Le lait en sachet se fait rare à Oran. Les cinq laiteries privées de la wilaya ont sévèrement réduit leurs livraisons aux commerces ces derniers jours en raison de l'épuisement des stocks en poudre de lait. Cette pénurie du lait en sachet a commencé à être ressentie à travers toute la wilaya, après la chute de la production de la grande laiterie de Bir El-Djir «Sidi Blel». Cette laiterie privée a, en effet, vu son quota en poudre de lait diminué de moitié, ces derniers jours, à cause de «problèmes de procédures», confie un membre de l'association des laiteries de l'Ouest affiliée à la CIPA. Une crise plus aiguë du lait en sachet, semblable à celle de 2007, se pointe dans l'Oranie, notamment à Tiaret. La tension sur la poudre de lait risque d'atteindre son paroxysme dans les prochaines semaines. Les responsables des laiteries de l'Ouest accusent vertement le système des quotas mis sur pied en janvier 2008 par l'Office interprofessionnel du lait (ONIL) d'être à l'origine de cette nouvelle pénurie. «Le système actuel des quotas défavorise la région de l'Oranie au profit du Centre et de l'Est du pays. La moitié de la poudre de lait (52%) est affectée aux wilayas du Centre, notamment la capitale. Une seule laiterie privée dans la région algéroise bénéficie d'une quote-part égale à une fois et demie les quotas cumulés des 15 laiteries privées de l'Ouest», dénonce un autre membre de cette association professionnelle. Et d'enchaîner: «Il y a une très mauvaise répartition par région de la poudre de lait. Certaines laiteries du Centre profitent mensuellement de l'affectation de centaines de tonnes de poudre de lait, alors que les autres tournent à 40% de leurs capacités». La situation risque de s'aggraver davantage avec la décision du gouvernement de diminuer les importations de la poudre de lait à 110.000 tonnes au cours de cette année dans le but de réduire la facture alimentaire du pays. Autre cause de cette pénurie du lait en sachet à l'Ouest est la hausse soutenue des prix de la poudre de lait sur les marchés internationaux. Les gérants des laiteries privées se débrouillaient pour se procurer la poudre de lait sur le marché «libre» pour maintenir les unités en production. «Avec cette hausse des cours de cette matière, c'est fini le temps de la débrouille. Les prix de gros de la poudre de lait tournent autour de 265 à 270 dinars le kilo», confie un gérant d'une laiterie privée. Après une brève accalmie sur les marchés internationaux, les cours de la poudre de lait, boostés par la hausse de la demande des grands pays consommateurs et notamment l'Inde, sont remontés en flèche en 2010. Le rapport actuel de l'offre et de la demande sur les marchés favorise une hausse des cours de cette matière. L'Algérie, considérée comme le pays le plus gros acheteur de poudre de lait écrémé dans le monde, risque de payer cher en 2010 sa facture de lait. «Ces disparités dans la répartition de la poudre de lait sont connues en haut lieu, mais les pouvoirs publics observent sans bouger le petit doigt», dénoncent des membres de l'association des laiteries de l'Ouest. Une laiterie du Centre du pays bénéficie, à elle seule, de 900 tonnes de poudre de lait par mois. «Les gros quotas en poudre de lait affectés à quelques unités du Centre ne sont pas destinés exclusivement pour la production du lait en sachet. Cette poudre de lait pourtant subventionnée par l'Etat est détournée pour la fabrication des dérivés (fromages, yoghourts, crèmes ) ou elle est simplement vendue en l'état sur le marché informel», regrette ce membre de cette association professionnelle. Pour remédier à cette «injustice», un comité interprofessionnel du lait a été installé auprès de l'ONIL pour discuter de la répartition des quotas. Ce comité interprofessionnel chapeaute une commission de la régulation et de l'intégration chargée justement de la réaffectation des quotas de manière équitable selon les besoins de chaque région du pays. «La commission a achevé son travail depuis plusieurs mois, cependant la mise en œuvre du nouveau système traîne encore parce qu'il y a de gros intérêts derrière le petit sachet de lait. Le dispositif devra être installé à partir du mois de juin prochain, mais vu le rapport actuel des forces un report sine die de la mise en œuvre de ce système n'est pas à exclure», concluent nos sources.