L'administration du ministère de la Poste et des Technologies de l'information et de la communication (MPTIC) promet une Algérie électronique dans trois ans, dans le cadre du projet « e-Algérie 2013 ». Des jeunes de l'Algérie profonde n'ont pas attendu. Ils ont déjà lancé des services de « e-commerce » sur la toile. Loin des séminaires, des colloques et des journées d'études sur l'e-gouvernance, trois sites Web algériens, lancés à partir de Batna, Sétif et M'Sila, proposent aux internautes des «services électroniques» qui permettent l'achat, en dinar algérien, de «cartes Visa» prépayées, libellées en dollar américain, via un versement à partir d'un compte de chèques postaux (ccp). Ces sites ont pour noms «diraffaire.com» (faire une affaire, en arabe algérien), «dzcash.com», et «masterdz.com». Ils mettent en ligne une gamme de produits quasi identiques. Ce n'est le «e-commerce» total, comme cela est possible aux Etats-Unis, en Europe ou à Dubaï, en raison, justement, de l'absence de plateformes électroniques que les banques algériennes tardent à mettre en place. Mais, il est quand même possible, grâce à ces sites, de payer en dollars ses téléchargements de musique, de films, et même de s'abonner à des sites comme Megaupload, offrant de plus larges opportunités de téléchargements notamment de logiciels, de livres électroniques et autres. Les montants des cartes Visa mises en ligne, varient de 72 à 710 dollars US, à raison de 1 dollar US pour 115 dinars. Une carte à 72 $ reviendrait à 8.280 DA. C'est déjà bien plus cher que le marché parallèle, car il faut comptabiliser les «frais de transfert de la carte Visa», nous indique Walid, un des animateurs de «masterdz.com». Ces sites proposent également des recharges de cartes CashU, de montants allant de 500 à 15.000 unités (500 Cash = 1.300 DA). Les CashU permettent d'acheter sur des centaines de sites Web qui acceptent ces cartes. Parmi ces sites, il y a Ukash, le nom commercial de Smart Voucher Ltd., une institution d'argent électronique, autorisée et régulée par le Financial Services Authority (FSA - Autorité britannique des services financiers). A titre d'exemple, avec un compte CashU il est possible de se payer un crédit sur Skype, la célèbre plateforme de communication par Voix IP (VoIP), qui permet d'effectuer des appels en ligne (vers l'étranger surtout) qui coûtent beaucoup moins chers que les appels à partir d'un téléphone fixe ou mobile. «Diraffaire en Cash dz» L'abonnement à des forums de discussion payants, comme PalTalk, ou des sites de rencontres, est également possible avec ces outils. Outre l'achat de cartes Visa et CashU, les sites «diraffaire.com», «dzcash.com», et «masterdz.com» proposent également de louer un espace d'hébergement d'un site Web (pour 14 $ par an), de s'abonner à des sites, comme Megaupload, Rapidshare, Hostfile et bien d'autres, très prisés par les internautes pour les téléchargements de logiciels et de livres électroniques. L'autre offre concerne aussi le rechargement des crédits des téléphones mobiles (pour les 3 opérateurs algériens). A ce stade, et en raison de l'inexistence de possibilité de paiement électronique des cartes CCP et bancaires, cette offre ne semble pas utile. Le règlement de l'ensemble de ces services s'effectue en dinars par virement CCP. Comment acheter sur Internet à partir de ces sites ? En pratique, il faut d'abord s'inscrire, pour disposer d'un «nom d'utilisateur» et d'un «mot de passe». Après confirmation de cette inscription par un email envoyé par le serveur du site, l'utilisateur peut aller «faire des courses», nous explique Walid, de Batna, responsable de «masterdz.com». L'utilisateur fait son choix parmi les services proposés. Les produits sélectionnés sont mis dans un panier avant de passer à l'étape de confirmation de la commande au bout laquelle un nom et un numéro de CCP est remis à l'utilisateur. Une fois que le montant de la commande est versé dans le compte, le client doit scanner le document remis par la poste, puis l'envoyer par email à une adresse fournie avec le n° de CCP. Les gestionnaires assurent que «24h après le virement, il sera envoyé par email le numéro de la carte de paiement Visa ou CashU achetée». En quête d'une existence légale Selon un des animateurs de «dzcash.com», ces cartes Visa prépayées proviennent de la JordanKuwait Bank, achetées à la commande par des intermédiaires. La transaction est-elle sûre ? «A ce jour, il n'y a pas eu de problème», rassure Walid. Pour lui, et pour les animateurs des autres sites, l'idée était vraiment de se lancer dans le e-commerce et permettre la mise en vente de services sur Internet. Mais, rattrape-t-il, son site a «arrêté» la vente de cartes Visa (ce qui n'est pas le cas des deux autres). «Le dollar est de plus en plus cher, et ça ne marche plus comme avant», dit-il. Mais en fait, notre interlocuteur veut avoir une existence légale. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Le problème c'est que la réglementation n'intègre pas ce genre de transactions. «Le CNRC ne prévoit pas de rubrique «e-commerce». Il n'y a pas de loi qui réglemente ou qui interdit cette pratique, mais nous préférons arrêter le temps de voir avec le registre du commerce», ajoute-t-il. En attendant que le «e-commerce» figure parmi la liste des activités réglementées, les concepteurs de ces sites vont s'inscrire sous la rubrique «Communication et publicité» du registre du commerce et y inclure comme option l'activité voulue. C'est qu'à moins de 3 ans du rendez-vous de l'«e-Algeria 2013», il n'existe pas encore de loi qui règlemente le commerce électronique.