En mars 2010, l'Algérie, par la voix de son ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, militait pour une réduction de la production du gaz pour rééquilibrer ses prix ébranlés par un surplus sur le marché mondial du gaz qui a été gonflé par la baisse des importations américaines, vu que les Etats-Unis produisent du gaz non conventionnel. Les pays producteurs de gaz espéraient ramener le prix du gaz de 4 dollars sur le marché spot ou, à court terme, à 8 ou 9 dollars. Pour le ministre, «le prix idéal pour le gaz serait celui du baril de pétrole divisé par six. Historiquement, il a été divisé par dix, mais actuellement c'est par vingt, et ce n'est pas viable pour les pays producteurs», avait-il expliqué. Mercredi dernier, à Kuala Lumpur, l'Algérie défendait de nouveau un prix juste pour le gaz, à travers des contrats à long terme qui représentent selon elle «une condition minimale» pour faire face à l'énorme investissement que doivent consentir les pays producteurs. Ce jeudi, l'actuel ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, a écarté une révision de la formule des prix des contrats gaziers à long terme, une fois arrivés à terme, rassurant du coup ses clients. Lors d'un point de presse, en marge du 25e Congrès mondial du gaz qui s'est tenu dans la capitale malaisienne, le ministre algérien a déclaré, en réponse à une question sur l'éventualité de voir l'Algérie calquer le prix de ses contrats gaziers à long terme sur ceux du marché spot, que «c'est une politique de prix à long terme, nous ne pouvons intégrer les considérations du marché spot dans les contrats gaziers à long terme». Il affirmera, plus loin, que Sonatrach n'a pas l'intention de changer de politique et de ce fait ne va pas introduire la formule des prix du marché spot dans ses contrats à long terme. Un message fort en direction de ses clients européens dont certains des contrats gaziers avec l'Algérie arriveront à terme en 2019 et des demandes de les reconduire ont été déjà formulées. En dépit de ses prix relativement élevés par rapport au marché spot, le long terme offre une sécurité de l'approvisionnement aux clients. Les clients de l'Algérie, dont notamment la France, privilégient les contrats à long terme, lesquels, compte tenu de leur durée (de dix à trente ans), garantissent la sécurité de l'approvisionnement. Cette démarche trouve tout son intérêt lors de la crise gazière russo-ukrainienne de 2009. Ils permettent aussi de fournir aux Européens le gaz dont ils ont besoin, à un tarif aisément prévisible par son indexation sur les prix du pétrole qui avait donné de la visibilité aux consommateurs envisageant de substituer le gaz naturel à une autre source d'énergie. Mais, ce n'est certainement pas la seule raison qui a poussé l'Algérie à fidéliser ses clients puisqu'elle a tout intérêt à le faire avec la prochaine arrivée des Américains sur le marché du gaz européen et asiatique. Alors qu'il y a moins de dix ans, les Etats-Unis s'étaient préparés à importer du gaz et avaient même construit des installations pour regazéifier du gaz naturel liquéfié acheminé d'Australie ou du Qatar par bateau, ils sont devenus le premier producteur mondial de gaz, devant la Russie. Avec le boom des gaz de schiste sur son territoire et sa production gazière qui a atteint 1 milliard 700 millions de m3 par jour, ce qui représente plus de 600 milliards de m3 annuel, les Etats-Unis se préparent à exporter du gaz liquéfié depuis les côtes de la Louisiane ou de la Californie avec comme première destination l'Europe et l'Asie. Par ailleurs, M. Yousfi a mis en évidence les ressources gazières de l'Algérie, soulignant qu'elle disposait d'une industrie gazière très dynamique qui produit chaque année près de 150 milliards de m3 de gaz, dont 50 à 55 milliards de m3 sont exportés, 30 milliards de m3 sont consommés, et le reste des volumes injecté dans les gisements pour maintenir leur pression. Pour les gaz non conventionnels, il a souligné l'important potentiel de l'Algérie, indiquant que les premières évaluations les établissent à 8.000 milliards de m3 pour les gaz de schiste seulement. En termes de réalisation, il citera celle de deux nouvelles unités de GNL à Skikda et Arzew tout en confirmant, au passage, les discussions avec plusieurs clients pour l'exportation du GNL. Notons que la production mondiale du gaz naturel liquéfié a augmenté de 8% en 2011 passant à 241,5 millions de tonnes, représentant une progression de 17,7 millions de tonnes, dopée par la forte demande au Japon, ainsi qu'au Royaume-Uni, l'Inde ou encore la Chine. L'Algérie est classée septième plus grand producteur de GNL en 2011 avec 12,6 millions de tonnes. Evoquant le projet de gazoduc Galsi, reliant l'Algérie à l'Italie via la Sardaigne, il dira que les études devant être achevées fin 2012 et qu'il sera mené en dépit de la baisse de la demande gazière européenne, appelée à connaître une forte hausse à moyen et à long terme. Par ailleurs, l'Algérie portera prochainement sa capacité de production de pétrole à 1,5 million de barils/jour contre 1,4 mbj actuellement, toujours selon le ministre de l'Energie et des Mines. Sonatrach devrait conforter sa production avec les nouveaux gisements qui vont entrer en production en 2013-2014, a-t-il expliqué. Affirmant que le marché pétrolier était suffisamment approvisionné, il indiquera que l'Opep allait examiner, lors de sa réunion du 14 juin à Vienne, les facteurs de la détérioration du marché et voir s'ils sont liés à la baisse de la demande, à l'excèdent de l'offre ou à d'autres facteurs. Et s'il s'avère que le plafond de 30 millions de barils/jour a été dépassé, l'Opep devrait baisser sa production. M. Yousfi note à ce propos une stagnation de la demande pétrolière mondiale actuellement, du fait de la crise de la dette souveraine européenne, estimant que la demande devrait baisser d'un million de barils/jour en 2012 par rapport à 2011 mais devrait reprendre en 2013. Et d'ajouter que «tous les membres s'inquiétaient de cette baisse, il n'est dans l'intérêt de personne de voir les prix chuter».