Les Messalistes, très forts au départ, dominaient la situation. En France, ils s'étaient approprié la Fédération. En Algérie, ils envoyèrent des émissaires pour s'accaparer de l'organisation du MTLD, sous contrôle des centralistes. A toutes les Kasmas, ils lancèrent le mort d'ordre suivant : - blocage des fonds ; - réclamer les comptes financiers de l'année 1953 ; - couper toute relation avec l'ancienne direction du MTLD. Les centralistes, à leur tour, dénoncèrent le congrès d'Hornu des Messalistes et exclurent Messali, Mezerna et Moulay Merbah. Ils confirmaient la politique générale tracée par le 2e congrès du MTLD. Mais, en fait, ni le congrès tenu par les Messalistes, à Hornu (du 13 au 17 juillet), en Belgique, ni le congrès tenu par les Centralistes (du 13 au 17 août) à Alger, ne s'engageaient pour la lutte armée dans l'immédiat. La crise profonde, qui avait secoué le MTLD, grand défenseur de l'indépendance nationale, fit que chaque tendance s'était préoccupée de faux problèmes et oublia de ramener, à sa juste valeur, l'avenir de l'Algérie. Or, cette situation provoqua chez les militants de l'OS un mécontentement et le désir d'organiser, eux seuls, l'insurrection armée. Face à la paralysie du MTLD, qui venait d'éclater publiquement en deux tendances (les messalistes et les centralistes), d'autres hommes de l'OS (formant la troisième force), fermes et déterminés, décidèrent d'en finir avec la politique attentiste et ses louvoiements. Ces hommes, qui symbolisaient la volonté des masses populaires, allaient sortir de leur mutisme. Ils organisaient, dans le plus grand secret, les hommes et les moyens dont ils disposaient et allaient déclencher, sans l'avis des partis politiques, l'insurrection du 1er novembre 1954. Les principaux hommes, qu'on peut considérer comme des piliers, parce qu'ils avaient joué un rôle déterminant dans la préparation de la révolution armée à l'intérieur du pays, étaient : l Boudiaf Mohamed, dit Si Tayeb lBen Boulaïd Mostefa lBen M'hidi Larbi lDidouche Mourad lKrim Belkacem lEt Bitat Rabah. Ceux qui avaient joué un rôle important et complémentaire, à l'extérieur étaient : Ben Bella Ahmed Aït Ahmed et Khider Mohamed (1). Il est nécessaire de mentionner le rôle que joua Zoubir Bouadjadj dans les préparatifs, à la veille de l'insurrection. Fidèle à son ami Didouche Mourad, et se tenant constamment à ses côtés, le remuant et courageux Zoubir joua un rôle important au cours des préparatifs et des deux réunions (celle de Crescia et celle du Clos-Salembier). Ainsi, ce fut grâce à lui que le choix se fit sur des militants, responsables d'Alger, et qui participèrent au déclenchement du 1er novembre 1954. A son arrestation, il se fit condamner à trois reprises à perpétuité. Trois importantes réunions historiques allaient se tenir à l'intérieur du pays pour préparer, structurer et fixer la date du déclenchement de l'action. La première réunion, à caractère militaire, se tint dans le courant du mois de juillet, dans la ferme de Si El-Bachir El-Hedjim, à Crescia, située à 20 km à l'ouest d'Alger. Cette rencontre rassemblait les principaux responsables de l'OS, de tous les coins du pays, et formait la troisième force active. Elle groupait une trentaine de patriotes et dura trois jours et trois nuits. Son objectif était de se faire rappeler les principes et les techniques de la guérilla ; la fabrication de tous les explosifs et leur utilisation. Le principal animateur et instructeur, dans cette réunion, fut le grand et sage Mostefa Ben Boulaïd. Tous ces responsables et militants de l'OS devaient, chacun dans sa région, mobiliser le plus grand nombre possible de patriotes décidés à combattre, par les armes, les forces du mal. Instruits des spécificités inhérentes à tout mouvement politique, les militants de l'OS bannissaient le pouvoir personnel et le culte de la personnalité, dont l'Algérie fut la proie pendant l'ère coloniale. Ils instaurèrent le principe de la direction collective, composée de militants sincères et dévoués à la cause nationale. La seconde réunion, dite «des 22», s'était tenue au mois de septembre, chez Derriche Elyès, au Clos-Salembier. La plupart des membres avaient déjà assisté, en quelque sorte le rôle de comité central. Elle devait, surtout, ratifier ou rejeter le principe de la décision du soulèvement insurrectionnel. Pour ce qui est de la troisième réunion, elle groupait les six hommes cités plus haut. Cette réunion s'était tenue le 23 octobre 1954, chez Mourad Boukachoura, à Bologhine (ex=Saint-Eugène). Elle joua le rôle d'un organisme de direction. Quatre militants, sûrs, tenaient le rôle de «boîtes aux lettres» entre ces hommes (recherchés par la police et formant la direction insurrectionnelle). Les principaux furent Issa Kechida, Mourad Boukachoura (beau-frère de Ahmed Mezerna, responsable MNA), Abderrahmane Naït Kaci (mort au maquis) et Zergaoui Mustapha. Au Caire, A. B. Bella, Khider Mohamed et Aït Ahmed formaient, désormais, la délégation officielle pour représenter l'Algérie en lutte armée. Elle se consacrait, donc, à obtenir l'appui de Nasser, qui venait d'écarter Neguib du pouvoir sur le plan politique. Mais le nouveau chef visait à la constitution d'un organisme unifié pour les trois pays du Maghreb. Le 5 avril 1954, un comité de libération du Maghreb fut constitué. Les Algériens étaient conscients de leur originalité et convaincus, qu'avant tout, leur liberté sera le prix de leur propre combat. Nasser chargea deux officiers égyptiens, Fathi El Dib et Soliman Ezzat, de suivre les questions d'Afrique du Nord. En août 1954, un «commandement extérieur de l'armée de libération» vit le jour. Il réunissait A.B.Bella, pour l'Algérie, Hamadi Er Reffi, pour le Maroc, et Azzedine Azzouz pour la Tunisie. Ce dernier était de la tendance Salah Ben Youcef, opposant de Habib Bourguiba. Ce commandement avait pour mission une action commune des trois pays maghrébins. Ce «commandement extérieur de libération» qui, en fait, devait constituer un espoir pour les Algériens d'avoir les armes pour l'Oranie, décevra et se termina en queue de poisson. Ce qui, en fait, retarda la future wilaya V, qui n'entra réellement dans la guerre qu'en octobre 1955. Le sentiment que le peuple algérien fait partie intégrante des peuples «frères» du Maroc et de Tunisie, ayant une même communauté, une même langue, une religion commune, n'exclut pas la constatation des différences entre les trois mouvements nationaux. Leur composition et leur histoire, leur statut et leur peuplement, diffèrent de ceux de l'Algérie. On sait que pour chasser l'occupant, le Maroc et la Tunisie avaient choisi, chacun, une voie différente de celle de l'Algérie. In «le complet» de M'hamed Yousfi (excédation ENAL) 1986.