Une avant-première qui nous fait rencontrer dans un retour attendrissant Mohamed Arslane Lerari dans un jeu subtil de chassé-croisé téléphonique adapté de la pièce du hongrois Ferenc Karinthy, le Bösendorfer, écrite en 1967. El-Mouggar, jeudi soir, le public arrive très tôt, ambiance bon enfant, un public déjà conquis venu à la rencontre de ce comédien amoureux du théâtre qu'est Arslane. Le metteur en scène est présent face à son public, fébrile, le verbe hésitant, timidité et trac en bandoulière. Un pull vert, couleur risquée pour les superstitieux. Mais cela se passe bien, les gens rient, le décors s'éclaire, une musique et chanson de Léo Ferré. Une sorte de lamento paisible. Décors sobre et épuré, au fond un rideau ouvert sur des cadres neutres, au devant de la scène un sofa, rouge. Une table basse, un téléphone. Vers la gauche une console, dessus, une chaîne stéréo. Deux bouteilles, le tout composé dans un scénographie de Mustapha Nedjaï. Et le délire commence. D'abord, une idée, une intuition. Le visage du comédien s'éclaire, il lit des annonces. L'une d'elle attire son regard. Il appelle alors. Et c'est, là, l'entrée en matière d'un cycle infernal, tragi-comique sur les qualités d'un piano mis en vente par la dame incarnée sur le mode de la voix off et délicieusement fantomatique que sera Rania Serrouti qui sera poursuivie des assiduités du comédien dans un sympathique numéro de schizophrénie multiplié par les quelques six ou sept personnages dont il endossera les mimiques et les accents pour mener la vieille dame au bord de la crise des nerfs. On aura tout vu dans ce délire téléphonique aux accents originaux. Un piano mis en vente par une dame qui ne sait plus à qui en jouer, ayant perdu son mari et son fils. Et en face, au téléphone, un être seul, prenant la forme d'une vieille, d'un général, d'un gosse gâté ou d'une vieille au bord de l'apoplexie en passant par un précieux ridicule aux allures efféminées. Le tout dans un texte sobre adapté par Kamel Iaïche qui n'en est pas à son coup d'essai avec une adaptation de Nedjma et de l'Escargot entêté. L'éclairage et le son d'El-Madjid Mansouri laissent un peu le public sur la faim, un peu plus d'audace et de couleurs sur scène n'auraient pas été de trop. Il fallait compter sur quelques réglages sur le texte qui échappe quelque peu à Arslane qui n'avait pas apprivoisé les mots malgré des notes hilarantes et consensuelles dans le texte assez apprécié par le parterre acquis à sa cause. Le final finira par nous réconcilier avec le comédien dans une catharsis finale qui finira par nous donner une image de Rania Serrouti, engluée dans sa tristesse, et qui donnera le ton de la révélation de la solitude de son harceleur téléphonique à la recherche de cette mère perdue dans lés affres de la vie. Au final, le Moineau se révèle être une bonne petite pièce qui peut gagner en efficience sur du culot artistique, en sortant des sentiers battus et en laissant la folie gagner les personnages, le caractère contenu de cet acte unique laisse un peu en attente les spectateurs malgré un allant d'affection et de sympathie qui nous attache aux délicats Arslane et Rania Serouti professionnels aguerris de la scène. La mécanique anglaise de ce fameux piano à polémique nous aura bien mené au bout de la tragi-comédie sur un texte original et bien énoncé. La sympathie et la tendresse étaient au rendez-vous ; le public rigolard est resté accroché à la ligne, que demander de plus finalement. Jaoudet Gassouma Le Moineau Mise en scène : Kamel Iaïche sur une pièce originale de Ferenc Karinthy, le Bösendorfer (1967). Distribution : Arslane et Rania Serrouti Images vidéo : Mustapha Belmihoub