Un pas en avant, un autre en arrière : le groupe d'Ançar Eddine n'arrive pas à trancher. Il commence à susciter un fort dépit à Alger qui continue néanmoins à considérer qu'une intervention militaire au nord du Mali aura des conséquences graves. Romano Prodi, envoyé spécial de l'Onu pour le Sahel, veut la «paix» mais indique que l'option militaire «en dernier ressort» reste sur la table. «Tous les efforts seront déployés pour instaurer la paix dans le nord du Mali et éviter une intervention militaire dont les conséquences pourraient être désastreuses sur toute la région du Sahel». Jeudi à Alger, l'envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour le Sahel, M. Romano Prodi, qui a été reçu par le président Abdelaziz Bouteflika, était sur la même longueur d'onde que les responsables algériens. Il reste que l'intervention militaire continue à faire partie des options. «S'il doit y avoir une intervention militaire, elle interviendra en dernier ressort», a déclare Prodi en notant que «toutes les guerres qui ont été menées de par le monde ont causé de fortes tragédies pour l'humanité». Daho Ould Kablia, le ministre algérien de l'Intérieur, a réitéré dans un entretien à un confrère les fortes réserves de l'Algérie à l'égard d'une opération militaire. Il en conteste la pertinence et aussi la viabilité. «Si les gens s'imaginent qu'il faut réinstaurer l'autorité centrale sur le Nord (du Mali) par la voie de la guerre, cela aura des conséquences très graves». En cas de guerre, a-t-il expliqué, «il sera très difficile de faire regagner le bercail par les gens du Nord». Et de fait, les communiqués du MNLA tout comme les déclarations d'Ançar Eddine expriment une forte hostilité à l'intervention militaire. En clair, cela risque de créer chez les populations du Nord-Mali une réaction solidaire de rejet qui rendrait cette intervention encore plus problématique et probablement fort coûteuse en vies humaines. OULD KABLIA: CELA RISQUE DE COMPLIQUER LES CHOSES A cet aspect de la viabilité, Ould Kablia évoque également l'impact sur l'Algérie où les populations targuies ne pourraient assister dans l'indifférence à une telle opération. «Et si cette guerre affecte directement ou indirectement les populations touaregs du Nord, nous avons chez nous aussi des populations qui ont des liens très forts avec ceux du nord du Mali et, de ce fait, cela risque de compliquer les choses». La ligne de l'Algérie est de demander que «l'on règle d'abord les problèmes politiques». Les officiels algériens ont défendu vaille que vaille et malgré les pressions extérieures l'option d'une solution politique inclusive. Désormais, la balle est presque totalement dans le camp des dirigeants d'Ançar Eddine qui doivent montrer patte blanche et prendre leurs distances à l'égard des terroristes d'Aqmi et du Mujao. L'exercice est pour l'heure assez équivoque. Il n'y a pas patte blanche mais «patte grise». UN AVERTISSEMENT MUSCLE D'ALGER Des dirigeants d'Ançar Eddine ont déclaré à partir d'Ouagadougou que le mouvement «est indépendant de tout autre groupe». Algabass Ag Intalla, chef de la délégation de ce mouvement, a mis en évidence le fait qu'Ançar Eddine est un «groupe local qui négocie et qui est prêt à négocier pour qu'il y ait la paix dans la sous-région et au Mali en particulier». C'est un petit pas qui risque de paraître insuffisant pour ceux qui classent Ançar Eddine dans la case terroriste. Dans un entretien publié par El Watan, un des porte-parole du mouvement, Mohamed Ag Aharib, a estimé contraire à «notre éthique» l'idée de combattre Aqmi qui est «composé de musulmans, comme nous». Il estime aussi «que l'on ne peut s'en prendre à Aqmi ou au Mujao sans toucher aux populations : comment feront-ils pour distinguer un terroriste d'un simple citoyen ?». A l'évidence, Ançar Eddine continue à rester au milieu du gué. Un recul même par rapport aux premières déclarations, ce qui a amené, pour la première fois depuis le début de la crise, une source autorisée algérienne à lancer, par voie de presse, un avertissement très musclé à Iyad Ag Ghaly et aux dirigeants d'Ançar Eddine. «Nous leur disons de la manière la plus déterminée que la fenêtre d'opportunité pour Ançar Eddine de se démarquer des terroristes et des narcotrafiquants est en train de se refermer. C'est aux chefs de ce mouvement de décider rapidement s'ils veulent être une partie du problème ou devenir une partie de la solution». Et à l'évidence, pour Alger, c'est maintenant qu'ils doivent faire le choix, pas demain quand la machine militaire sera mise en branle.