Al-Qaradhaoui, l'imam employé d'AlJazira et présumé révolutionnaire, a retrouvé ses «fondamentaux» : il rappelle aux Egyptiens le «devoir d'obéissance» au gouvernant et justifie les ukases de Mohamed Morsi en les présentant comme une «mesure préventive» contre la Haute Cour constitutionnelle qui aurait eu l'intention de dissoudre la commission chargée de préparer la Constitution. En matière de manipulation malfaisante de la «fatwa», on ne fait pas mieux. C'est un devoir de silence que l'imam de Doha, qui soutient ouvertement la lutte armée contre le régime syrien tout en dénonçant la demande de réforme des Bahreïnis pour cause de «chiisme», cherche à imposer aux Egyptiens. Une illustration éclatante de l'esprit purement partisan de ce «guide» qui suit son «parti» en Egypte et suit ses employeurs pour ce qui est de Bahreïn. Cette «fatwa» qui reprend à la virgule près les autojustifications de Mohamed Morsi intervient au lendemain d'une grande mobilisation populaire contre les tentations autocratiques du président égyptien. Les Frères musulmans ont découvert, mardi, qu'ils n'étaient pas les seuls à pouvoir faire actionner la rue et que les Egyptiens sont très nombreux à ne pas accepter un retour à la dictature. Qu'elle soit barbue ou imberbe, islamiste ou présumée laïque, l'autocratie est désormais totalement inacceptable. La révolte contre le régime de Moubarak était une révolte contre l'état d'indignité imposé à l'Egypte et à son peuple. De très nombreux Egyptiens ne contestent pas le poids des Frères musulmans, ni leurs résultats électoraux, mais la révolution les a mis dans un état de vigilance. Ils surveillent ce que fait le pouvoir, ils examinent ses proclamations avec minutie, scrutent le détail de ses actions. Ils sont dans une posture de légitime méfiance contre toute tentative de recréer le système infantilisant et humiliant de la dictature. Le message-fatwa d'Al-Qaradhaoui est à contre-courant. C'est le type même du discours réactionnaire qui demande à une population qui s'est émancipée des satrapes de Moubarak de renoncer à sa liberté. Des hommes comme Al-Qaradhaoui ont bien des partisans et des gens prêts à les écouter. C'est clair. Mais ce qui est indéniable est que toute la société égyptienne n'a pas basculé dans l'aveuglement unanimiste. La grande manifestation de mardi montre que de nombreux Egyptiens sont en position de résistance et qu'ils entendent bien défendre pied à pied, virgule par virgule, leur liberté. Les juges égyptiens n'ont pas fait preuve, sous Moubarak, d'un grand esprit d'indépendance. C'est un fait. Cela ne justifie pas que le régime post-Moubarak les mette au pas. Cela ne justifie pas qu'un président élu se donne le pouvoir de César en rendant ses décisions non susceptibles de recours devant la justice. ET SI ON SUIT LA DECLARATION DE L'IMAM DE DOHA, C'EST UNIQUEMENT SUR LA BASE D'UN PROCES D'INTENTION FAIT AUX JUGES DE LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE QUE LE PRESIDENT MORSI A PRIS SES MESURES «PREVENTIVES». UN PROCES D'INTENTION INJUSTIFIE, A RETORQUE LE CHEF DE LA HAUTE COUR CONSTITUTIONNELLE EN DEMANDANT A MORSI D'APPORTER DES PREUVES DE SON AFFIRMATION SUR LE CARACTERE «PARTISAN» DE LA COUR. EN REALITE, EN S'OCTROYANT TOUS LES POUVOIRS, LE PRESIDENT EGYPTIEN A PROVOQUE UNE MOBILISATION SALUTAIRE QUI EST EN TRAIN D'ACCELERER LES DECANTATIONS. DE NOMBREUX EGYPTIENS SONT DETERMINES A SE BATTRE POUR EVITER UNE NOUVELLE REGRESSION DICTATORIALE ET CE NE SONT PAS LES FATWAS SUR COMMANDE DE L'EMPLOYE RELIGIEUX D'AL-JAZIRA QUI LES EN DISSUADERA.