Les détracteurs de Morsi ne démordent pas. Rassemblés à la place Tahrir depuis près d'une semaine, ils réclament, comme du temps de la révolte de 2011, la chute du régime. Hier, deux hautes instances judiciaires se sont jointes à la contestation et dénoncé le décret totalitaire de Morsi. C'est donc au lendemain d'une mobilisation populaire inédite contre le Président, dont la décision de se doter de pouvoirs exceptionnels divise le pays, que la Cour de cassation a annoncé la suspension de ses travaux jusqu'à ce que son décret controversé soit annulé. La Haute cour constitutionnelle a, elle, jugé injustifiées les accusations de partialité à l'encontre de Mohamed Morsi et l'a appelée à en apporter des preuves. Le 22 novembre, M. Morsi avait placé ses décisions à l'abri de tout recours en justice et décidé qu'aucune instance judiciaire ne pouvait dissoudre la commission chargée de rédiger la future Constitution. Une instance cible de nombreuses critiques de la part des libéraux et laïques, qui l'accusent d'être dominée par les islamistes. La composition de cette commission constituante fait actuellement l'objet d'un recours devant la Haute cour constitutionnelle. Sur le terrain, des heurts ont eu lieu dans la nuit dans les rues environnantes de la place Tahrir avant de se propager le matin. Les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants, et des gaz ont atteint les tentes où des protestataires qui campent depuis le 23 novembre. Des centaines de manifestants ont passé la nuit sur la place, après des manifestations de dizaines de milliers de personnes à travers le pays pour dénoncer le décret. Les partisans de Morsi sont appelé, pour leur part, à manifester samedi. Selon ces derniers, ces pouvoirs exceptionnels permettront à M. Morsi d'engager des réformes indispensables pour la marche vers la démocratie et cesseront avec l'adoption, prévue dans quelques mois, de la nouvelle Constitution. Ses détracteurs, eux, l'accusent de se comporter en «nouveau pharaon» et de «voler la révolution». Depuis le début des troubles, trois personnes ont été tuées dans des heurts entre policiers et manifestants ou entre protestataires des deux camps rivaux, selon des sources médicales. Des dizaines d'autres ont été blessées, dont 100 mardi, selon le ministère de la Santé. Après une rencontre avec la hiérarchie judiciaire, lundi, M. Morsi a maintenu le décret par lequel il s'est autorisé à prendre toute mesure jugée nécessaire pour «protéger la révolution». Unique inflexion apparente, seuls ses «pouvoirs souverains» -dont la définition reste vague- sont hors d'atteinte des juges, a dit la présidence, laissant entendre que les décisions de routine pourraient être soumises aux magistrats. Alors que l'Egypte a besoin d'aide pour relancer son économie, le Fonds monétaire international a averti qu'un «changement majeur» dans sa politique économique pourrait remettre en cause le pré-accord sur le plan d'aide de 4,8 milliards de dollars. Le département d'Etat a appelé de son côté à la fin de «l'impasse constitutionnelle» tout en minimisant les risques de voir M. Morsi se transformer en autocrate. Mais l'ambassade américaine au Caire a semblé plus critique. «Le peuple égyptien a clairement indiqué lors de la révolution du 25 janvier qu'il en avait assez de la dictature», peut-on ainsi lire sur un tweet de son compte officiel.