S'exprimant publiquement pour la première fois sur les événements qui secouent l'Egypte et la Tunisie, l'ayatollah Khamenei a jugé que la révolution islamique iranienne de 1979 pouvait servir de modèle aux soulèvements en cours. «L'éveil du peuple islamique égyptien est un mouvement de libération islamique et, au nom du gouvernement iranien, je salue le peuple égyptien et le peuple tunisien», a-t-il lancé aux fidèles réunis à Téhéran pour les prières du vendredi. Ali Khamenei a invité Egyptiens et Tunisiens à se rassembler autour de la religion et contre l'Occident. Il a exhorté l'armée égyptienne à lutter contre «l'ennemi sioniste» et non contre les manifestants. Le président tunisien Zine ben Ali a été renversé le 14 janvier après un mois de contestation sociale et politique dans la rue. Son homologue égyptien, Hosni Moubarak, allié clé des Etats-Unis dans la région, est confronté depuis le 25 janvier à de vastes manifestations réclamant son départ du pouvoir. Ali Khamenei s'est défendu de vouloir intervenir dans les affaires intérieures de ces pays. «Le réveil du peuple est une guerre entre deux volontés, la volonté du peuple et la volonté des ennemis du peuple», a déclaré l'ayatollah, qui avait condamné dans son pays les manifestations de rue massives contre la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad en juin 2009. «Si (les manifestants) parviennent à mener tout cela à son terme, alors ce qui arrivera à la politique américaine dans la région, c'est une défaite irrémédiable pour l'Amérique», a ajouté Ali Khamenei. L'Iran a suscité l'espoir Le guide suprême a souhaité que l'Egypte rompe son traité de paix signé avec Israël en 1979. «Si l'Egypte met fin à cette alliance et reprend sa vraie position, quel grand événement ce serait pour la région. Toutes les dernières prophéties du défunt imam se réaliseraient, a-t-il dit, par allusion à l'ayatollah Ruhollah Khomeini, le fondateur de la République islamique qui appelait à des soulèvements populaires dans tout le monde musulman. Une république islamique a été instaurée en Iran après le renversement du chah en 1979. Lors d'un sermon interrompu aux cris de «Mort à l'Amérique» par l'assistance, où l'on pouvait voir le président Ahmadinejad ainsi que d'importants dignitaires politiques et militaires, Khamenei a ajouté : «Notre révolution a été capable de susciter l'espoir, de créer un exemple.» S'adressant directement aux peuples arabes majoritairement sunnites dans une région où les chiites iraniens sont historiquement perçus comme adversaires - il les a avertis contre toute tentative de l'Occident de détourner leurs révoltes à son profit. Sans citer nommément Mohamed ElBaradeï, l'ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique et une des figures de l'opposition en Egypte, Khamenei a mis en garde les Egyptiens contre tout compromis avec un dirigeant qui pourrait avoir l'aval des Occidentaux. «Ils essaient de remplacer un espion par un autre. Ils essaient de concentrer l'attention sur certaines personnalités afin de vous imposer le règne des espions. N'acceptez rien d'autre qu'un régime populaire indépendant ayant foi en l'Islam», a-t-il dit. «Je prie Dieu de vous aider et de vous apporter la victoire. Je ressens de la fierté devant votre réveil», a-t-il dit. Si les dirigeants iraniens revendiquent la filiation des soulèvements tunisien et égyptien avec la Révolution de 1979, l'opposition iranienne rapproche plutôt ces événements des grandes manifestations de juin 2009 contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad, réprimées violemment par la police et les miliciens islamistes.