Renault a-t-il vraiment envie de réaliser une usine automobile en Algérie? Après des négociations qui traînent en longueur et une déclaration équivoque de son P-DG Carlos Ghosn affirmant qu'il n'est pas question de «laisser qui que ce soit venir construire une usine en Algérie», le constructeur français ne veut pas entendre parler de Bellara comme lieu d'implantation. Un prétexte pour faire traîner en longueur des négociations interminables? Renault a dit «niet» à Bellara. Du coup, les discussions n'en finissent pas de traîner en longueur. Le gouvernement algérien tient pour sa part, au nom de l'équilibre régional, à ce que l'usine soit implantée dans cette zone industrielle sous-utilisée. Un quasi dialogue de sourds qui se poursuit depuis longtemps. Le ministre algérien de l'Industrie et de la PME, Mohamed Benmeradi, qui est allé jusqu'à considérer comme «positifs» les propos de Carlos Ghosn -beaucoup y ont vu une mise en garde à Volkswagen-, a révélé que les négociations coincent en raison du rejet par Renault d'implanter son usine à Bellara. «Les discussions ont pris plus de temps que prévu. Le partenaire étranger a considéré que le lieu proposé pour l'implantation de l'usine est loin du bassin de l'emploi et qu'il n'offrait pas les opportunités nécessaires», a-t-il déclaré en marge de la réunion de la commission mixte algéro-allemande. M. Benmeradi a justifié le choix de Bellara par le souci du gouvernement de créer un équilibre entre les régions en matière d'investissement. Une politique d'encouragement des investissements est mise en œuvre en ce sens. Renault, dont la réticence à l'égard de Bellara n'est pas récente, invoque un problème de disponibilité de main-d'œuvre qualifiée qui ne serait disponible que dans les grandes villes comme Alger ou Oran. Mais pour la partie algérienne, ainsi que l'indique le ministre, «la zone de Bellara, c'est l'arrière-pays de Constantine qui est une plateforme de l'industrie mécanique». En clair, l'argument de la disponibilité de la main-d'œuvre qualifiée n'est pas pertinent. «Nous n'avons pas encore proposé un autre lieu pour la construction de l'usine, nous tenons à ce que le projet soit réalisé à Bellara», a indiqué le ministre dans ce qui semble être une «lente» prise de conscience du manque d'intérêt du constructeur français à créer une usine en Algérie. UN ARGUMENT-REPOUSSOIR DEJA INVOQUE En février dernier (voir le Quotidien d'Oran du 11 février 2012), des sources au sein de l'entreprise française citées par le journal Les Echos étaient déjà sans équivoques. Pour ces sources, «la partie algérienne s'enthousiasme à l'idée de signer bientôt» alors que rien n'est acquis, car les «conditions imposées sont dures à avaler». Et déjà, Bellara servait d'argument-repoussoir en des termes crus: «On ne va pas aller dans leur micro-port, complètement paumé, mieux vaut être dans la région d'Alger, plus proche du marché local». Pour beaucoup, Renault, qui a fait un grand investissement au Maroc et qui est le premier vendeur en Algérie, n'a pas vraiment intérêt à venir dans notre pays où il estime les conditions d'investissement moins souples et moins généreuses qu'au Maroc. Le gouvernement algérien estime, à juste titre d'ailleurs, que l'existence d'un marché important en Algérie justifie l'implantation de quelques constructeurs sur place. Le vrai problème est qu'il semble désirer «précisément» Renault alors que des possibilités existent avec d'autres constructeurs. Les Chinois, par exemple, investissent en Europe, à l'image de Great Wall, en partenariat avec le bulgare Litex Motors, pour produire 50.000 véhicules par an. RENAULT FAIT DE LA POLITIQUE Renault avec son usine low-cost à Tanger, destinée à produire 400.000 véhicules dont 80% destinés à l'exportation, a peu d'intérêt à s'implanter en Algérie. Elle tire même prétexte des critiques qui se sont exprimées en France au moment de l'inauguration de l'usine de Tanger contre les délocalisations. Pour certains observateurs, Renault fait de la «politique» et discute avec le gouvernement algérien sans réelle volonté d'aboutir. Et les déclarations de Carlos Ghosn au moment de l'inauguration de l'usine de Tanger n'avaient rien de «positif» contrairement aux affirmations du ministre. C'était plutôt un message à Volkswagen pour qu'il ne vienne pas piétiner ses plates-bandes commerciales. M. Benmeradi a affirmé que les négociations se poursuivaient sur ce projet , qui prend l'allure d'une chimère entretenue.