C'est ce qui a été rapporté dans le communiqué de l'Elysée, publié dans la soirée de mardi. Le président Sarkozy, ne se contentant pas d'un simple communiqué, a de vive voix remercier «chaleureusement» son homologue malien lors d'une conversation téléphonique, rapporte le communiqué précité. La libération de Pierre Camatte, mardi par les terroristes de l'organisation d'Al-Qaida au Maghreb islamiste, a été possible suite à celle de quatre islamistes par Bamako, lundi dernier. Cela a été aussi le fruit des deux visites éclairs qu'a effectué le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, au Mali. La France, qui a pesé lourdement dans la prise de décision du président malien, dévoile on ne peut mieux le fossé entre son discours politique et la réalité, s'agissant de lutte contre le terrorisme. Le Mali, cédant aux exigences de Paris, vient de tourner le dos à ses engagements nationaux, régionaux internationaux. A ce propos, il est à noter que le président malien s'est vu critiqué vivement par l'opinion nationale malienne via les journaux. Celle-ci a majoritairement condamné la libération des islamistes d'AQMI, voyant ainsi leur président, Amadou Toumani Touré «céder au chantage de l'AQMI» et satisfaire Paris comme «une capitulation». «Bamako se met sur le dos des voisins comme l'Algérie et la Mauritanie», soulignent bon nombre de quotidiens maliens, affichant leur désapprobation quant à la manière adoptée par le président Amadou Toumani Touré pour la gestion de cette crise. Une gestion qui a été saluée par contre par le président français, faisant fi des retombées de la libération des islamistes, et du renflouement, par des rançons, des finances de l'AQMI. Pour certains titres de la presse malienne, il s'agit de «la plus grosse erreur que Amadou Toumani Touré vient de commettre», a écrit le Bi-Hebdo, indiquant que «quelle que soit la pression de l'Hexagone, le président devait tenir bon et dire poliment et fermement non aux émissaires de Sarkozy». Et d'ajouter pertinemment qu' «aucun principe, aucun texte, aucune solidarité, aucune vertu, ne permet ce genre d'échange» et soulignant «que la France nous demande ce qu'elle-même n'accepte pas chez elle». De vives critiques à l'adresse du président malien et un rappel à l'ordre en direction de Paris qui ne cesse de prôner la voie de la rigueur et de la fermeté dans la lutte contre le terrorisme, mais qui semble, au vu de cet épisode, répondre à d'autres critères que ceux établis dans le cadre de la coopération bilatérales ou multilatérales. A ce propos, il est utile de rappeler que le secrétaire d'Etat à la Coopération, Alain Joyandet, avait salué la libération des islamistes, y voyant un signe encourageant pour la libération de Pierre Camatte, mettant, ainsi, à nu l'étroite collaboration de la gestion de cette crise entre Paris et Bamako. Ce qui laisse des interrogations quant aux raisons qui ont amené le président malien à emprunter cette voie. Une voie qui va à contre-sens des accords signés entre Bamako et ses voisins, menant à la violation par le gouvernement malien des résolutions pertinentes et contraignantes du Conseil de sécurité des Nations unies et des engagements bilatéraux, régionaux et internationaux de lutte contre le terrorisme. S'agissant des retombées de la gestion controversée de cette crise par le président malien, il va sans dire que la révision de bon nombre de questions liées à la lutte contre AQMI dans la région sahélienne est de mise. Cela d'autant plus que ce précédant renseigne sur la dangerosité des interférences de certaines puissances dans cette partie de l'Afrique. L'interférence de Paris pour la libération des islamistes, faisant fi des règles, puisque s'agissant de terroristes recherchés par les pays voisins, est typique. Les réactions d'Alger et de Nouakchott, le Niger étant pris par sa crise interne après le coup d'Etat, devraient sans nul doute réévaluer cette coopération sur fond des interférences étrangères et des desseins inavoués qui guettent l'ensemble de la région.