Habitués à la morosité du quotidien, il nous arrive rarement d'être agréablement surpris. Mais, cela arrive parfois. En ces jours du mois de juillet particulièrement caniculaire, la circulation sur la Rocade est peu dense dans le sens Zeralda - Alger. L'esprit, libéré momentanément des prosaïques préoccupations, permet au regard de gambader. Une belle infrastructure de style Zéralda. Il s'agit de la nouvelle Ecole de police judiciaire de la Gendarmerie nationale. Le blanc et le vert pistache donnent à l'ensemble architectural un tout autre aspect que les austères casernements. Sidi Menif, à une encablure, est cette nouvelle résidence où le beau village des artistes vient d'être érigé. La nouvelle bretelle qui mène vers Boudouaou est apparemment achevée, il ne reste que sa mise en service. A hauteur des Grands vents, ça bouchonne et c'est tant mieux pour le promeneur. Cette digression permet de voir, ou de revoir, cette belle résidence de 500 logements dits «des Séoudiens», achevés depuis bientôt trois ans et non livrés. Ensemble d'immeubles chics aux couleurs gaies, parabole collective, centrée d'une place agrémentée d'une belle mosquée et certainement d'autres équipements et services, nous fait prendre la direction de questionnements. Le bouchon, qui semble interminable, nous fait prendre la direction Chéraga ouest, ce qui permettra d'aborder Alger par les hauteurs habituelles. Dar Dhiaf dépassée, c'est une belle clôture de part et d'autre de la voie qui est en train de se réaliser. Réunissant la robustesse à l'esthétique par son faîte en fer forgée, elle court sur plusieurs centaines de mètres. A son achèvement, cette belle oeuvre ajoutera sans nul doute, un cachet particulier à ce tronçon jadis chahuté. Pour les non recyclés, l'appréhension des bouchons reste la préoccupation majeure et c'est avec ce préjugé que l'on aborde la capitale par Béni-Messous. La surprise est au rendez-vous. Les nouvelles trémies, artistiquement décorées, participent au bonheur. Parce que, c'en est un ! Marmoner pendant de longues minutes sous le toit d'une voiture «chauffée à blanc» n'est pas fait pour saisir les belles choses. A gauche et l'entame du premier tunnel prestement traversé, c'est le cercle de l'ANP qui n'a rien à envier aux opulents palaces. Rostomia est vite traversée, les interminables grues peinent à atteindre les cimes des minarets de la mosquée El-Arkam. Cette belle splendeur architecturale sera incrite à l'indicatif historique de ses concepteurs. Elle couvre de son ombre le carrefour jadis constamment oblitéré par le flux circulant. La nouvelle trémie fait traverser ce point noir qui a été, pendant longtemps, la phobie des usagers. Celle en réalisation à l'entrée d'El-Biar, au croisement avec la route Ben Aknoun - Bab El-Oued, sera du même effet. La Place Kennedy tumultueuse de monde ralentit quelque peu la circulation mais lâche du leste raisonnablement. La fiburcation sur la droite ouvre la voie au Boulevard Bougara paré de bâtiments cossus gardant, en dépit de l'injure du temps, un certain lustre. Ruisselante de verdure, cette belle avenue n'arrête pas de surprendre. Son lacis en dégradé, où de belles demeures ombragées se blotissent dans ses recoins, fait redécouvrir cette belle rade d'Alger. Des images saisissantes se bousculent dans le champ visuel : les palmes élancées du Sanctuaire des Martyrs là bas à droite, le Hamma en contrebas et sa plage des Sablettes; au loin c'est le Cap de Tamentefoust étreint par les bleus de la mer et du ciel. D'ici, la baie d'Alger n'est pas que la plus belle du monde, mais de l'univers. Le regard balaie la palette multicolore mais ne peut contenir d'un seul tenant le sublime panorama. Le grand bleu, qui s'étend à l'infini, aurait pu donner l'illusion d'un immense blanc n'était-ce les nombreux navires lourdement chargés en surestarie qui gîtent dans la rade. Ils étaient plus d'une trentaine ce jour-là. Deux porte-conteneurs et un ferry immensément grands font partie de «l'armada». La circulation fluide sur le boulevard n'est ralentie qu'au niveau de la bretelle qui monte vers Poirson. La frénésie de la Place Addis Abeba, qui faisait gesticuler l'agent de l'ordre public, n'est plus qu'un mauvais souvenir, la trémie la fait traverser en un clin d'oeil. Le carrefour giratoire du 1er Mai est contourné en quelques instants, la trémie, qui le transperce de part en part, y est pour beaucoup. Par la circulation aérée et les agents de l'ordre public «piqués» au milieu de la chaussée, la Rue Benbouali et le Boulevard Amirouche rappellent étrangement les belles années algéroises. Ces deux artères ne font plus qu'une seule, la trémie du Maurétania a levé depuis longtemps le goulot d'étranglement de cette place. L'asphalte nouvellement refait, matérialisé par de belles bandes blanches, et le blanc immaculé des immeubles ont, sans nul doute, rajeuni le tissu urbain resté longtemps en friche. Les essences végétales plantées dans des bacs en béton, tout au long de la façade du ministère de l'Agriculture, participent au plaisir de l'oeil. Est-ce seulement le deuxième Festival culturel panafricain qui est derrière cette éclaircie, ou bien un véritable éveil de conscience ? Nous souhaitons que ce soit la deuxième option qui aurait prévalu. Dans tous les cas d'espèce, il y a lieu quand même d'en féliciter les initiateurs. Le spectacle est à peu près le même jusqu'à El-Kettani et au-delà, Aïn Bénian, Staoueli et Zéralda ne font pas exception. Le carrefour du Bastion 23 est devenu un véritable point nodal de l'acte culturel. Les chevaux de Diar El-Mahçoul, longtemps esseulés, sont maintenant entourés du bastion rénové et de la somptueuse et moderne bpatisse de l'Institut supérieur de musique et son nouveau Théâtre de verdure. Bab El-Oued, ce quartier poursuivi pendant longtemps par la guigne, est définitivement sortie de la ghettoisation dans laquelle il était confiné. En plus de ce qui vient d'être évoqué, ce quartier populaire bénéficie aussi du complexe récréatif d'El-Kettani, véritable poumon du quartier, il pulse à la vie. Les riverains viennent y humer les effluves marins et la douceur d'une brise qui vient du large. Le stade Ferhani, flambant neuf, fera encore le bonheur d'une jeunesse fougueuse en manque d'expansion. La rambarde du front de mer, qui court jusqu'à Bologhine et dont la fonte partait en lambeaux par endroits, est en voie de réhabilitation. La multitude de treuils parcourant le trajet renseigne sur les travaux de confortement, là où vient mourir la vague. Il est indéniable que des hommes et des femmes on consenti beaucoup de temps et d'efforts pour aboutir à de tels résultats. Aussi, faut-il reconnaître que tout n'est pas noir, comme tout n'est pas forcément blanc. La propension au préjugé ne peut participer que de convictions anhilistes vis-à-vis de l'autre. L'occultation réductrice du produit de l'effort d'autrui, pour peu qu'il n'appartiennent pas à la même paroisse, résulte de nos multiples inhibitions. Et s'il fallait ramener une réplique muséale, celle du Mur des Lamentations serait certainement la plus appropriée.