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Dalila Hadjadji est allée au bout de ses dix hectares
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 20 - 07 - 2010

Dalila Hadjadji, vétérinaire, a bénéficié d'une exploitation agricole individuelle dans le cadre de la mise en œuvre de la loi 1987-16 qui réformait le statut des terres publiques. 10 hectares à Djelida à la périphérie d'un périmètre irrigué dans la haute vallée du Chelif, wilaya d'Aïn Defla. Elle a bénéficié d'une jeune plantation d'orangers abandonnée. La prise en main a lieu en juillet 1988, mais c'est seulement au bout d'une bataille administrative de 05 ans que la bénéficiaire obtient en 1993 son acte administratif. Elle n'a pas attendu tout ce temps pour entamer la remise en valeur de l‘exploitation; elle clôture dès le début son périmètre, amène l'année suivante de l'électricité de basse tension sur le champ, creuse deux puits; met en application ses compétences d'agronome et réussit à sauver les orangers d'une mort annoncée. Dix ans plus tard, elle se raccorde au réseau de moyenne tension « un investissement que peu d'exploitants ont fait sur des terres qui n'étaient pas les leurs ». Il faut dire qu'avec deux forages, l'un réalisé en 1999, l'autre en 2004, l'EAI consomme de l'énergie. Surtout, le verger est transfiguré. Dalila Hadjadji a planté deux nouveaux hectares d'orangers en 1995, une année où les agriculteurs de la région pensaient à s'abriter du terrorisme. Depuis 2004, l'exploitation voit grandir une oliveraie; 3 hectares plantés jusqu'à 2010 pour une production mixte d'olives et d'huile d'olives. Le développement de l'EAI s'est toujours financé sur fonds propres, acquisition du matériel d'exploitation comprise. « J'ai tenté le crédit bancaire, mais dès la première approche j'ai senti que la banque n'était pas un partenaire». 22 ans de travail sur son EAI, ont amené Dalila Hadjadji au bout des possibilités que lui offraient 10 hectares de terres. Elle a même réalisé en 2007-2008 une construction d'exploitation en dur sur une partie qui comptait déjà depuis 1992-1993 des bâtiments d'élevage en pisé. « Tout mon patrimoine, je l'ai mis ici à Djelida. Vraiment tout. Ma conviction était que l'Etat ne pouvait pas me reprendre une terre sur laquelle je me suis tant investie ». Elle espère ne pas s'être trompée. Aujourd'hui, elle se dit même avoir l'âme d'une acquéreuse. Elle souhaite s'élargir dans le voisinage pour notamment accompagner le gros projet de l'Etat dans le développement des oliveraies. Elle connaît de nombreuses exploitations mal au point. Elle attend de la nouvelle loi en cours d'adoption qu'elle lui donne un nouvel élan, « dès que j'aurai fini de payer mes dettes avec les amis et la famille ». Comment cette femme au champ voit-elle la nouvelle loi et le nouveau régime de concessions ? Ici, des réponses concises et précises.
Maghreb-Emergent : Pour le ministre de l'Agriculture, le nouveau cadre légal de l'exploitation relevant du domaine privé de l'Etat est fait pour rassurer les producteurs. Vous sentez-vous confortée dans votre investissement avec une concession qui ne dure que 40 années et dont la résiliation est rendue possible par voie administrative et non judiciaire ?
J'ai effectivement trouvé les propos de monsieur le ministre assez rassurants à la radio chaîne III, le mois dernier. J'attends cependant de lire cette nouvelle loi dans le texte. Je reste néanmoins optimiste. Dans la loi qui était en vigueur, la déchéance du droit de jouissance était aussi administrative. Mais si l'on se conforme à la lettre et à l'esprit de la loi je ne vois pas où résiderait le problème. La durée de 40 ans de concession a été introduite, je pense, pour apporter une dynamique à la production. Les agriculteurs qui vont s'engager pour 40 ans ne vont pas s'endormir sur leur terres. 40 ans, c'est aussi la durée de travail d'une vie. Si on ne peut pas céder la terre qui appartient à tous les Algériens, on doit pouvoir en revanche céder le fruit de notre travail à un nouvel investisseur ou le transmettre à un héritier qui va assurer la continuité et ainsi de suite de tel sorte que les terres du domaine public soient continuellement mises en valeur et productives. 40 ans, c'est suffisant pour bâtir un projet et le rentabiliser. Si on crée de la valeur sur le domaine public, cette valeur doit être protégée car c'est elle qui produit, c'est elle qui emploie et c'est elle entretient le territoire. Par cette nouvelle politique agricole, l'agriculteur investisseur, créateur de valeur, doit avoir des garanties sur la protection de ses investissements. Ceci pour les attributaires actuels comme pour les futurs concessionnaires Sur les 218 000 exploitants agricoles bénéficiaires de la loi de 1987, 11 900 sont poursuivis pour des pratiques illégales notamment le détournement des terres au profit d'autrui. L'arrivée de nouveaux acteurs dans l'agriculture, grâce à l'autorisation de la cession du titre de concession que prévoit la nouvelle loi, est-elle une bonne réponse au marasme du sous-investissement sur une partie des EAC et EAI ?
Oui, c'est une réponse possible. En l'état actuel des choses, je pense que c'est la bonne réponse. J'espère qu'elle sera bien appliquée et qu'elle réussira. Il existe de nombreux acteurs qui veulent s'investir dans l'agriculture pour produire mieux et autrement. Si la loi protège les terres agricoles et les investissements des agriculteurs et si elle autorise la cession du titre de concession, cela va créer un marché, libérer les initiatives et créer un tissu de producteurs plus actifs. Cette nouvelle loi devrait également permettre d'achever l'assainissement des pratiques illégales et d'écarter les personnes qui simplement occupent les terres.
Êtes-vous d'accord avec le souci affiché des autorités de réduire le morcellement des terres ? Les actuels exploitants, comme vous, sont-ils en mesure d'acquérir de nouvelles terres en concession ?
A mon sens, il y a un équilibre à rechercher entre les toutes petites exploitations familiales, les exploitations de taille moyenne et les très grandes superficies. Cela dépend aussi du type de culture et du seuil de rentabilité. La dernière circulaire interministérielle autorisant la cession des droits de jouissance excluait les attributaires. Personnellement, je souhaitais agrandir mon exploitation mais je n'y avais pas droit. J'aurais planté des oliviers. Je vais peut-être pouvoir le faire avec cette nouvelle loi.
La relation des exploitants avec le secteur bancaire a toujours été difficile, notamment à cause de l'impossibilité d'offrir le titre de jouissance en garantie pour lever des crédits. Le nouveau cadre légal permet d'hypothéquer les terres sous concession pour financer les investissements. Dans votre cas, cela changera-t-il votre approche du financement des projets d'extension si vous en avez ?
Vous savez, une relation de financement est basée sur la confiance. Avec la BADR (Banque Algérienne du développement rural) je ne suis pas parvenue à établir cette relation. Quant aux autres, elles nous renvoient toujours et invariablement vers la BADR. Personnellement, je vais poursuivre le financement de mes projets comme par le passé, à savoir mes fonds propres, les prêts auprès de ma famille, de mes amis et sans oublier les crédits de mes fournisseurs.


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