Les statistiques sur la création de micro-entreprises sont en pleine explosion. Et les interrogations montent sur le coût réel de ces dispositifs pour les banques publiques qui assurent, sans enthousiasme, 70% du financement mis en place. Il n'existe pour l'instant aucune évaluation du coût financier global des différents dispositifs mis en place par les pouvoirs publics. Pour la bonne raison qu'aucune institution gouvernementale n'a jugé utile de la faire jusqu'à présent. Ce qu'on sait déjà, grâce aux informations fournies récemment par les responsables des organismes concernés, c'est que le nombre de bénéficiaires est en plein boom. Le bilan des activités de l'Ansej (Agence nationale de soutien à l'emploi de jeunes) pour l'année 2011 confirme la montée en puissance du dispositif dont elle a la charge. Avec près de 43 000 micro-entreprises financées, l'Ansej double pratiquement ses résultats de 2010 et les multiplie par 4 par rapport à 2008. Les chiffres concernant le dispositif jumeau de la CNAC (Caisse nationale d'assurances chômage) sont également en augmentation très sensible. Ils ont conduit à la création au cours de l'année 2011 de près de 19 000 micro-entreprises qui auraient généré plus de 40 000 emplois. De création plus récente -ses activités ont démarré en 2005-, l'Agence nationale de gestion du microcrédit (Angem) présente un bilan cumulé d'un peu plus de 340 000 crédits octroyés à fin mars 2012. Le nombre de crédits accordés est également en hausse sensible, près de 107 000 en 2011 contre 50 000 en 2010. La progression continue puisque l'agence annonce plus de 40 000 nouveaux crédits au premier trimestre 2012. DES FINANCEMENTS EN HAUSSE SENSIBLE Quel est le coût financier de ces différents dispositifs? Bien qu'il n'existe encore aucune évaluation globale, la BDL (Banque de développement local) pour l'année 2011 et la BEA (Banque extérieure d'Algérie) pour l'année 2010 ont déjà fourni des informations qui permettent d'éclairer les évolutions récentes. Au niveau le plus global tout d'abord, un spécialiste du traitement de ces dossiers au sein d'une banque publique se livre à une tentative d'évaluation. «En retenant l'hypothèse d'un crédit moyen de 4 millions de dinars, les financements Ansej et CNAC qui ont concerné au total un peu plus de 62 000 dossiers en 2011 pourraient s'élever à près de 250 milliards de dinars, soit pas très loin de 3 milliards de dollars».Toujours selon notre banquier, les financements au titre de l'Angem sont nettement moins importants et se situeraient de leur côté dans une fourchette de 20 à 30 milliards de dinars. Des financements dans lesquels les banques publiques sont en première ligne. On sait que dans les 3 dispositifs qui ont été uniformisés, 70% du crédit est à la charge des banques, à côté du prêt non rémunéré représentant 28 ou 29% du crédit consenti par les agences concernées. L'apport personnel a été ramené au niveau symbolique de 1 à 2% du crédit. LES BANQUES PUBLIQUES EN PREMIERE LIGNE Des évaluations globales qui paraissent confirmées par les informations communiquées voici quelques semaines par la BDL, seule banque à avoir pour l'heure publié le bilan de son activité dans ce domaine au titre de l'année 2011. Selon le directeur du crédit aux particuliers à la BDL, M. Neddir Noureddine, 44 milliards de DA de crédits ont été accordés aux micro-entreprises en 2011 contre seulement 14,4 milliards de DA en 2010, soit une hausse de 205%. "43,9 milliards de DA de crédits ont été accordés en 2011 par la BDL pour accompagner les citoyens désireux de créer leur propre activité dans le cadre des différents dispositifs mis en place par les pouvoirs publics en vue de stimuler la création d'emplois en Algérie", a-t-il indiqué précisant que 28,6 milliards de DA de crédits ont été accordés aux jeunes promoteurs porteurs de projets d'investissements dans le cadre du dispositif Ansej, 14,3 milliards de DA aux promoteurs bénéficiant du dispositif CNAC et 1 milliard de DA ont été accordés pour accompagner les jeunes souhaitant créer leur propre activité dans le cadre du dispositif Angem. M. Neddir attribue cette augmentation très sensible du montant des crédits octroyés à la hausse du plafond des crédits et au relèvement de l'âge d'éligibilité des porteurs de projets. La forte progression des crédits accordés aux micro-entreprises s'expliquerait également par la réduction, depuis juillet 2008, des taux d'intérêt sur les crédits octroyés dans le cadre de ces dispositifs et par l'augmentation de la durée de remboursement du crédit qui a été portée à 8 ans. DIVERSIFICATION DES ACTEURS BANCAIRES PUBLICS Les chiffres fournis par la BDL confirment une diversification des intervenants bancaires mais qui reste confinée au secteur public. La seule exception étant une intervention, assez largement symbolique, des banques privées notamment dans le microcrédit et le financement des startups. Le rôle prépondérant réservé, dans la phase de démarrage des dispositifs, à des intervenants comme la BNA (Banque nationale d'Algérie), qui annonçait en 2009 un portefeuille de 70 000 dossiers de crédits aux micro-entreprises, laisse progressivement la place à une augmentation du nombre des acteurs bancaires publics (à l'exception de la CNEP) et à un rééquilibrage de leur rôle. Ainsi, outre la BDL qui rejoint des acteurs plus anciens comme la BNA ou la BADR, le rôle de la BEA est également en augmentation régulière. Selon les chiffres fournis par son PDG, M. Mohamed Loukal, les crédits relevant des «dispositifs du gouvernement» ont, avant même les décisions prises au début de l'année dernière et dès 2010, enregistré un accroissement de l'ordre de 57% passant de 11,6 mds de DA en 2009 à 18,4 mds de DA en 2010. Un chiffre qui devrait encore avoir augmenté très sensiblement en 2011. UN PROBLEME SPECIFIQUE D'IMPAYES ? La terminologie adoptée par les banques algériennes à propos des «dispositifs mis en place par les pouvoirs publics» ou des «dispositifs du gouvernement» est révélatrice du peu d'enthousiasme que ces dispositifs d'exception inspirent encore aux responsables des établissements bancaires algériens. Leur montée en puissance récente et l'importance qu'ils sont susceptibles de prendre au fil du temps dans le portefeuille des banques est-elle de nature à soulever notamment un problème spécifique d'impayés ? Les informations fournies par les banques sont pour l'instant muettes sur ce chapitre. Les «déperditions» de crédits souvent évoquées par la presse nationale sont d'autre part minimisées par le DG de l'Ansej M. Mourad Zemali qui assurait encore voici quelques mois que «les micro-entreprises sont de bons clients pour les banques». Il mentionnait, de manière curieuse, à l'appui de cette affirmation la fourchette très large et néanmoins très élevée d' «impayés qui varient entre 12 et 35%». Plus récemment, c'est l'un de ses collaborateurs qui mentionnait sur les ondes d'une chaîne de radio nationale le chiffre de 4000 dossiers de bénéficiaires défaillants déjà présentés à la Caisse de garantie, tandis que 6000 dossiers supplémentaires seraient en cours de traitement et devraient s'ajouter à ce total. Des chiffres à rapprocher des 170 000 crédits accordés par l'Ansej et qui renseignent sur l'ampleur d'un problème à propos duquel les pouvoirs publics préfèrent observer une certaine discrétion.