L'accord entre l'Algérie et l'Union européenne sur le report de trois ans de l'échéance de l'instauration d'une zone de libre-échange entre l'Algérie et l'Union européenne laisse un peu de répit aux entreprises algériennes. Le ministre du Commerce a parlé, presque triomphalement, d'un accord sans précédent. Mais le nouveau schéma du démantèlement tarifaire laisse sceptiques les patrons. Pour eux, cela risque d'être 3 ans de plus pour rien si l'environnement de l'entreprise ne change pas. L'Algérie a obtenu la semaine dernière et après une longue négociation, le report du calendrier du démantèlement tarifaire des produits importés de la communauté européenne, prévu pour 2017 à 2020. Pour le gouvernement, ce répit « supplémentaire » devrait préparer les entreprises algériennes à la concurrence accrue qui leur sera imposée, avec la création de la zone de libre échange algéro-européenne. Dans le monde de l'entreprise, on estime que tout sursis est bon à prendre, mais ces trois ans supplémentaires n'apportent pas forcément une solution aux PME algérienne. Pour Mohand Saïd Naït-Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA), cette période supplémentaire « est un nouveau défi » pour le gouvernement, le patronat et le syndicat. Son souci est de ne pas reproduire l'erreur qui a été faite à la signature de l'accord d'association en 2002. Il estime que la « la période de grâce », allant de 2002 à septembre 2005, date de l'entrée en vigueur de l'accord, n'a pas été mise à profit pour préparer les entreprises à la concurrence des produits européens. Il faut, a-t-il estimé, tirer des enseignements de cet échec et se donner un temps de réflexion entre experts, entreprises et gouvernement, pour se préparer à l'échéance de 2020. Mais Naït--Abdelaziz a une idée du problème : l'immobilisme du gouvernement dans la mise en œuvre des décisions politiques. C'est cet immobilisme qui a, selon lui, engendré un environnement hostile à l'épanouissement des entreprises algériennes. ANALYSER SOIGNEUSEMENT L'ACCORD AVEC L'UE Pour Slim Othmani, président du conseil d'administration de NCA Rouiba, ce nouveau schéma du démantèlement tarifaire doit être une opportunité pour « analyser dans le détail certains volets de l'accord d'association Algérie-UE qui n'ont pas été suffisamment abordés ». Le but étant d'améliorer l'environnement dans lequel évoluent les entreprises algériennes. Ce report de l'échéance obtenu par les négociateurs algériens devrait permettre à certaines activités et branches d'industrie de souffler un peu. Mais, souligne Slim Othmani, elle ne peut être bénéfique pour l'économie nationale que si l'accord d'association dans sa globalité est soumis « à l'analyse approfondie ». Il préconise à cet effet d'engager une réflexion entre tous les acteurs du monde économique pour mieux mettre à profit ce délai supplémentaire. « Il faut faire un grand effort d'analyse et tirer profit des expériences réussies du partenaire européen », a-t-il dit, citant à titre d'exemple le domaine environnemental, une véritable problématique pour les entreprises en Algérie. « Cet effort de réflexion doit être fait par des experts à la demande des chefs d'entreprises ou du gouvernement », a-t-il indiqué. MISSION IMPOSSIBLE SANS UN PLAN SERIEUX DERRIERE CE REPORT, SELON HAKIM LARIBI Hakim Laribi, Directeur général de COPHYD, une société de fabrication de cosmétiques, parfumerie et de conditionnement d'aérosols, reste sceptique sur la capacité des entreprises à mettre à profit ce sursis. Cela ne peut être le cas, estime-t-il, tant que le gouvernement n'a pas un « plan sérieux » qui, au-delà du nouveau schéma du démantèlement tarifaire, « va permettre l'amélioration de la performance de l'entreprise algérienne et l'assainissement de l'environnement dans lequel elle évolue ». Hakim Laribi ne peut qu'apprécier ce report car « franchement, le secteur économique n'est pas prêt », mais il note que l'actuel programme de mise à niveau dont ont bénéficié beaucoup d'entreprises reste insuffisant. « Certes des entreprises ont bénéficié du programme de mise à niveau qui a permis des améliorations sur le plan management et organisation des entreprises. Mais, force est de constater que cela n'est pas suffisant pour espérer atteindre les niveaux de compétitivité des entreprises européennes, en l'espace de seulement sept à huit ans », juge-t-il. M. Laribi pointe du doigt l'environnement économique de l'entreprise. « Si, sur le plan du management, les entreprises algériennes ont atteint un certain niveau, il est clair qu'actuellement, l'environnement dans lequel elles évoluent n'est pas prêt à recevoir ce choc ». Pour lui, une mise à niveau incluant banques, administration fiscale, douanes est indispensable pour affronter la compétitivité des produits européens. « C'est pourquoi les pouvoirs publics doivent mettre le paquet pour assainir cet environnement », dit-il.