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Il ne suffit pas de vouloir mais de pouvoir drainer une adhésion populaire
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 23 - 12 - 2013

Un groupe de 14 partis élargi à des personnalités politiques entre autres Benbitour et Rahabi ont fondé une alliance pour garantir une élection présidentielle «libre et ouverte».
Deux revendications semblent sortir du lot: le rejet de toute révision de la Constitution donc indirectement s'opposent à la prolongation du mandat présidentiel ensuite la mise en place d'une commission électorale indépendante. En partant de l'hypothèse qu'aucun parti ni personnalité n'est capable de changer la donne, seul le peuple en a le pouvoir. Ces partis et personnalités ont-ils d'abord consulté leur base puis comment peuvent-ils concrétiser leur propositions pour éviter qu'on impose un choix au peuple Algérien et surtout dans leur ensemble que représentent-ils ? Pour bien comprendre la portée de cette initiative politique, un bref retour en arrière est plus que nécessaire. Lorsque le 08 mai 2012, Bouteflika avait déclaré vouloir se retirer de la vie politique et recommandait à sa classe de faire de même avec sa fameuse phrase " Tab Ejnana ", de nombreux partis et pas des moindres s'étaient vivement souciés de sa succession. Maintenant qu'il semble revenir sur cette décision, les mêmes corporations qui ont seulement changé de têtes s'opposent non seulement à un quatrième mandat mais aussi à la révision constitutionnelle, pourtant promises avec leur accord en pleine effervescence du printemps arabe. Rappelons qu'à partir de décembre 2010, la Coordination Nationale pour le Changement et la démocratie (CNCD) avait appelé à manifester comme dans tous les pays arabes chaque samedi pour occuper voire " camper " dans la place du premier mai, mais les quelques centaines de participants ont été vite dispersés par les forces de l'ordre et une dizaine de baltaguias. De nombreuses manifestations à partir du 19 février 2011 ont obligé le gouvernement de l'époque, cinq jours après à lever l'état d'urgence en vigueur depuis 1992.Cela n'a pas empêché les gardes communaux de camper sur la place des martyrs à partir du 6 avril de la même année. Face donc à des auto- immolations de plus en plus fréquentes et la grève de plus de 80% des fonctionnaires, Bouteflika devait sortir de sa réserve le 15 avril 2011 pour promettre carrément une réforme constitutionnelle qui semble agréer tout le monde. Il faut cependant préciser que cette contestation a été menée par les responsables du CNCD dont Boumala, Said Sâadi et son équipe, avec la présence de Ali Yahia abdennour et la dernière semaine, Ali Belhadj, s'est fait remarqué. Aucun des partis de l'hémicycle et qui crée aujourd'hui au scandale d'un quatrième mandat de Bouteflika n'a pris position ni a participé. Alors pourquoi devra t-on aujourd'hui équationner Bouteflika ? Pourquoi sa candidature fait tant trembler les acteurs politiques ? Si les partis qui créent au scandale, avaient maîtrisé la voracité de leurs élus au parlement, il n'y aurait pas un cas Bouteflika aujourd'hui. Désormais, faudra t-il donc assumer et jouer le jeu politique ?
1- Pour le moment, l'équipe au pouvoir mène le jeu
Le dernier remaniement ministériel opéré porte désormais l'empreinte personnelle de Bouteflika. Il a surpris ceux qui le croyaient mourant incapable de lever une main pour signer. Les autres qui pensaient qu'en écartant ses proches, juste avant son évacuation à l'hôpital Val de Grâce, il préparait ses bagages pour quitter le palais d'El Mouradia. D'autres disaient qu'il était incapable de gouverner sans s'entourer du clan d'Oujda, et ceux de Tlemcen Etc. Il a montré que clan ou pas, il pouvait renvoyer et ramener : qui il veut et quand il le veut. Auparavant, il a fait valoir ses prérogatives constitutionnelles, de chef suprême des forces armées pour restructurer les services de la redoutable DRS en l'amputant du service de la communication, de la direction de la sécurité de l'armée et de la police judiciaire. Les enquêtes judiciaires et les fameux dossiers sur les uns et sur les autres sont entre les mains d'un homme de confiance, devenu vice ministre de la défense. Ce réaménagement s'est effectué avec une telle souplesse que même les principaux concernés reconnaissent l'avoir appris comme tous les algériens par la presse. En d'autres termes, il n'y a eu aucune résistance de la part de l'armée et ceci discrédite la thèse de la lutte de deux clans au pouvoir que développaient certains analystes. Que Bouteflika ait une brouille avec le Général Toufik ne serait en fait qu'un fantasme médiatique. Il n'y a ni gagnant ni perdant, c'est le pouvoir de 1962 qui continue de régner en Algérie. Ceux qui s'accroche à la thèse polémologique et conflictualiste de clans au pouvoir et se demandent si la défaite de la DRS serait réelle ou conjoncturelle peuvent attendre car les événements qui se déroulent risquent de les dépasser. Si la révision de la constitution et un quatrième mandat sont jugés de trop pour les algériens, ce n'est pas en demandant l'autorisation au wali de Tataouine pour s'y opposer mais en mesurant l'ampleur de sa démarche au sein de la population. Les leaders politiques ont habitué les citoyens Algériens à se distancer de leur base dès qu'ils arrivent au sommet. Ils développent un discours virulent contre le pouvoir en place mais dès qu'ils le rejoignent ils s'en accommodent en prenant sa teinte. Les pays voisins semblent donner des leçons à l'Algérie dans ce domaine. La Tunisie par exemple a réussi de trouver une entente entre huit partis politiques pour discuter une feuille de route avec des échéances précises de démocratisation de la vie politique. En dépit du blocage des négociation,la voie de la sagesse semble l'emporter. En Egypte, malgré la décapitation de la tête de la confrérie des frères musulmans, sa base ne quitte pas la rue pour réclamer le retour de la légitimité constitutionnelle etc.
2- Le pouvoir a-t-il les moyens de sa politique ?
Il dispose, s'il veut contrôler les prochaines élections présidentielles de tous les atouts: une coalition extrêmement disciplinée surtout après les sanctions des ministres qui se sont opposé à la nomination de Saidani à tête du FLN. Ceci, constitue un avertissement à ceux qui entravent la démarche de Bensalah au RND. D'ailleurs depuis ce remaniement, on les entend plus. Belaiz après avoir fait valoir sa retraite, revient en consultant pour surveiller la révision des listes électorales. Tayeb Louh, ancien magistrat syndicaliste, tiendra la voûte de toute consultation populaire si besoins est. Pour la crédibilité extérieure et l'adhésion internationale à sa démarche, il a placé quelqu'un dont la compétence est indiscutable et si clan il y a, c'est le seul de toute l'équipe gouvernementale dont la neutralité est notoirement connue.
3- Les spécificités de l'Algérie par rapport aux pays du printemps arabe
Il faut peut être préciser au passage que tous les soulèvements dans les pays dans le cadre de ce qu'on pourrait appeler communément le printemps arabe, ont commencé pour des raisons économiques. L'idée de liberté et de démocratie est venue un peu plus tard à travers un processus communicatif d'échange par le net à travers le monde. l'Algérie n'en fait pas exception à quelques nuances près. En octobre1988, la crise économique due à l'effondrement des prix du pétrole et des cours du dollar ont fortement affecté le pouvoir d'achat des algériens. La grève de Sonacom de Rouiba, l'affaire de l'escroquerie des banques par des fils de hauts responsables ont été les ingrédients suffisants pour un ras -le- bol de la population. En Tunisie, Bouazizi s'est immolé parce que l'extraversion à outrance de l'économie sous le régime Ben Ali a crée une misère qui a fortement humilié la population tunisienne. L'étalement de la fortune des Trabelsis à travers tout le territoire Tunisien devait accélérer les choses. En Libye, la tribu de Maâmar faisait la loi et transférait une part importante de la rente vers l'étranger et à son propre profit. Le déclic de la révolution devait apparaître à partir d'un cas de Hogra au tribunal de Benghazi. L'Egypte de 2010 était au bord de la faillite économique. Les caisses de l'Etat étaient chroniquement vides. Selon un journaliste libre Abdellah Houssam Skandar, vivant actuellement aux Etats-Unis, Moubarak et son équipe réfléchissait sur une possibilité de plantation et de commercialisation de la drogue pour renflouer les recettes publiques. Heureusement qu'il y a eu la révolution de 25 janvier 2011 sinon avec ses 85 millions d'habitants, ce pays aurait pu devenir la plaque tournante du trafique de drogue dans le monde. Avec tout cela, le président se permettait de lancer ses enfants dans la politique pour l'hérédité du pouvoir. En Syrie, les mesures libérales adoptées en 2005 ont eu trois effets négatifs : une augmentation des inégalités sociales ; l'exclusion sociale de plus en plus diffuse dans les banlieues de Damas ; la dégradation des conditions de vie de la population. Au même titre que les autres pays sus- cités, l'étalement des richesses de la famille Assad ont précipité la révolution. La nuance évoquée plus haut est le fait qu'à la différence de l'Algérie, ces pays ont un champ politique rempli. Il y existe une élite politique. Ils se débattent maintenant dans la recherche de compromis pour relancer leurs économies. Cela peut prendre du temps mais ils y arriveront tôt ou tard. Ce n'est pas du tout le cas de l'Algérie, la scène politique, est amorphe, dominée par le système rentier qui s'agrippe au pouvoir. Ce système est formé d'opportunistes du parti unique et de ses excroissances qui en voulant perpétuer l'ordre établi, refusent, voire même résistent aux changements. Cette configuration contrairement aux autres pays du printemps arabe est largement entretenue dans le cas de l'Algérie par la rente. Le secteur privé encre ses ventouses pour puiser sur la manne financière en profitant d'un marché tout acquis sans aucun effort de marketing encore moins de créativité. Pendant que les citoyens consomment et s'endettent sans penser au lendemain, ces privés préparent leur avenir outre mer à travers des transferts illicites en faisant fondre cette manne. Les millions de fonctionnaires se sont repliés sur eux-mêmes pour faire " tout " afin récupérer la part qui leur revient de la rente. Les jeunes se confondent dans l'informel, seule voie pour un gain facile. L'effort d'aide des pouvoirs publics aux couches défavorisées à travers le processus de subvention va au bénéfice des habitants des frontières avec les pays voisins dans la contrebande opérée par des Algériens eux-mêmes etc. Personne ne produit et tout le monde est content de son sort d'aujourd'hui sans penser aux générations d'après. Dans cet ordre établi, chacun en définitif trouve son compte. Donc il ne peut y avoir de changement tant que la rente est là pour faire fonctionner le système. C'est pour cela que jusqu'à présent et à six mois de l'échéance électorale, il n'y pas eu un engouement populaire pour la`simple raison que personne n'aspire ou œuvre pour le changement. Très peu de personnalités charismatiques a émergé du champ politique avec un programme pour assurer une autre alternative. Les efforts méritoires du Dr. Benbitour n'ont apparemment pas convaincu grand monde et son sociogramme n'est toujours pas bouclé pour des raisons diverses entre autre son appartenance au système pour avoir gérer avec l'équipe au pouvoir tout au début. Said Sâadi a jeté l'éponge, Hamrouche a disparu de la circulation que reste t-il ? Les autres ne feront que perpétuer le système existant. Pendant que les analystes ici et ailleurs se noient dans les scénarios conflictualistes en ennuyant les citoyens avec leurs clans au pouvoir, Bouteflika qui a compris tout cela, prend sa revanche recouvre sa santé tranquillement et s'accommode en agissant à sa guise.
4- Les raisons logiques qui militent en faveur d'un quatrième mandat
Il existe au moins deux bonnes raisons logiques qui pourraient expliquer le revirement de Bouteflika pour rester au pouvoir. La première serait qu'il agisse en homme profondément touché dans son amour propre. La presse, la classe politique dans son ensemble n'ont pas été compatissantes lors de son transfert à Val de Grâce et sa convalescence aux Invalides. Les uns ont brillé par leur silence, les autres ont réclamé carrément l'application des dispositions constitutionnelles, notamment l'article 88 pour constater la vacance du pouvoir. Il refuse selon toute vraisemblance de comprendre la légitimité populaire de s'inquiéter de la conduite des affaires politiques du pays. Il tentera donc de démontrer à ses détracteurs qu'il n'est pas rejeté par la population. Comment ? Ses troupes sont convaincues qu'au stade actuel de la configuration politique nationale, dès l'annonce de sa candidature tous les autres prétendants se retireront pour lui laisser la place pour une victoire très large et certainement automatique.
Pendant que les autres concurrents politiques continuent de rêver des élections propres et transparentes, rien que les traditionnels partis politiques alliés au chef de l'Etat, à leur tête le FLN, le RND et le PT auxquels se joindront le TAJ de Amar Ghoul et le MPA de Amara Benyounès, nouveaux satellites de la galaxie présidentielle lui assureront une victoire semblable à celle de 1999 sinon plus. Il ne faut pas oublier les effets des différents comités de soutien qui se multiplieraient dans l'ensemble des wilayas. Ils auront un appui inconditionnel de l'administration locale pour faire la fête d'une quatrième victoire comme les scrutins antérieures. La deuxième raison pourrait être liée à son inquiétude des conséquences de son départ de la présidence. C'est un homme politique qui a eu par le passé une traversée du désert de prés de 20 ans suivie de démêlés avec la cours des comptes. Il connaît bien le rouage administratif de l'Algérie, ceux qui applaudissent aujourd'hui lui tourneront le dos une fois parti. Ils justifieront leur attitude par le fait qu'ils sont au service d'un Etat et non d'une personne. Donc, il devient vital de se protéger, lui et ses proches contre d'éventuelles poursuites. Comment ? En contrôlant l'échéance 2014 pour s'assurer de la docilité de son successeur ou continuer tant qu'il le pourra de rester là où il est. Il faut rappeler qu`à chaque affaire de corruption qui surgit, un de ses proches se trouve cité pour le moment à tord ou à raison (BRC, Khalifa, autoroute est-ouest, Sonatrach I et II etc.). Il assume une grande responsabilité dans le gâchis de Chakib Khelil pour être averti en temps opportun. On apprend cette semaine que même le mandat d'arrêt qui a été lancé contre lui vient d'être annulé pour vice de procédure. Il a commencé par signer un décret donnant droit à tout ce monde d'un passeport diplomatique pour le prémunir contre ce qu'ils appellent un règlement de compte mais ces derniers temps de nombreuses affaires ont dépassé les frontières algériennes et ces mesures préventives semblent de ne plus suffir. La mise sous contrôle du ministère de l'intérieur, celui de la justice et les services clés de la DRS lui permettront dans le contexte politique actuel de coopter qui il veut pour le succéder, et ce, dans le cas où il se sentirait physiquement incapable. Il pourrait aussi sans trouver aucune résistance sur le terrain d'allonger de deux ans son mandat en cours. En effet, il s'est absenté de la scène politique depuis plus de six mois mais rien ne s'est concrètement passé, même si on évoque des dossiers bloqués, tout fonctionne normalement. Le leader politique, Moussa Touati n'a-t-il pas déclaré il y a de cela quatre mois que l'appareil fonctionnait mieux sans Bouteflika ? Comment une classe politique qui ambitionne un changement peut-elle "gober " un discours de circonstance en rotation de 180 degrés. En effet, le gouvernement remanié dit exactement le contraire de ce qu'il disait il y a moins d'un an et il y arrive à obtenir facilement l'adhésion populaire. Ainsi le secteur de l'habitat qui se débattait pour trouver des assiettes foncières afin de satisfaire les demandes de 2001/2002, prétend aujourd'hui avoir livré 1200 000 logements entre 2004 et 2011 et qu'il est en mesure de répondre favorablement aux 700 000 souscripteurs de l'AADL. Le ministre de l'énergie, le 24 février dernier au forum d'El moudjahid alertait l'opinion publique sur une croissance importante de la consommation interne qui pourrait, si elle persiste sur ce trend de contraindre le pays de basculer d'ici une décennie du state d'exportateur à celui d'importateur net. Son secteur pourrait, selon ses récentes sorties, doubler les réserves des hydrocarbures en une décennie. Début de cet été, face à une légère diminution du prix du baril de notre brut fortement concurrencé sur le marché américain par le pétrole de schiste, le ministre des finances devait briller par son appel à la rigueur pour les équilibres budgétaires. Maintenant, selon lui, même si les prix du baril descendent jusqu'au seuil de 71 dollars, il n'y a aucune crainte pour équilibrer les budgets. L'annonce de la levée de certaines contraintes bureaucratiques est aussi porteuse etc. Ces discours sont très productifs dans notre système social entretenu par la rente pétrolière. Le peu d'Algériens qui ont compris cette situation et pensent agir par leur silence en s'abstenant se leurrent car abstention ou pas, les comptes y seront.
5-Conclusion
Dans le contexte actuel de la composition du champ politique Algérien, il est réellement très peu probable qu'un changement du régime puisse venir par le bas. Celui d'en haut, ne fera que réaménager un changement dans la continuité. La seule solution est et reste la redynamisation du champ politique pour cela il faudrait que les leaders politiques renouent les relations avec sa base pour se doter d'une crédibilité politique.
* Consultant et Economiste Pétrolier


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