Intervenant juste à la reprise de la séance, le wali, M. Azzedine Mecheri, qui fera état de ses sentiments fraternels à l'endroit des membres de cette assemblée, souhaitant plein succès aux travaux de cette session, soulignera la bonne réputation dont jouit cette importante wilaya, qu'il a déjà servie durant les années 90 et qui ne prête pas, dira-t-il, à commentaires. Une wilaya dont la gestion passe par bien des défis à relever au titre de la mise en œuvre et la réussite du programme quinquennal 2010-2014 initié par le président de la République. “Complémentarité, entraide, dialogue, sincérité et concertation” devront constituer autant de valeurs qui nous permettront de relever les défis qu'imposent le caractère stratégique de cette wilaya qui continuera à faire l'objet des efforts de tous, cadres et élus, à l'effet de la consolider par de nouvels acquis et réalisations à même de renforcer sa position économique et sociale au niveau social. Il reviendra sur le secteur de la santé, constituant l'ordre du jour de cette session, et soulignera chiffres à l'appui, les efforts consentis par l'Etat, les lacunes relevées sur le terrain et les remèdes proposés. En effet, la population de la wilaya de Bordj Bou Arréridj ne cesse de croître d'année en année, ses besoins sont de plus en plus nombreux et divers, et ses exigences, même les plus élémentaires, se font de plus en plus pressantes. Parmi les exigences qui semblent prioritaires, figure le droit à la santé. Pourtant, ce n'est pas évident quand on visite certains hôpitaux et cliniques de la région. Et force est de constater que beaucoup d'entre eux ne correspondent pas à l'attente de cette population, tant sur le plan de la qualité des soins que de l'accueil, des locaux ou des équipements. Le diagnostic fait par le wali, les patients, les médecins et le personnel paramédical et élus APW est unanime : la santé publique à Bordj Bou Arréridj est en crise, voire comateuse, et la situation n'est pas près de s'améliorer ! Pour une population de plus de 664 283 âmes, la wilaya de Bordj Bou Arréridj compte dans le secteur public, 4 EHS pour une capacité de 848 lits, 6 EPSP, 42 polycliniques, 140 salles de soins dont 14 fermées. Pour les moyens humains, le secteur public compte 3 113employés dont 1 817 médecins et paramédicaux. Dans le secteur privée, on enregsitre 5 cliniques, 341 cabinets dont 85 spécialisés, 2 cabinets d'orthophonistes, 12 salles de rééducation fonctionnelles 14 salles de soins généraux, 23 opticiens, 2 labos de prothèse dentaire et 4 labos d'analyses médicales installés. Le nombre de médecins qui travaillent dans le privé est de l'ordre de 341 médecins dont 85 spécialistes, 143 généralistes et 113 dentistes. Concernant les pharmacies et officines, on compte pas moins de 147. Avec, en outre, un personnel insuffisant et quelques fois insuffisamment motivé. Les structures, avec des pavillons vétustes datant pour quelques-uns de l'époque coloniale et n'ayant connu aucun aménagement, ou juste un semblant, depuis des années, ces structures ne peuvent faire face à la demande croissante d'hospitalisations ou de soins. En outre, il n'est pas rare d'observer un manque d'entretien et d'hygiène, ce qui accentue les risques de contamination et d'infections. Les salles d'attentes ressemblent à des corridors des horreurs. Avec des patients, arrivés dans un état pitoyable, attendant indéfiniment qu'on veuille bien les prendre en consultation, souvent debout durant des heures, faute de sièges ou de bancs en nombre suffisant. Certains d'entre eux poussent des cris de douleur que personne, parmi le personnel soignant trop occupé ailleurs, ne semble entendre. Souvent aussi, l'atmosphère est lourde : on sent l'angoisse prête à se transformer en révolte. Le temps d'attente est trop long, la misère humaine trop grande, la douleur de certains malades trop intense. Alors, un mot déplacé, prononcé sous la force de l'inquiétude, et voilà des patients au bord d'une rixe. Et l'infirmier de service, faisant office de vigile, semble dépassé. Et il n'a pas les moyens de faire autrement. Certains, las d'attendre, quittent les lieux, s'en remettant à Dieu ! Les anecdotes dramatiques seraient trop longues à rapporter. On en aurait la nausée… Des personnes grabataires qui gémissent, des jeunes filles qui tombent en syncope, des mères affolées de voir leur enfant au bord de l'au-delà. Des membres bandés, des visages saignants, des pleurs qui vous arrachent le cœur. La misère au-delà de toute limite. Et ce jeune homme qui arrive, victime d'un accident de circulation, ou ce vieux qui, de son fauteuil roulant, a fait une chute et qui pleure sans pouvoir cacher ses larmes. Leur état nécessite une intervention d'urgence. Mais y a-t-il des urgences, face à tant de besoins ? Ce patient, tout abîmé, a eu de la chance, il sort du cabinet du médecin. Il vient d'être consulté, il ne mourra pas aujourd'hui ! Le pire, c'est que nous n'osons même pas blâmer en quoi que ce soit le personnel de l'hôpital ; c'est un système et il en fait partie. Ces agents hospitaliers ne font que réagir de leur mieux aux conditions inhumaines qui leur sont imposées dans l'exercice de leur métier. Alors, les malades qui en ont les moyens, préfèrent se rendre dans des cliniques privées locales ; d'autres iront à Alger, Sétif ou Constantine. Et c'est vrai que les cliniques et les cabinets privés se sont multipliés à Bordj Bou Arréridj. Beaucoup d'entre eux ont le vent en poupe car ils offrent des conditions d'hébergement et de soins très confortables. Et, comme le secteur sanitaire public ne répond plus aux attentes des Bordjiens, ‘'le racolage'' des malades vers le secteur privé par certains praticiens du secteur public a pris des proportions alarmantes. Telle est l'amère réalité vécue par des centaines de malades. Pourtant, celles ou ceux qui prennent généralement le chemin de l'hôpital, pour des soins, une intervention chirurgicale, des analyses médicales ou radiologiques, sont issus des couches les plus démunies, autrement dit, ceux qui ne peuvent se permettre des soins spécialisés en médecine privée. Malheureusement, c'est précisément cette classe sociale qui est confrontée à ce phénomène qui finit par gangrener le secteur médical. Le secteur de la santé des Bordjiens attend donc d'être «réanimé de toute urgence», comme le dira le wali. Pas seulement dans la ville de Bordj Bou Arréridj, mais aussi dans tous les centres urbains de la wilaya, où le pire côtoie souvent le meilleur. C'est pourquoi, il est primordial de relancer dans de brefs délais le secteur et de revoir sa gestion en visant les priorités pour répondre aux besoins sanitaires urgents et primordiaux d'une population sans cesse croissante. Beaucoup attendent avec impatience la relance du secteur. «Le climat de dilettantisme qui a empreint ce rendez-vous et la piètre qualité des rares débats soulevés, ne pouvaient, à l'évidence, échapper au jugement cartésien des initiés et des observateurs présents. Quitte à passer pour un chroniqueur à la dent dure, l'on ne peut, en effet, qu'être sidéré par les réflexes de conformisme qui caractérisent les élus du peuple en cette fin de mandat, quand bien même l'on ne peut passer sous silence les efforts méritoires accomplis par ce secteur en matière d'acquisition d'infrastructures techniques et de moyens humains, et en apports personnels, l'amélioration qualitative des conditions d'accueil et de prise en charge», dira un syndicaliste des paramédicaux.
Le privé et les prix exorbitants Le secteur privé n'est pas à l'abri de critique des élus, loin s'en faut. Dans certaines cliniques et cabinet médicaux, on pratique des prix exorbitants, défiant toute décence. Dans d'autres, on ne se soucie guère de la santé des malades, ni encore moins de la qualité des soins prodigués. Certains patients ont payé de leur vie certaines pratiques, qu'on ne peut en aucun cas qualifier de ‘'médicales''. Le malade qui pourrait quitter la clinique 2 ou 3 jours après son intervention chirurgicale est contraint d'y rester 8 à 10 jours sous prétexte qu'il doit rester sous surveillance postopératoire et la facture d'hospitalisation s'alourdit d'autant. Tel autre, victime d'un mauvais diagnostic ou celui-là d'une opération inutile ou injustifiée. Sans compter les examens exploratoires, radiologiques ou biologiques que le médecin prescrit en exigeant qu'ils soient pratiqués dans tel cabinet privé et pas dans tel autre. Faut-il croire à une possible collusion entre praticiens ? Tel médecin conseillera à son malade d'aller se faire opérer dans telle clinique : il a un pourcentage sur le montant de l'opération. Le malade n'est souvent qu'un objet que l'on se renvoie d'un cabinet médical à l'autre. Une affaire de commission !