«Le tribunal déclare le prévenu Benoumari Kamel innocent et prononce sa relaxe pure et simple», a déclaré, hier, la juge avec une énonciation lente et tranchante, le regard fixé sur le visage de l'intéressé. Le verdict, blanchissant de toute accusation l'ex-chef des Renseignements Généraux de la police d'Oran, est tombé, hier. Sitôt reconduit à l'établissement pénitentiaire d'Arzew, ce dernier a été relâché, retrouvant ainsi la liberté au bout de six mois de détention. Jugeant que les P-V de perquisition, officiée par une commission d'inspecteurs dépêchée de la centrale de la DGSN, qui relevaient l'existence dans le bureau de l'ex-premier responsable des RG d'Oran, de 19 grammes de kif et des enregistrements vidéo indécents, comprenaient une multitude d'irrégularités de fond et de forme, la juge du tribunal de première instance d'Arzew a mis hors de cause le commissaire principal. Dans la courette attenant au petit prétoire pénal du tribunal d'Arzew, la sentence d'acquittement a été fêtée comme il se devait par le collectif de la défense, qui l'a qualifiée, par la voie de Me Fahim El-Hadj Habib, d'un «triomphe de la justice». Ainsi, le prononcé du verdict mettait-il fin à deux semaines de suspense, le temps du délibéré, mais surtout à plus de six mois de procédures judiciaires dilatoires. Le procès avait été, rappelle-t-on, marqué par la montée au créneau surprise de Me Fahim. Se référant à l'article 331 du code de procédure pénale relatif à «l'exception préjudicielle», l'avocat avait réclamé la nullité des P-V de perquisition. Le schéma était simple : si la défense parvenait à ce résultat, c'est toute l'accusation qui s'effondrerait par effet domino. Qu'y avait-il d'anormal dans ces rapports ? «Des vices de forme en foule », déplorait Me Fahim. Pour le démontrer, l'avocat avait ouvert une rafale de questions sur les signataires de ces documents, cités en témoins. L'un après l'autre, les enquêteurs d'Alger dépêchés par le patron de la DGSN à Oran, début décembre 2008, dans une mission délicate frappée du sceau de la haute confidentialité visant à faire la lumière sur le service des RG d'Oran, qui était alors dans l'oeil du cyclone, ainsi que les éléments d'Oran qui ont participé à la perquisition du «pavillon», ont eu à s'expliquer sur les zones d'ombres de l'opération du 1er au 4 décembre dernier. Ce dernier point, la date, est justement «la zone la plus obscure» de l'affaire, selon la défense. Les inspecteurs rédacteurs des P-V de perquisition ne parlent dans leur rapport transmis au parquet d'Oran que de la fouille du 2 décembre et celle du 4. Or, selon le commissaire mis en cause, «il y a eu une première perquisition, en ma présence, le 1er décembre». Fait confirmé devant le juge d'instruction par les deux officiers d'Oran ayant assisté à l'opération. La commission a entamé sa mission le 1er décembre, où elle a fouillé tous les bureaux du service, celui du chef compris, en prenant le soin de sceller le pavillon tout entier, et le côté gauche et le côté droit du couloir du 2e étage, selon l'accusé et les deux témoins à décharge. Après avoir ouvert armoires et tirroirs du bureau de Benoumari Kamel, pris des photos du décor, les enquêteurs ont pris trois ou quatre dossiers «top secret» et se sont rendus au siège de l'Inspection régionale de la police de l'Ouest (IRPO), situé à Es-Seddikia. «Or, bizarrement, on ne trouve pas dans le dossier un P-V du 1er décembre. Pourquoi ? », s'est interrogé Me Fahim. Cependant, le kif n'a été découvert, selon le P-V de perquisition daté du 4 décembre qu'à cette date, soit au quatrième jour de l'opération : «en présence de Benoumari Kamel, nous avons trouvé dans le tirroir de son bureau un morceau de résine de cannabis enveloppé dans une notice de médicament et une boîte à cigarettes de marque Royal Light contenant 19,48 grammes de kif ainsi que 3 cassettes vidéo de type 8 mm sur lesquelles étaient enregistrés des séquences des ébats sexuels du concerné avec sa deuxième épouse, plus un album de photos indécentes...», indique le PV cosigné par deux commissaires et un commissaire principal. Mais, le détail le plus intrigant, selon les avocats de la défense, c'est «la non-conformité des P-V transmis par les enquêteurs au parquet d'Oran avec ceux envoyés par les services de police centraux d'Alger à la faveur d'une injonction du juge d'instruction ». «Non seulement les exemplaires trahissent des dissemblances de forme qui crèvent les yeux mais on a, en bas de la page, les mêmes noms de commissaires mais pas les mêmes signatures. Le comble, même le juge d'instruction en dépit de ses larges attributions que lui confère la loi n'a pu obtenir d'Alger le dossier complet contenant 13 pages», renchérit Me Fahim. En clair, les avocats de la défense criaient au «complot» et à la conspiration ourdies contre notre mandant pour un règlement de compte».