Séjournant à Oran pour la première fois à l'initiative de l'Institut Cervantès, Francisco Pol, directeur de l'Ordre des architectes de Madrid et professeur à l'université de cette même ville, a eu à découvrir, pendant son court séjour, quelques célèbres sites et monuments de la ville d'Oran. En tout, son escapade dans la capitale de l'Ouest l'a emmené à visiter la Promenade de Létang, la muraille ainsi que le Palais du Bey. Selon lui, la situation, si elle est «alarmante», n'est pas pour autant «désespérée» ; car au début des années quatre-vingt, dit-il, juste après «le franquisme», l'Espagne se trouvait dans une situation similaire. « Seulement, il faut qu'il y ait l'audace chez les architectes algériens à vouloir faire ressusciter ces lieux historiques, notamment Sidi El-Houari, et surtout qu'on les laisse travailler de façon libre». Là où son attention a été le plus marquée était lors de sa visite au Palais du Bey, et de la vision de la grande «carcasse» du Châteauneuf devant abriter sous peu, après un appel d'offres, le nouveau siège de l'APC d'Oran. «Je pense que ce serait une très grosse erreur que de poursuivre les travaux, et cela pour diverses raisons». Sans parler de l'image architecturale, nous a-t-il expliqué, le coût économique pour un projet pareil en serait énorme. Il faut noter, en effet, que si ce projet est concrétisé, ce serait plus de 800 personnes, au moins, qui devront travailler dans ce site et tous les besoins qui en découleraient. Notons également que l'unique entrée du Châteauneuf est une porte espagnole datant du XIXème siècle; porte large de 3 à 4 mètres tout au plus. «Comment feront donc les camions de pompiers, en cas de sinistre, pour y entrer ?». Toujours selon lui, la concrétisation de ce projet les amènera à construire des parkings souterrains, endommageant alors, à l'occasion, de probables sites archéologiques très importants. «Le lieu est tout simplement incompatible avec un tel projet», a-t-il résumé. Avec cela, continua-t-il, la carcasse du Châteauneuf est complètement incompatible avec les constructions modernes, entendre par là l'installation de l'informatique et de la climatisation. «Il n'y a pas, dans les pièces de cette carcasse, une hauteur assez suffisante permettant de telles installations», a-t-il ajouté. On apprend aussi, par son intermédiaire, que le coût de la carcasse aujourd'hui est relativement dérisoire par rapport à l'époque où elle a été érigée. Le coût du béton armé n'est donc pas élevé, selon notre interlocuteur. Les arguments de Francisco Pol ne tarissent pas. Ainsi, selon lui, le fait de centrer tous les bureaux de l'APC dans un même lieu, à savoir le Châteauneuf, aura des conséquences négatives sur la vitalité de la ville. «Quand les bureaux sont éparpillés ici ou là, ça ne peut faire émerger des cafés, des restaurants, et donc créer de facto plus d'emplois et plus d'économie pour la ville». Ce qu'il préconise, par contre, c'est qu'il y ait une sorte de concours, national ou international, où s'y mêleront les trois catégories de personnes compétentes à la réalisation de projets de cette ampleur, à savoir les architectes, les paysagistes et les artistes, concours devant déboucher sur une sorte de sortie de crise, plus à même de satisfaire tout le monde. Ce ne sont pas les idées qui manquent, selon lui, «on peut très bien en faire un lieu de loisir pour les enfants, dit-il, cela leur permettra à la fois de jouer et de découvrir leur ville ; ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que dans ce même lieu est regroupé toute l'histoire de la ville, avec toutes les époques, celles des Phéniciens, des Turcs, des Espagnols...». Lors de sa visite dans ces sites, Francisco Pol a été accompagné par un grand nombre d'étudiants en architecture, qui ont pu avoir la possibilité de visiter le Palais du Bey. A la question d'un de ces étudiants, lui demandant quel était son point de vue sur la situation architecturale de la ville. Sans fioritures, Francisco Pol lui a répondu d'emblée que la situation était très alarmante ; ceci dit, a-t-il ajouté : «cela ne peut être qu'exaltant pour les Oranais, pour ne pas dire une chance... car tout reste encore à faire ; ils doivent prendre conscience de cela, et s'en réjouir».