L'hommage appuyé rendu jeudi dernier à la wilaya de Chlef est celui là même que le président de la République a refusé de lui rendre au moment où il voulait faire voter la charte pour la paix et la réconciliation nationales. C'était en 2005, lors d'un grand meeting régional qu'il avait animé au stade de Chlef pour défendre la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Alors qu'il devait prôner la paix et la réconciliation pour lesquelles il faisait campagne, à travers la charte, il avait exprimé sa rancœur envers une région qu'il doit bien connaître ne serait-ce que parce qu'elle représente le pilier de l'historique wilaya IV. Région que l'imposant Ouarsenis enveloppe avec une fierté majestueuse. Les moudjahidine qui ont fait face, entre autres affres du colonialisme, à l'horrible « opération cigale » lancée par l'armée française, ressentent et connaissent la Grandeur des lieux. Il y a 8 ans Bouteflika avait sorti de ses tripes des relents de querelles historiques haineuses qui opposaient la IV et la V à laquelle lui-même appartient depuis la guerre de libération nationale. Chlef, Orléansville au temps de la colonisation et El-Asnam pour les nostalgiques de tous les temps qui l'ont connu bien coquette mais sobre, n'avaient pas compris sur le coup qu'il était venu régler des comptes. Les moudjahidine de la région sont restés estomaqués tant les propos étaient méchants. Ils en gardent un souvenir bien amer. Ils se sont remémoré jeudi dernier cette attaque frontale que le chef de l'Etat avait dirigé contre eux et contre les nombreux martyrs de la wilaya, ceci, sans qu'ils puissent réagir. Il faut dire qu'ils ne s'y attendaient pas en ce jour de «paix et de réconciliation nationale». Ils en parlent cependant, à ce jour. Quelques-uns d'entre eux étaient conviés au déjeuner que le wali de Chlef avait organisé jeudi dernier en l'honneur du 1er ministre et de sa délégation. Ils étaient assis à une table dressée en face de celle de Sellal qui avait à ses côtés ses ministres. Il est curieux que cette habitude de garder ses ministres autour de lui dans des moments de « détente » soit imposée comme une tradition alors que la correction l'oblige en principe, à se mettre avec les notables de la région qu'il visite. Mais ceci est une question de protocole que son staff semble ignorer. UN HOMMAGE TANT ATTENDU Ce qu'a fait le 1er ministre de bien lors de son séjour à Chlef, c'est d'avoir réhabilité, sans le vouloir peut-être, huit longues années après, une région blessée dans son amour-propre par le Premier magistrat du pays. « Nous nous rappelons les propos que le président avait tenu ce jour là, nous avons été profondément blessés, » nous a dit jeudi, le plus vieux d'entre les moudjahidine. Ils étaient aussi présents lors de la rencontre du 1er ministre avec les représentants de la société civile. Dans une allocution écrite, Sellal s'était contenté de rappeler « les souffrances des braves habitants de Chlef qui ont enduré les affres du terrorisme et du lourd tribut qu'ils ont payé au prix du sang, des larmes et de la peur pour défendre leur patrie.» De dures épreuves à ses yeux sont aussi «du fait des catastrophes naturelles, tout particulièrement les tremblements de terre, et combien furent longues les souffrances des populations du fait de ces impondérables successifs dont les blessures ne sauraient se refermer que lorsqu'en disparaîtront les traces et les conséquences. » Il restera ainsi laconique dans l'allocution qu'il avait lue devant l'assistance. Mais il rattrapera «le coup » quand il se laissera aller -comme à son habitude- à des digressions souvent assez politiques et porteuses de messages à décoder. « Chlef a une grande chance de bénéficier d'une certaine sensibilité auprès du plus haut commandement du pays, » avait-il lancé lorsqu'il a commencé à répondre aux doléances exprimées par les participants durant la rencontre. Au-delà de son rappel des effets des catastrophes naturelles et du terrorisme, Sellal a affirmé que «Chlef est connu durant la guerre de libération nationale pour avoir eu de grands héros, c'est une wilaya moudjahida et qui a enfanté de grands intellectuels (aalama) ( ). » Il interroge alors «qui ne connaît pas Abou El Hassan ? Sidi Mohamed Benbahloul ? El Medjadji ? El Boudali?( )». Il insistera sur « la grande sensibilité de la région » et interroge encore une fois « qui ne connaît pas Hassiba Benbouali ? Qui se souvient de l'histoire de son pays, se souvient de Hassiba Benbouali, cette fille d'Orléansville, D'El-Asnam, de Chlef ; Qui n'a pas soutenu Chlef dans ses grandes peines ? » QUAND L'ABSURDE DEVIENT UNE REGLE DE GOUVERNANCE Les autorités locales avaient pris le soin de convier au déjeuner offert au 1er ministre deux autres enfants asnamis, Hilal Soudani et Zaoui. Ce sont deux joueurs de l'équipe nationale qui brillent souvent par leurs talents durant le jeu d'ici et d'ailleurs (pour ce qui est notamment de Soudani.) Cet enfant du quartier Arroudj a été invité pour rappeler à ceux qui l'avaient déjà oublié, que les verts ont gagné devant le Burkina arrachant ainsi une qualification pour la Coupe du monde 2014. Une victoire certes au forceps mais qui surtout, constitue cet autre alibi pour les gouvernants pour appeler à un 4eme mandat présidentiel pour Bouteflika. D'ailleurs, le raccourci a été de suite pris pour mettre devant le fait accompli, une assistance qui pullulait d'opportunistes et de courtisans choisis minutieusement pour jouer aux bouffons du roi. Le 1er ministre l'avait ainsi glissé dans les dernières lignes de son allocution. « Je ne vous cache pas, par ailleurs, que ce qu'il y a de plus savoureux dans cette qualification, c'est qu'elle se réalise pour la quatrième fois », a-t-il noté. « La force » du discours politique de ces temps de campagne électorale en faveur du choix du pouvoir -quel qu'il soit- est de lier sans grande intelligence « la 4e qualification au 4è mandat présidentiel. » A Chlef, ils ont œuvré pour gagner un autre 4, celui de la wilaya IV. Du coup, un opportuniste avéré a lancé dans la salle « vous êtes dans la wilaya IV, au lendemain d'une 4eme qualification de l'équipe nationale, en prévision d'un 4eme mandat. » Loin et éloignée de ces «carrés serviles» non encore affranchis, la rue de la région accueillera Sellal lors de ses visites sur chantiers et sites avec la vraie face du peuple qui est loin d'être dupe. « MI Zi Ri A ! Viva l'Algérie ! ,» scandaient les citoyens. Une belle synthèse d'une époque où l'absurdité politique est devenue un modèle de gouvernance. Aujourd'hui, le 1er ministre sera dans la wilaya de Relizane. Mardi et mercredi prochains, il visitera El Oued et Biskra.