? Paris n'a pas trouvé mieux pour entamer l'année 2011, dans le cadre de ses relations avec Alger, que de durcir, à l'égard des commerçants comme des journalistes, les conditions d'obtention des visas d'entrée en France. Ainsi, les commerçants algériens doivent désormais, pour obtenir un visa, s'engager à ne pas demander de titre de séjour en France ni à y bénéficier de prestations sociales ou médicales. Les journalistes, eux, doivent obtenir une invitation pour se rendre en France. C'était prévisible, une telle décision n'a pas laissé indifférent en Algérie où, en plus d'une vive réaction de l'opinion publique répercutée par les médias, les milieux politiques n'ont pas manqué de regretter de telles mesures, alors que le ministère des Affaires étrangères algérien est toujours attendu sur une réaction aux mesures préconisées par Paris, lui qui a déjà déploré le manque de consultation de la part de Paris et estimé que les nouvelles mesures font douter «sur la bonne foi des milieux d'affaires nationaux» et qu'elles donnent déjà une idée de ce que sera «le résultat des discussions consulaires» au sujet des accords migratoires de 1968, prévues dans un avenir prochain. En fait, les conditions d'octroi du visa telles qu'elles sont imposées aux deux corporations algériennes des commerçants et des journalistes sont réductrices et humiliantes. Les commerçants sont non seulement catégorisés d'entre tous les Algériens comme étant susceptibles de pratiques peu respectables, mais il leur est également exigé de signer un engagement qui s'apparente à un véritable aveu d'intention de «culpabilité». Ce qui est, à n'en pas douter, la pire des insultes qu'on puisse faire à une personne de la part d'un service consulaire étranger. S'agissant des journalistes, la mesure préconisée est plus ridicule et réductrice qu'elle n'est humiliante. Comment peut-on soumettre la liberté de déplacement d'un journaliste à une invitation, sachant qu'un journaliste ne dépend, dans l'exécution de ses missions, que des choix opérés par le journal qui l'emploie quand il n'est pas free-lancer ? Devant de telles décisions, il ne s'exprime que colère et incompréhension de ce côté-ci de la Méditerranée. Mais à vrai dire, la véritable incompréhension est celle que l'on est en droit d'exprimer à l'égard de ceux qui continuent, malgré toutes les humiliations, à s'aligner en files interminables devant les locaux du consulat de France pour solliciter un visa. S'il est vrai que la décision française est un acte d'Etat souverain qui n'a pas besoin de se justifier, dans une certaine mesure, dans le sens où la France semble considérer que la préservation de ses intérêts passe par la réduction du nombre de visas accordés aux Algériens et par le durcissement des conditions d'octroi des visas, il n'en est pas moins vrai qu'une telle décision mérite une réaction algérienne au moins aussi proportionnelle et aussi absurde. De toutes les façons, s'il y a une constante algérienne en matière de politique internationale, c'est bien celle, de toute souveraineté, qui a consisté dans la sacrosainte règle de la réciprocité. Et si cette attitude n'a pas toujours eu le mérite de préserver les intérêts matériels ou financiers de l'Algérie, elle n'en a pas moins donné, chaque fois, aux Algériens des raisons d'être fiers. Cela dit, le véritable sursaut de dignité est celui que devraient avoir ceux qui se rendent encore en France et qui semblent croire que ce pays est le seul endroit où l'on peut commercer ou faire du tourisme. Peut-être que la France a l'air de les réveiller pour éveiller leur conscience sur le désamour qui la lie à eux et que Paris décline, épisodiquement, à travers le visa.