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Port-Say : la frontière, la plage, l'essence, l'âne et la Mercedes
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 05 - 08 - 2009


Suite et fin
En matière d'immigration clandestine, 3 Marocains «égarés» furent reconduits à la frontière. Par rapport aux touristes étrangers, il fut enregistré 25 visiteurs entre Marocains, Français et Italiens, abstraction faite de la présence professionnelle de Macédoniens et Croates au niveau du chantier du port de pêche et de plaisance. Par ailleurs, une «bande» de 35 mendiants estivaux originaires de Tlemcen et Maghnia furent délogés du boulevard (mais ne se privent pas de jouer au chat et à la souris). A ce propos, une proposition avait été faite aux autorités pour leur placement dans des centres de bienfaisance le temps de la saison touristique, mais sans suite alors qu'un centre régional pour enfance assistée existe au niveau de Port Say. D'autre part, tous les marchands ambulants infestant la plage furent chassés pour cause d'hygiène et les produits (périssables) des récidivistes saisis. Ledit commissariat compte un effectif de 200 agents répartis en 5 groupes: police des plages, circulation, barrages, intervention et contrôle de la qualité. Ils bénéficient d'une prise en charge totale (restauration au niveau du siège et hébergement dans un collège). Au moment de notre visite, les préparatifs de la fête de la police qui devait être célébrée le lendemain (22 juillet) allaient bon train. Un riche programme fut concocté au titre de ce 47e anniversaire où furent associés policiers, artistes, sportifs, scouts, surveillants de baignade ainsi qu'un opérateur de téléphonie mobile (Mobilis)... Même la «casse» du chantier (boules) précité fut mise à contribution (pétanque)... Un retraité de la police (accidenté) et une mère d'un policier victime du terrorisme furent honorés à cette occasion...
La plage de Marsat Ben M'hidi est réputée pour ses étendues de sable fin et sa magnifique pinède, qui descend jusqu'au rivage et procure calme et sérénité. Outre les baignades, bains de soleil et autres jeux nautiques, la station balnéaire réserve à l'estivant d'autres satisfactions et plaisirs: les amateurs de pêche pourront donner libre cours à leur passion et les disciples de Nemrod auront le loisir de se livrer dans des conditions idéales aux plaisirs de la chasse (n'étaient les restrictions cynégétiques en vigueur).
C'est à ce titre et dans le cadre de la protection du littoral qu'une série d'opérations à caractère urbanistique, écologique et touristique, avait été initiée par les autorités locales à la faveur de la saison estivale 2009... Notre visite coïncida avec la présence sur les lieux d'une équipe de la télévision dans le cadre d'un reportage sur la saison estivale (au titre de l'émission «Saïf bladi»). Le média lourd était ostensiblement aux petits soins à cette occasion, accompagné du responsable de la cellule de communication de la... sûreté de wilaya... Une virée à Port Say depuis le chef-lieu coûte 350 voire 400 DA (500 DA par taxi). A partir de Maghnia, il faudrait débourser 160 DA (250 DA par taxi). Le transporteur dépose les baigneurs tôt le matin, pour revenir les reprendre tard dans la soirée. Ainsi, les jeunes de Remchi, Aïn Youcef, El-Fehoul voire même Hennaya, avides de distractions et de baignades, ne se privent guère du plaisir de s'offrir une virée à la grande bleue, quitte à se serrer la ceinture pour en payer le prix. Quant à la bouffe: «Il faut faire la chaîne pour acheter sa pizza ou son sandwich», nous confiera le jeune Abdeldjelil de Chetouane d'où le bus de l'APC assure une navette chaque jeudi et vendredi au profit des travailleurs vers Port Say.
Les jeunes adhérents aux maisons de jeunes ont plus de chance puisqu'ils bénéficient d'un séjour (120 bénéficiaires par session de 15 jours) au niveau de l'auberge locale dans le cadre des colonies de vacances organisées par la DJS. Le centre accueille également des enfants (SMA et enfants démunis) par vague de 120 colons. Dirigé par M. Mehdi Abdelhafid, l'encadrement est assuré par une équipe de 14 moniteurs, un maître nageur et un médecin ainsi que deux agents de sécurité. L'ordinaire est pris en charge par un économe, un chef cuisinier et un second.
A l'entrée de la polyclinique de Marsat Ben M'hidi (EPSP relevant de Bab El-Assa), un panneau placardé sur le mur attira notre attention: «Interdiction d'entrer en maillot de bain» (en arabe). Une plaque qui aurait été «offerte» par un... magistrat en vacances. Le chef de service M. Kicha Mohammed a bien voulu nous donner le bilan des admissions (au titre de la période allant du 15 juin au 20 juillet): 3 cas de noyade secourus, 0 cas de piqûre scorpionique, 0 cas d'intoxication alimentaire. Des prélèvements microbiologiques des eaux de baignade et des eaux usées sont effectués régulièrement (absence de gènes). L'établissement reçoit en 24h de 200 à 250 consultations (y compris les urgences) prises en charge par 6 médecins et 18 paramédicaux. Un total de 24 évacuations (pour traumatismes et obstétrique) sur Ghazaouet, Maghnia et Tlemcen au moyen de 3 ambulances (appartenant chacune à l'EPSP, l'APC et la Sonatrach). A ce titre, le centre a plus que besoin d'une ambulance médicalisée, tel est le voeu de ce responsable. Par ailleurs, une chambre d'isolement est prévue en cas de déclaration de grippe porcine (virus A H1/N1). A propos de contamination, une campagne de sensibilisation sur la toxicomanie et le sida initiée par l'association d'information et de communication en milieu des jeunes (Infocom), en collaboration avec l'Office des établissements de jeunes (ODEJ) sous le slogan «Vacances sans risque pour tous» battait son plein sur les trois plages jusqu'à fin juillet... Au poste de secours de la Protection civile, c'est le lieutenant Aïn Sebaâ Benziane qui nous reçut. Au titre de la période allant du 1er juin au 20 juillet, le bilan qui nous fut communiqué par ce chef de poste faisait état de 145 cas de noyade dont 129 secourus sur place et 16 évacués. La surveillance est assurée par 28 «maîtres nageurs» (dont 6 permanents et 22 saisonniers), outre le chef de poste. A noter que ce poste de secours ne dispose pas de zodiac. A propos de secours, les gérants de pédalos en sont eux aussi démunis. Selon ce responsable de la Protection civile, c'est à la police des plages que ces derniers sont tenus de rendre des comptes alors que le trafic des jet-skis relève des garde-côtes (basés à Ghazaouet) qui devraient disposer d'un poste d'intervention sur place à l'instar de la police et de la Protection civile. A signaler au passage que la plate-forme tenant lieu de débarcadère située au niveau du poste frontière est dégradée alors que la mise à l'eau d'embarcations via le port en chantier n'est pas autorisée. Rappelons qu'il a été enregistré un décès par noyade lors de la saison écoulée (2008). Il s'agit d'un GGF qui avait péri dans la zone «exclusive», aujourd'hui ouverte au public.
La plage de Marsat Ben M'hidi reçoit environ 5 millions d'estivants durant la saison estivale (la station balnéaire de l'ex-Port Say a constitué à elle seule, 75% du flux total, soit 4.983.705 au titre de l'été 2008) et la capacité hôtelière qui est de l'ordre de 470 lits est en deçà des besoins souhaités en raison du faible taux d'investissement à caractère promotionnel. Nonobstant, le paysage hôtelier est occupé notamment par la résidence Ziani (56 appartements haut standing), la résidence Maâmar (8 appartements), l'hôtel El Moustaqbal-Kadri (30 chambres et 14 suites), l'hôtel Saïm (42 chambres) ainsi que l'hôtel des PTT (26 chambres et 2 suites) et le centre familial de la CNAS (31 bungalows) outre les campings privés (1.915 lits), camps de colonies de vacances (120 lits) et l' auberge de jeunes de la DJS (80 lits). A signaler que le centre de la CNAS a été fermé dernièrement suite à l'enquête sur la gestion des oeuvres sociales relevant de cet organisme, diligentée par une commission mixte (MTSS/DG-CNAS). A titre indicatif, chez Saïm une nuitée revient à 5.000 DA alors qu'une chambre avec toilettes et douche collective est louée à 2.500 DA. M. Benseddik Ahmed, l'infortuné investisseur des années 80, originaire de Maghnia, nous évoqua ses déboires: «Je me considère comme le précurseur en matière de projets au niveau de Mouscarda, mais les autorités de l'époque n'avaient pas suivi». Deux camps de toile privés, jouxtant le nouveau port, «El Marsa» (7 tentes) et «Ennassim» (10 tentes) réservés aux familles proposent une location à 1.200 DA par jour. L'eau douce est achetée auprès des citerniers (jerrycans) ou chez les commerçants (en bonbonnes). Ses deux gérants se disent lésés en termes d'espace: «On se demande à quoi servirait un jardin au sein d'un abri de pêche». Juste en face, la résidence estivale officielle (villa d'hôte) semblait inoccupée, surveillée à distance par deux policiers en faction. Il faut souligner au passage que l'ancien chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem, et sa famille ont jeté leur dévolu sur Port Say depuis des années... Naftal, wilaya, Essaâda et Echourouk sont les 4 campings publics présents sur le terrain estival familial. A l'APC, nous eûmes un bref entretien avec M. Karrouda Amar, vice-président, sur le déroulement de la saison estivale. Cinq solariums se partagent les 3 plages (3 à MBM, 1 à Mouscarda 1 et 1 à Mouscarda 2) au titre d'une concession via des enchères (20 millions pour chaque espace). Les espaces pédalos sont au nombre de 4 (5 millions). Quant à la foire commerciale incluant le manège, l'espace a été adjugé contre 250 millions. A noter que 10 kiosques (240 m²) dépendant de cette foire sont installés sur le boulevard, «hors» du cadre forain. La presse s'y trouve à gogo (15 DA le journal). A propos de communication, il existe 5 cybercafés (connexion à 100DA/h) dont 1 au sein de la poste. Sur ce boulevard, nous avions remarqué la présence de cordonniers informels. Il faut savoir qu'en matière de taxe sur l'hébergement (hôtel et camp), l'APC prélève 60 DA par famille et 100 DA par personne. Lors de notre visite, les toilettes publiques au niveau de la plage mère étaient encore en cours de finition. Par ailleurs, un problème d'ordre écologique se pose pour Marsat Ben M'hidi qui ne dispose pas d'une station d'épuration des eaux usées, le processus d'assainissement (refoulement des égouts vers l'oued Kiss) s'effectuant par le biais de trois pompes de relevage sujettes aux divers aléas (panne, coupure de courant, météo)... Il convient de signaler dans ce contexte que le wali Abelouahab Nouri a effectué une visite à la veille de l'ouverture de la saison estivale (12 juin dernier). Après une halte au niveau des plages de Mouscarda I et Mouscarda II et devant le déficit en eau soulevé par des estivants rencontrés sur place, le directeur de l'Hydraulique a été instruit sur place en vue d'engager toutes les actions permettant d'alimenter quotidiennement les habitants en eau en 24h. «Nous avons injecté des sommes importantes dans l'amélioration du cadre de vie du citoyen et il n'y a pas de raison de priver les habitants de cet élixir de vie», fera-t-il observer. Dix jours après (22 juin), c'est une délégation de l'APW qui lui emboîta le pas. En fait, c'est le port de pêche et de plaisance dont la réception est prévue vers fin août-début septembre qui aura été le centre d'intérêt de cette double visite. Cette infrastructure portuaire dont le bassin s'étend sur 3,91 ha est aménagée pour abriter 68 petits métiers, 2 sardiniers et 3 chalutiers ainsi que 124 plaisanciers. Dotée d'une enveloppe globale (A.P) de 2239.000.000 DA, ledit projet a été conjointement réalisé par Sotramo/LEM et IGCB/Ingra Zagreb-Croatie/LEM. Avec cet abri de pêche, c'est l'ex-Port Say qui va renaître de ses cendres en recouvrant sa vocation originelle et Marsat Ben M'hidi qui s'apprête à narguer son alter ego, Saïdia, en affichant son port de plaisance aux côtés du futur village touristique. Néanmoins, cette «excroissance» portuaire ne risque-t-elle pas de gâcher l'intégrité écologique et la valeur touristique de ce site paradisiaque ? Un site qui échappa en 2004, faut-il le noter, à une agression industrielle grâce à l'«intercession» d'ossements de chouhada découverts lors des travaux effectués à Mouscarda où devait être implantée une station de dessalement (un projet qui sera délocalisé vers une autre plage victime, en l'occurrence Tafsout à Honaïne).
Marsat Ben M'hidi, c'est aussi cette urbanisation sauvage, effrénée. Et pour cause. Un créneau porteur en matière de tourisme balnéaire, soit la location estivale. La fourchette varie entre 5 et 15 briques par mois. Un simple garage (dépourvu de toute commodité) est loué à quatre briques. Qui dit mieux ? Le blanchiment de l'argent sale n'aurait-il pas sa part dans cette boulimie du béton, ce boom urbanistique ? Quand les «briques» s'emballent... On se rappelle que lors d'une deuxième visite de travail dans la wilaya, un ministre du Tourisme avait été sidéré par la disparition d'un projet de réalisation d'un rond-point vite «reconverti» en l'espace d'un mois en assiette foncière (villas). A propos de villas, même le projet «Tour» (2003) aurait été détourné de sa destination promotionnelle par la cession à des VIP de 51 bungalows haut standing (AFIT). Quant à la location (séjour) au niveau des hôtels classés et résidences meublées, les prix varient entre 80.000 DA et 120.000 DA par mois (août). Mais qui a parlé de tourisme populaire, de masse ? Ici, à Marsat Ben M'hidi, le bronzage se paie à prix d'or, pardon d'euros, rush d'émigrés oblige... Bonnes vacances !


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