Pourquoi les démocraties occidentales, en particulier la France, n'ont jamais insisté sur leur “concept” de démocratie dans certains pays comme le Gabon où un président a passé 39 ans au pouvoir ? Pour la France, et d'après l'histoire, le Gabon n'est pas un pays comme les autres pays africains, en tout cas, en observant les politiques de coopération et d'intérêts. On se rappelle de l'ancien président gabonais El-Hadj Omar Bongo, mort au pouvoir après 39 ans de gestion sans partage. Doyen des chefs d'Etat, ses multiples mandats n'ont pas été vraiment un casse-tête pour les démocraties occidentales, en l'occurrence la République française de Nicolas. Pourtant, pour certains pays comme le Niger de Tandja Mamadou, tout récemment, les démocraties avaient haussé le ton. Mercredi 24 février 2010, le président français Nicolas Sarkozy s'est rendu au Gabon de son homologue Ali Bongo fils “héritier” d'El-Hadj Omar Bongo. “Je suis venu au Gabon pour une nouvelle coopération décomplexée.” Notant que le président français est accompagné par une délégation importante. Ainsi plusieurs accords bilatéraux ont été signés : - accord de défense (un nouvel accord de maintien de la base militaire française après les fermetures de celles du Sénégal et de la Côte d'Ivoire) ; - accord de jeunes professionnels ; - accord d'un projet d'assainissement… Ainsi diverses conventions seront signées avec l'Agence française de développement (AFD). La visite à Libreville du président français, Nicolas Sarkozy, est marquée par la visite à l'usine Rougier de déroulage et de fabrication de contreplaqué, une manière certainement de toucher du doigt les réalités du secteur du bois. Un discours franc et motivant dans la forme, visiblement un discours pragmatique pour donner un nouvel élan aux relations franco-gabonaises et ouvrir une nouvelle page du “grand livre” de la traditionnelle relation France-Afrique. Au-delà de la politique France-Afrique entre la France et le Gabon, il s'agit d'une relation très particulière. Ainsi le président français dira : “Nous avons en commun une histoire, une culture. Nous ne sommes pas pour montrer la direction à l'Afrique mais pour l'accompagner sur son chemin de développement.” Il a profité de cette visite au Gabon pour affirmer son soutien complet à son homologue gabonais. Le président charismatique Ali, de son côté, dira : “Nous pouvons ignorer et tourner la page de ce qu'on appelle communément et confusément France-Afrique, rénover le partenariat France-Gabon. Je veux faire respecter et rayonner mon pays au Conseil des nations ; l'heure de notre rénovation politique a sonné, un partenariat gagnant-gagnant. 14e partenaire commercial de la France, notons que le Gabon est un pays très riche en ressources naturelles (pétrole, bois, une flore exceptionnelle et très riche…), un pays moins peuplé, surtout par rapport à sa richesse.” Pourquoi la France attache-t-elle réellement tant d'intérêt pour le Gabon ? Qui était vraiment El-Hadj Omar Bongo pour la France, et pour France-Afrique ? Pourquoi les démocraties occidentales, en particulier la France, n'ont jamais insisté sur leur “concept” de démocratie dans certains pays comme le Gabon où un président a passé 39 ans au pouvoir ? Cela nous rappelle également la vie politique de certains chefs d'Etat et des situations politiques de certains pays africains comme Denis Sassou-Nguesso du Congo-Brazzaville, Blaise Campaoré du Burkina Faso, Teodoro Obiang Nguema du Guinée équatoriale, Idriss Débi Itno du Tchad, Paul Biya du Cameroun, la Guinée Conakry du général Alassane Conté, le Sénégal de Léopard Sédar Senghor et la Côte d'Ivoire de Félix Houphouët-Boigny. Visite de Nicolas Sarkozy au Mali Après le Gabon, le président français s'est rendu à Bamako, la capitale malienne. D'après les informations données, le but de cette visite vient après la libération de l'otage français, Pierre Camatte. Lors d'une conversation téléphonique, Nicolas Sarkozy “a remercié chaleureusement le président malien Amadou Toumani Touré pour la gestion de cette crise et l'a assuré du soutien de la France dans la lutte contre le terrorisme”, selon un communiqué de l'Elysée. Al-Qaïda au Maghreb islamique, qui retient au total six Européens dans la zone désertique du nord du Mali, avait menacé de tuer Pierre Camatte avant le 20 février si elle n'obtenait pas la libération des quatre islamistes (deux Algériens, un Mauritanien et un Burkinabé). Ainsi dès leur libération, lundi 21 février 2010, les quatre hommes ont été acheminés vers le désert malien, où ils devaient être interrogés par des responsables du groupe islamique avant les tractations avec des négociateurs maliens visant à obtenir la libération du Français. Ce geste du gouvernement malien a été rejeté et dénoncé officiellement par le pouvoir mauritanien, “remettre à une partie terroriste un Mauritanien réclamé par la justice mauritanienne”. La Mauritanie a même protesté en rappelant son ambassadeur à Bamako. Visite de Nicolas Sarkozy au Rwanda Après la visite de Bernard Kouchner, le président Sarkozy a entamé, jeudi 25 février 2010, une visite certainement de réconciliation entre la France et le Rwanda. Pourquoi tant de convoitises pour Kigali ? Pourquoi cette visite lui tenait-elle vraiment à cœur ? Pour en savoir plus, nous devons revenir un peu au passé. Du 7 avril au 4 juillet 1994, le génocide au Rwanda, un pays d'Afrique de l'Est, fut commis dans le cadre d'une guerre civile opposant le gouvernement rwandais, constitué de Hutus, au Front patriotique rwandais (FPR), accusé par les autorités d'être essentiellement tutsi. Ce fut le génocide de grande ampleur en termes de nombre de morts par jour. Les archives de la présidence de la République française ont fait apparaître que les autorités françaises ont été régulièrement informées, dès 1990, des risques de massacres ethniques de grande ampleur. La même année, les autorités françaises étaient conscientes du risque de génocide, comme en témoigne, dans le télégramme du 24 octobre 1990 de l'ambassadeur de France au Rwanda, l'analyse du colonel Galinié : “(…) L'élimination physique à l'intérieur du pays des Tutsis, 500 000 à 700 000 personnes, par les Hutus (…)” Et un général, de l'armée française, a rapporté aux députés français avoir entendu en 1990, du principal responsable de la gendarmerie rwandaise, l'explication suivante à propos des Tutsis : “Ils sont très peu nombreux, nous allons les liquider.” Dans la chronologie des notes et télex échangés entre les autorités françaises et ses représentants au Rwanda, le télégramme envoyé par l'ambassadeur français, le 12 janvier 1994, qui parle des renseignements transmis, un représentant des Nations unies faisait état d'un “plan de déstabilisation radicale du pays”. Mais le rapport, publié en juillet 2000 par l'Organisation de l'unité africaine, note qu'il est difficile de dater la mise en route de la préparation du génocide. Depuis cet incident très dramatique, le président rwandais, Paul Kagamé, a pointé du doigt la France de François Mitterrand. Paul Kagamé accuse la France d'être la principale responsable de ce désastre.Ainsi le gouvernement Kagamé, convaincu de l'implication de la France dans la guerre civile de 1994, avait pris des mesures radicales en termes de relations bilatérales politico-historiques en fermant l'ambassade française à Kigali. Mais ce qui est plus frappant, c'est l'adoption de l'anglais comme langue officielle à la place du français. Dans son discours de Kigali, le président Sarkozy a parlé d'erreur d'appréciation de la France : “Ce qui s'est passé ici est inacceptable et cela doit attirer la communauté internationale et la France à prévenir désormais ce genre de catastrophes.” Les deux présidents affirment tourner la page pour aller de l'avant. Selon le président rwandais, le souci du Rwanda est le développement et la France est un partenaire. Les mesures radicales du gouvernement rwandais, ce grand virement de culture linguistique est une première dans l'histoire des colons et des colonisés. Cette visite du président français peut-elle apaiser la rage des Rwandais ? De toutes les façons, le coup semble déjà parti. S. I. A. (*) Journaliste indépendant, correspondant nigérien, collaborateur de la presse écrite algérienne