La situation explosive dans laquelle les villes de Ghardaïa et Berriane sont plongées depuis plus d'une année interpelle plus d'un sur les véritables raisons de cette fronde intercommunautaire. La reprise des affrontements dimanche entre jeunes des communautés ibadites et malékites, doublés par des heurts violents avec les forces de police anti-émeutes, ne peut à fortiori s'expliquer par de simples rivalités culturelles ou ethniques. Les raisons politiques sont peut-être explicatives d'un malaise social qui ne fait que perdurer et, fatalement, bloquant toute normalisation dans la région. L'impasse actuelle dans la gestion des affaires de la cité dans cette wilaya, qui a toujours été en retrait de l'activité politique nationale, bloque tout processus de développement, accentue le chômage et hypothèque l'avenir des populations locales. Malékites et ibadites en sont amenés ainsi à se regarder en chiens de faïence, tant qu'une solution définitive à un conflit dont les causes restent encore un mystère pour plus d'un n'est pas trouvée par les autorités. En fait, le blocage actuel de toute solution durable et permanente à cette 'jacquerie'' à Ghardaïa et ses villes satellites, dont Berriane, ne travaille pas pour la sécurité de la région. Le ralentissement de l'activité économique, dont l'industrie de transformation qui emploie au moins le tiers de la population locale en âge de travailler, est dès lors un des effets pervers de cette tension débordant vers une violence inouïe qui caractérise maintenant depuis presque une année la ville de Ghardaïa. Et, comme pour aggraver la situation, les policiers chargés de gérer le climat conflictuel en permanence qui domine dans la région du M'zab se sont eux également rebellés contre leur tutelle. Dénonçant pêle-mêle leurs conditions de travail, leur «mal-être» dans une région où ils sont déployés depuis 10 mois sans bénéficier de congé, les policiers des URS (unités républicaines de sécurité) ont tout simplement manifesté leur ras-le-bol devant une situation qui ne fait qu'empirer. Le geste inouï de ces policiers, après avoir organisé une manifestation de protestation lundi, suivie d'un rassemblement hier mardi, exprime quelque part le désarroi de ceux-là mêmes chargés de ramener l'ordre et le calme dans une région qui glisse lentement vers un éclatement fatal entre deux communautés qui, décidément et en dépit des interventions des plus hautes autorités de l'Etat, ne peuvent plus se parler. Sinon comment interpréter ce geste de désespoir de jeunes policiers, des Algériens eux aussi avec leurs défauts et leurs qualités, mais des enfants du peuple quand même, qui manifestent contre leurs conditions de travail exécrables ? Or, ces conditions de travail qu'ils ont dénoncées se résument à une présence permanente dans la vallée du M'zab depuis novembre 2013 et des interventions régulières pour ramener le calme à Ghardaïa et Berriane, livrées à des affrontements souvent sanglants entre les deux communautés résidentes. Ce ras-le-bol, cette protesta des policiers, qui sont allés jusqu'à demander le départ de leur 'patron'', un événement historique dans les annales de la police algérienne en tout cas, traduit parfaitement le malaise profond dans lequel toute la région du M'zab est plongée depuis un certain temps. D'autant que jusqu'à présent aucune proposition politique ou autre viable n'a été mise sur la table pour ouvrir la voie vers un règlement définitif de ce conflit communautaire qui est en train de prendre, avec la protesta des policiers de Ghardaïa, y compris leurs «collègues» d'Alger, des proportions alarmantes.