D'une certaine manière, le milliardaire égyptien Naguib Sawiris s'est mis en embuscade dans la visite d'Etat effectuée par le président de la Fédération de Russie en Algérie, Dmitri Medvedev. Le rachat de plus de 50% de parts d'Orascom Telecom Holding par le groupe VimpelCom a «russifié» le dossier Djezzy, qui fait l'objet d'un bras de fer entre le gouvernement algérien et l'opérateur égyptien. Même s'il ne fait l'objet d'aucune communication officielle, le sujet, tout comme la cession projetée des actifs algériens de BP à sa coentreprise russe TNK-BP, devraient être évoqués. Les hommes d'affaires russes, qui veulent être plus présents pour profiter des opportunités du plan quinquennal algérien de 286 milliards de dollars, affirment que les lois «patriotiques» algériennes ne les gênent pas. Cette affaire Orascom-VimpelCom les place directement face à cette réalité algérienne. Encore qu'il soit clair que l'affaire BP paraît nettement moins compliquée et moins connotée que l'affaire Djezzy. Des officiels algériens se sont empressés de faire savoir que dans le cas de Djezzy, rien n'a fondamentalement changé malgré la transaction entre Orascom et VimpelCom. Il reste que Naguib Sawiris paraît beaucoup compter sur l'idée que les autorités algériennes vont transiger pour ne pas «troubler» les relations avec la Russie. En faisant valoir que les choses n'ont pas changé et que le droit de préemption sur Djezzy reste de mise, les responsables algériens cherchent surtout à rester cohérents. Dans une affaire hypermédiatisée, au niveau national comme à l'étranger, nul n'oublie que le sud-africain MTN devait réaliser avec Orascom la même transaction que celle que vient d'effectuer le russe VimpelCom. Il en a été vivement dissuadé par les autorités algériennes, qui ont fait savoir à MTN qu'il prenait des risques importants. VimpleCom connaissait donc parfaitement ce «risque Djezzy» et il vient de l'assumer. Les autorités d'Alger pourraient faire valoir que les amitiés politiques sud-africaines sont aussi importantes à leurs yeux que celles avec la Russie ; et qu'elles ne peuvent se permettre l'incohérence d'accepter pour VimpelCom ce qu'elles ont refusé pour MTN. Aussi important que soit le dossier VimpelCom qui a acheté le contentieux de Sawiris, il est fortement improbable qu'il puisse devenir un motif de contentieux politique algéro-russe. On peut penser aisément que Medvedev puisse, par devoir, évoquer un sujet qui implique une importante entreprise ; on le voit mal mettre dans la balance les vieilles relations algéro-russes qu'il souhaite plus diversifiées. Les domaines d'intervention des entreprises russes sur le marché algérien ne manquent pas et ils ont en face d'eux des autorités algériennes qui les incitent ouvertement à soumissionner davantage. Les potentiels de coopération et d'affaires sont tellement importants que l'affaire Djezzy paraît presque dérisoire. Le très malin Sawiris se tromperait s'il pense que Moscou ne sait pas penser froid.