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Crise: L'incroyable destin grec
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 18 - 02 - 2012

Les pays de la zone euro ont reporté leur réunion, prévue ce mercredi, consacrée au dossier grec, estimant les garanties des sacrifices des Grecs insuffisantes. Athènes a connu cela il y a très longtemps : les esclaves endettés se sont révoltés et la « démocratie » fut.
Après avoir inventé la démocratie voilà près de 2.500 ans, la Grèce est poussée par l'Europe au reniement de sa propre histoire : organiser des élections législatives anticipées en avril sur la base d'un programme économique connu d'avance et d'une austérité sans pareille, imposée par la famille européenne et le FMI. Les candidats de gauche comme ceux de droite iront défendre devant le peuple grec le même programme politique et économique imposé par l'Europe et le FMI. C'est à cette situation politique absurde qu'est acculée la Grèce, matrice originelle de la démocratie.
Comble de «l'histoire», l'invention de la démocratie au VIe et Ve siècles avant J.C. a été la conséquence d'une crise économique dans les cités grecques, qui s'est mue en crise politique. Plus étrange, la crise économique d'alors apparut avec la généralisation de la circulation de la monnaie ! Les maîtres détenaient les dettes de leurs esclaves qui se révoltèrent quand le poids de leur dette était devenu insupportable et impossible à payer, donc de se libérer. Ils firent jonction avec la classe des artisans qui, grâce à la monnaie, accumulèrent un poids politique. C'est la révolte générale contre les seigneurs qui finit par la mise en place des premiers collèges du peuple négociant avec les seigneurs l'organisation de la vie dans les cités grecques: la démocratie était née.
Aujourd'hui, la Grèce va-t-elle revivre le scénario qu'elle a vécu dans l'antiquité et inventer, pour le reste de l'Europe et du monde, un nouveau mode de gouvernance par le peuple ? Car comment expliquer qu'après avoir demandé aux Grecs un sixième plan d'austérité extrême, les ministres des Finances (et les chefs d'Etat) de la zone euro ont estimé, mardi dernier, qu'il n'était pas si « austère » que cela ? La situation est plus que dramatique pour le peuple grec: une décroissance estimée entre - 7 et - 10%. C'est-à-dire déjà une faillite du pays impossible à corriger dans les 10 ans à venir, si ce n'est plus. Dans ce cas, sur quels éléments économiques les pays de l'euro-groupe ont-ils estimé qu'il leur faudra plus de garanties du gouvernement grec pour daigner lui accorder les 130 milliards d'euros promis ?
Les paramètres économiques indiquent clairement qu'au prix d'énormes sacrifices, le pays ne pourra faire plus que de travailler pour le remboursement des intérêts de la dette durant des décennies. L'équation est terrible pour Athènes : mise aux enchères sur le marché international de son patrimoine industriel et touristique, réduction drastique dans les effectifs des services publics et sociaux, dévaluation de la valeur travail, etc. Un cercle vicieux et infernal pour le gouvernement grec : comment relancer la croissance avec un programme économique qui réduit grandement le pouvoir d'achat des citoyens et pousse à la mise au chômage dans les services publics ?
Les exigences des pays de l'euro-zone amènent certains analystes à conclure que c'est une façon de pousser la Grèce à quitter la zone euro. Malheureusement, même dans ce cas de figure, le pays restera redevable de l'énorme dette qui pèse sur lui. De plus, avec cette logique d'un euro fort, des pays comme le Portugal ou l'Italie ne vont pas tarder à tomber dans «le piège grec». D'ailleurs, l'Italie vient de renoncer à être candidate à l'organisation des Jeux olympiques (encore une invention grecque) de 2020. Raison : les moyens financiers. Ainsi, 2.500 ans après que la monnaie eut généré une crise politique en Grèce, qui a conduit à une «révolution des esclaves», amenant la «démocratie», l'Europe joue dangeureusement son destin en sacralisant le «dieu Euro».


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