion du gros des troupes des partis aux 4 R, Rassemblement – Reconquête – Renaissance – Républicains. Reconquête d'Eric Zemmour, positionné également à l'extrême-droite et qui ne parle que d'immigration et d'Islam est bien évidemment le second parti qui rejoindra cette coalition. Initialement sensé jouer le rôle de catalyseur de l'union des droites, Eric Zemmour a dû céder la main à Eric Ciotti par manque de savoir-faire politique et du fait de sa personnalité clivante. Enfin, les trois courants de la droite dure au sein de l'ancienne coalition d'Emmanuel Macron en voie d'éclatement, rejoindront la coalition de droite extrême le moment venu : le courant catholique intégriste incarné par Philippe de Villiers, plus ou moins retiré de la politique mais encore influent par ses idées et ses prises de positions, la frange sécuritaire du parti présidentiel Renaissance menée par Gérald Darmanin, représentant de l'Establishment sécuritaire en politique, placé en embuscade pour récupérer le parti d'Emmanuel Macron, et le parti Horizons mené par un autre représentant de l'Establishment, plus technocratique, Edouard Philippe, qui participeront à la coalition sans états d'âme. Plus encore que leur souverainisme affiché ou leur goût pour un pouvoir fort, la base de la convergence de ces courants est la détestation des Musulmans, des Arabes, et des Algériens en particulier. Ils endosseront tous le projet de société néocoloniale sans grands états d'âme le moment venu. Le Rassemblement national, issu du Front national, est le socle électoral de l'alliance Le cœur historique et le réservoir de soutiens populaires de cette coalition politique anti-immigrée, anti-musulmane et anti-algérienne en particulier est constitué du Rassemblement national, issu du Front national originel de Jean-Marie Le Pen. Rappelons que les courants politiques d'extrême-droite racistes se sont regroupés au sein du Front national dans les années 70 par refus politique et idéologique de la perte de l'Algérie et celle de l'Empire qui a suivi (fascistes de droite, lobbies pieds-noirs, militaires d'extrême-droite, souvent catholiques intégristes, anti-musulmans et profondément colonialistes). Ils ont « logiquement » transféré leur haine sur l'émigration musulmane, arabe et algérienne immédiatement après la fin de la guerre d'Algérie, traités comme des bouc-émissaires de la perte du « paradis perdu », de celle de leur statut supérieur à l'époque coloniale et de tous les maux en France. Mohsen Abdelmoumen