Les athlètes algériens ont tendance à refuser de participer à des compétitions avec des Israéliens. Une répugnance politique, souvent assumée, qui n'a pas eu besoin d'une orientation officielle du gouvernement algérien ou du Comité olympique algérien. Le Comité international olympique (CIO) a d'ailleurs mis l'Algérie dans son collimateur en critiquant la tendance des athlètes algériens à « inventer des excuses » pour boycotter les athlètes israéliens. Il en avait été question en octobre dernier après la Coupe du monde de judo féminin où l'athlète algérienne Meriem Moussa avait déclaré forfait pour ne pas rencontrer une athlète israélienne. Meriem Moussa s'était abstenue de se présenter à la pesée officielle et n'a pas été engagée dans la compétition. La Fédération algérienne de judo avait essayé d'invoquer un retrait motivé par le poids excessif de l'athlète mais celle-ci a assumé son refus par solidarité aux Palestiniens. Et de fait, il n'y a pas de politique gouvernementale dans ce domaine, les athlètes manifestent de fortes réticences, à titre personnel, et souvent par conviction, à jouer avec des athlètes israéliens. A l'approche des Jeux olympiques de Londres, le journal britannique Times s'intéresse fortement au cas du kayakiste algérien Nassredine Baghdadi qui a refusé de participer à une compétition avec un Israélien, à Duisburg, en Allemagne. LE CAS NASSREDDINE BAGHDADI L'événement qui a eu lieu au cours de la coupe du monde de canoë-kayak est présenté par le journal comme le « début d'une des plus grandes controverses » pour les jeux Olympiques. L'attitude de Nassreddine Baghdadi, fulmine le Times, est en infraction totale avec la Charte olympique et cela pourrait aboutir à l'exclusion de l'Algérie des Jeux. Dans ce procès qui est fait aux Algériens, le Times semble avoir trouvé des arguments dans des propos maladroits qu'il impute au président du Comité olympique algérien (COA) Rachid Hanifi. Celui-ci aurait déclaré que le COA ne pouvait garantir que les sportifs algériens jouent contre des Israéliens et qu'il revient au gouvernement de décider. Une aubaine pour le Times qui relève que des exemples de refus de participer avec des sportifs israéliens ne manquent pas mais que jamais une déclaration n'a été faite auparavant pour laisser entendre que cela faisait partie d'une politique nationale. Nassreddine Baghdadi s'est retiré de la course après l'avoir commencée pour éviter la disqualification. Il avait ainsi sauvé les apparences légales tout en refusant de faire compétition avec l'athlète israélien, Roei Yelling qui se trouvait sur la voie trois. Le club algérien de canoë-kayak aurait indiqué, selon Times, que l'athlète a agi sur injonction politique. « Baghdadi a été informé que s'il terminait la course il susciterait l'ire de Hachemi Djiar, le ministre de la Jeunesse et des Sports. Il en a été avisé sur Facebook par des athlètes algériens d'autres disciplines sportives », affirme The Times. Un canal d'injonction qui paraît pour le moins étrange ! Il n'en reste pas moins que cela permet de lancer une sorte de sommation aux Algériens en prévision des Jeux de Londres. ET LES MALADRESSES DE RACHID HANIFI Le président du Comité olympique algérien Rachid Hanifi si les propos que lui impute le Times sont exacts aura donné du grain à moudre en indiquant qu'il est nécessaire d'en référer au gouvernement algérien pour décider s'il faut ou non concourir avec les Israéliens. « Je pense que c'est logique. Ce n'est pas seulement une décision sportive, c'est une décision politique. Nos athlètes représentent l'ensemble du pays, non pas le seul Comité olympique. J'espère que nous ne rencontrerons pas ce problème », aurait-il déclaré en précisant que la question « sera discutée avec le gouvernement avant d'aller aux jeux Olympiques. Nous aurons une position officielle ». Ces déclarations, si elles sont avérées, placent l'Algérie dans une posture délicate. Jusqu'à présent et les autorités algériennes n'avaient besoin d'appuyer sur aucun levier les sportifs algériens expriment notoirement des répugnances personnelles, individuelles, à participer à des compétitions avec des Israéliens. Ils se sont arrangés pour éviter de le faire sans bruit ni publicité. LE CIO VEUT SEVIR En déclarant attendre une directive politique, le président du COA crée maladroitement une situation où le refus de participer des athlètes algériens certains disent qu'ils refusent la compétition avec les représentants d'un Etat qui opprime un peuple dont ils se sentent très proches passe pour une directive officielle de l'Etat algérien. Une telle politique serait en infraction avec la Charte olympique qui rejette toute forme de discrimination contre un pays ou une personne sur la base de la race, la religion, la politique . Selon le Times, le CIO attend l'occasion pour sévir durement et « si le comité d'éthique du CIO est convaincu que le COA a adopté une politique pour éviter toute compétition sportive avec Israël, la sanction ultime consisterait à suspendre l'ensemble de l'équipe algérienne ». Et le Times a beau jeu de tirer profit des déclarations, peu judicieuses, imputées à Hanifi, pour souligner que « même si le gouvernement algérien n'applique pas une politique de boycott, le COA est déjà en violation des règles du CIO qui insistent sur l'indépendance politique des comités nationaux olympiques ».