Kheira Ouguini, inspectrice au ministère des affaires étrangères, est morte dernièrement à Paris. Elle a été terrassée par une crise cardiaque alors qu'elle quittait l'immeuble où elle logeait chez sa fille. Une fin brutale, que rien ne laissait prévoir. Le choc a dû être d'autant plus terrible pour ses enfants. Orphelins de père depuis quelques années déjà, le garçon et sa sœur avaient reporté tout leur amour filial sur leur mère qui était tout à la fois leur confidente, leur copine, leur ange-gardien, leur soutien moral et matériel. Sans elle, ils n'auraient jamais réussi aussi brillamment dans leurs études. Au moment où j'écris ces lignes, je pense à leur désarroi, à leur immense douleur, à leur sentiment de révolte et d'injustice. Je prie Dieu pour qu'Il les arme de la patience des croyants. Je leur dis avec toute la force de conviction dont je suis capable, que la meilleure façon d'honorer sa mémoire est de réussir dans leur vie professionnelle. Je leur demande de vivre et d'avoir des enfants. Je me souviens d'une discussion dans son bureau au rez-de-chaussée à l'ancien siège du ministère des Affaires Etrangères, situé alors à Mouradia. Une collègue était avec nous. Mes deux interlocutrices étaient d'accord pour considérer qu'il y avait une discrimination de fait à l'égard des femmes exerçant le métier de diplomate. Elles n'en voulaient pour preuve que cette réalité têtue : depuis l'indépendance aucun des postes d'importance prioritaire pour la diplomatie algérienne n'a été dirigé par une femme. Il faut compléter ce constat, avaient-elles ajouté, par celui-ci que les nominations de femmes à des postes de moindre importance ont été décidées au compte-gouttes. Persuadée que les choses n'allaient pas changer de si tôt, la collègue qui était avec nous a préféré renoncer à toute ambition. Logique avec elle-même, elle a accepté un poste de second dans un de nos consulats en France. Elle était pourtant brillante et son professionnalisme avéré avait forcé l'admiration de la haute hiérarchie de la FAO et de celle du FIDA. Confrontée aux mêmes blocages car les choses n'ont guère évolué depuis - Kheïra, qui ne voulait pas finir sa carrière comme éternel second, a préféré tenter sa chance comme fonctionnaire internationale. Fidèle à ses convictions, elle s'est portée candidate à un poste à l'ONU comme experte indépendante pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Elle a été élue avec l'appui de son pays. Elle devait prendre ses nouvelles fonctions le 1er janvier de l'année prochaine. Le destin en a décidé autrement. On a jugé utile de la rendre destinataire d'une lettre à titre posthume : un dithyrambe inattendu qui ne saurait faire oublier que malgré son sens élevé du devoir, son professionnalisme, sa solide culture, son élégance et son aisance en société, elle n'a jamais été promue au rang d'ambassadrice de son pays. Elle a été obligée par pis-aller, de se tourner vers une carrière internationale moins prestigieuse. L'exemple de leur aînée qui n'est hélas pas le seul, est suffisamment édifiant pour inciter nos sœurs diplomates de carrière à continuer à se battre pour une égalité des chances pleine et entière c'est-à-dire fondée exclusivement sur des critères d'ordre professionnel. *Ambassadeur