Le Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab qui a tenté le 25 décembre de faire exploser une bombe dans le vol Amsterdam-Détroit se trouvait encore au début du mois de décembre au Yémen, où le réseau Al Qaïda cherche depuis plusieurs mois à constituer une base opérationnelle. «Il a séjourné au Yémen entre début août et début décembre, après avoir obtenu un visa pour étudier la langue arabe dans un institut de Sanâa où il avait suivi auparavant des cours», a déclaré un porte-parole du ministère yéménite des Affaires étrangères dans un communiqué publié, hier, par l'agence officielle Saba. Cet élément corrobore les dires du jeune homme qui a affirmé à la police fédérale américaine (FBI) s'être entraîné au Yémen au sein du réseau Al- Qaïda. La psychose aux Etats-Unis n'était plus remontée à ce niveau depuis plusieurs années. Au point que Barack Obama, le Président des Etats-Unis, s'est senti obligé d'intervenir, lundi, pour rassurer. D'Hawaï, où il est en vacances, il a promis que son administration «ferait tout pour assurer la sécurité des Américains... Nous ne baisserons pas les bras tant que nous n'aurons pas trouvé tous ceux qui sont impliqués pour les faire répondre de leurs actes», a-t-il déclaré faisant référence à l'attentat manqué le jour de Noël, vendredi dernier, par Umar Farouk Abdulmutallab, 23 ans, sur le vol Northwest Amsterdam-Détroit. «Nous allons continuer à utiliser tous les éléments en notre pouvoir pour intercepter, détruire et vaincre les extrémistes violents qui nous menacent, qu'ils soient d'Afghanistan, du Pakistan, du Yémen ou de la Somalie, ou de partout où ils préparent des attaques contre le sol américain», a conclu le Président. Illustration du climat, un Nigérian malade est resté longtemps dimanche 27 décembre dans les toilettes du vol entre Amsterdam et Détroit et l'équipage paniqué a demandé lors de l'atterrissage à la police de monter à bord et de l'interpeller. Barack Obama a été informé immédiatement... Il faut remonter à la fin de l'année 2001 pour retrouver un tel chaos dans les aéroports un peu partout dans le monde, quand Richard Reid, surnommé depuis «shoe bomber», avait alors tenté en vain le 22 décembre 2001 de mettre le feu à ses chaussures bourrées d'explosifs sur le vol Paris-Miami d'American Airlines. Richard Reid avait été envoyé en mission suicide par Khalid Sheikh Mohammed, le cerveau des attaques du 11 septembre 2001 contre New York et Washington, et s'était entraîné dans des camps d'Al Qaïda en même temps que Zacarias Moussaoui. L'Anglais Richard Reid, le Français Zacarias Moussaoui et aujourd'hui le Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab n'étaient pas des terroristes particulièrement efficaces et très bien entraînés. Cela n'a pas empêché Al Qaïda de revendiquer l'attentat manqué du 25 décembre. Dans un communiqué daté du samedi 26 décembre et rendu public lundi 28 décembre sur plusieurs sites islamistes, Al Qaïda «dans la péninsule arabique» souligne que «le frère nigérian, est passé à travers toutes les barrières de sécurité pour son opération, brisant le grand mythe du renseignement américain... Il a utilisé une technique d'explosifs développée par les moujahidines dans les ateliers d'Al Qaïda dans la Péninsule arabique». Le groupe a menacé de mener d'autres attaques «tant que les Américains soutiendront leurs dirigeants, c'est ce à quoi ils doivent s'attendre de nous... Nous avons préparé des hommes qui aiment la mort». Si l'organisation terroriste fondée par Oussama ben Laden a perdu depuis septembre 2001 l'essentiel de ses capacités opérationnelles, si elle a perdu une bonne partie de ses cadres, ces deux principaux dirigeants, le Saoudien Oussama ben Laden et l'Egyptien Ayman al Zawahiri, ont apparemment survécu et comme le souligne les spécialistes américains du terrorisme, Daniel Benjamin et Steve Simon, «elle a profondément muté». Elle est devenue avant tout un outil de propagande et de guerre idéologique prônant le djihad contre les «juifs, les croisés» et les apostats. Mais elle tente tout de même depuis huit ans de susciter la reconstitution de bases opérationnelles. L'organisation a tenté de le faire et tente de le faire évidemment en Afghanistan et au Pakistan dans les zones tribales, mais aussi en Indonésie, aux Phillipines, en Irak et depuis quelques temps au Yémen. C'est là où vraisemblablement Umar Farouk Abdulmutallab a été préparé et formé. D'après un bulletin envoyé aux différents services de sécurité américains par le FBI (police fédérale), Umar Farouk AbdulMutallab a déclaré que «les explosifs lui avaient été fournis au Yémen et il avait reçu un entraînement sur place pour les utiliser... D'autres membres d'Al Qaïda auraient reçu une formation identique». Selon des informations obtenues par CNN, une partie des composants de l'explosif était cousue dans ses sous-vêtements. Une analyse préliminaire du FBI conclut que la bombe qu'il avait en sa possession contenait un explosif puissant, du pentaerythritol tetranitrate, connu sous le nom de PETN. Selon plusieurs experts américains, la quantité d'explosif était suffisante pour faire un trou dans le fuselage de l'appareil et le faire s'écraser lors de la phase d'atterrissage. Elle était même deux fois plus importante que celle contenue dans les chaussures de Richard Reid. Les services de renseignement américains cherchent aujourd'hui à comprendre comment Abdulmutallab est parvenu à introduire des explosifs dans l'avion et qui a pu l'aider à le faire et à confectionner la bombe. «Nous cherchons aussi à comprendre pourquoi il n'a pas été repéré quand il a acheté son billet compte tenu des informations qui étaient alors disponibles», a avoué lundi Janet Napolitano, la secrétaire américaine à la Sécurité intérieure.