? «Courant octobre 1969, nous reçûmes l'ordre de nous préparer à recevoir la nouvelle brigade, la 4e, commandée par le commandant Mohamed Allahoum. Nous mîmes au point le plan de remaniement du dispositif de la brigade et les premiers détachements de mon unité prirent le départ de nuit, vers Le Caire, où ils devaient embarquer dans des avions Antonov 12. Au fur et à mesure des départs et des arrivées, et au bout d'une vingtaine de jours, le commandant de la nouvelle brigade arriva. Pendant toute cette période, nous ne voyions pas le temps passer, pris que nous étions par les tâches quotidiennes. Il nous arrivait souvent de rejoindre nos abris. Les Israéliens, qui avaient dû avoir vent de la relève, nous «saluaient» et «saluaient» les nouveaux venus à leur manière. Quand nous nous trouvions devant les abris, nous plaisantions pour passer le temps, nous ne nous engouffrions à l'intérieur que lorsque, par expérience, nous comprenions qu'un obus nous était destiné ! Nous riions quand certains nouveaux arrivants, non habitués à ces tirs, se plaquaient au sol sans raison. C'était aussi le moment des présentations de ces nouveaux arrivants aux autorités égyptiennes. A la même occasion, nous remerciions les responsables et officiers égyptiens et leur faisions nos adieux en leur souhaitant plein succès dans leur travail. Je reconnais que c'est au cours de cette période passée en Egypte que j'ai pu mettre en pratique toutes les connaissances théoriques accumulées pendant mon stage à l'Ecole d'état-major de Moscou. J'ai pu, donc, moi aussi profiter de cette expérience inestimable, acquise et mise au service de l'armée algérienne, surtout à Tindouf et tout au long de ma carrière. J'ai gardé un excellent souvenir du général Mustapha Chahine (que Dieu ait son âme). C'était un homme de grande qualité. Il était aussi très apprécié de ses subordonnés. Réaliste, il avait pris conscience du fossé qui séparait son armée de celle qui lui faisait face. Il n'a ménagé aucun effort pour combler ce retard. Je lui suis très reconnaissant de m'avoir toujours considéré comme faisant entièrement partie de sa division. Il me faisait participer à toutes les réunions des cadres et ne manquait jamais de m'informer des moindres détails qui se déroulaient sur le front. Lors de la première réunion au poste de commandement de la division, alors que les sujets opérationnels étaient épuisés et qu'il allait traiter des questions internes, je me préparais à prendre congé lorsqu'il s'adressa à moi en toute humilité : «Restez donc, akh Khaled, nous n'avons rien à vous cacher.» Un jour, il mit sous mon commandement – dans le secteur qui m'était imparti – une unité de gardes chargés de surveiller une portion du lac Amer. Il ne manqua pas d'attirer mon attention sur la survenance d'un fâcheux événement : « Faites attention, me dit-il, soixante de ces gardes ont été égorgés par des hommes-grenouilles israéliens ! »