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Gouvernement : Laisser-aller et rumeurs de remaniement
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 05 - 04 - 2015

Les ministres semblent s'être donnés le mot pour ériger le laisser aller comme mode de gouvernance et le gaspillage comme règle de travail.
Le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales n'est donc pas le seul à laisser pourrir les choses. Un citoyen n'a pas pu retirer de l'argent auprès d'une agence postale d'Oran parce qu'il n'y avait pas de chèques de secours (CCP). Le cas n'est pas isolé puisqu'à Alger et d'autres régions, cet imprimé est difficile à trouver dans certaines postes. Ce qui est terrible c'est qu'il est cédé à 20 DA au kiosque le plus proche. « Quand vous allez à l'hôpital, on vous donne bien une ordonnance pour acheter les médicaments », a lancé la chef de service de cette poste auprès de laquelle notre interlocuteur s'était plaint d'avoir acheté son chèque de secours à l'extérieur. « Il faut croire que les responsables de ces postes ont oublié de renouveler leurs stocks », nous dit un chef de service du domaine à Alger. Après avoir vanté les mérites de la 3G pourtant bien dépassée à l'époque, et défendu la 4G pour ses pouvoirs «puissants de connexion », le ministère de Zohra Derdouri ne sait plus comment assurer l'internet aux Algériens. « La connexion joue au yo-yo quotidiennement, ça part et ça vient au gré des vents et des humeurs des agents. Il ne faut surtout pas aller se plaindre, ça ne sert rien, ils se contentent d'encaisser l'argent, c'est tout », précisent des usagers dépités.
A en croire des responsables des Collectivités locales, ce n'est pourtant pas l'argent qui manque pour assurer les besoins des administrations publiques même si le discours politique appelle discrètement à l'austérité. L'on nous rappelle en effet que le ministère de tutelle vient de décider (comme annoncé récemment pompeusement) de doter chaque commune du pays de 150 milliards de dinars «pour qu'elles puissent assurer convenablement le service public aux citoyens». Cette dotation financière est accompagnée de la consigne «obligation de résultats.» Les assemblées communales doivent donc « désormais » rendre compte de leurs actions à l'endroit du citoyen et de la collectivité.
LA GESTION PAR LE POURRISSEMENT
Pour exiger « des résultats » de ses personnels, ce ministère a attendu ainsi que le pays tout entier croule sous les ordures, que les trottoirs et réseaux routiers soient totalement défoncés, les trémies noyées dès les premières pluies, le stationnement de véhicules se faisant quotidiennement dans un désordre hallucinant et autres APC qui débordent de monde, entre autres pour des histoires de noms transcrits incorrectement sur les documents d'état civil.
Pris par les foires ou assises de plusieurs secteurs, conférences et autres cérémonies, le gouvernement ne semble pas se rendre compte du degré des drames qui minent le pays. Les ministres n'ont jamais évalué le gaspillage des moyens humains et matériels que leurs services respectifs jettent dans les éternelles réfections des réseaux routiers, les bennes d'ordures neuves mais complètement démontées, les rues sales, les marchandises du marché informel jonchant toujours les trottoirs, les prix des fruits et légumes qui flambent continuellement sans qu'aucun système de régulation ne fasse ses effets, les hôpitaux négligents et indifférents à la douleur humaine et où l'acte médical est devenu une faveur. Les exemples en sont légion. Une garde malade, qui s'est plaint de la présence d'un chat (cause d'allergies) dans un service médical dans un hôpital de l'ouest de la capitale, a été rabrouée par l'infirmier de garde d'une manière indécente. « C'est vous qui êtes en plus dans ce service, ce n'est pas le chat », lui a-t-il répondu sur un ton coléreux. Dans un autre hôpital où les urgences grouillent tous les soirs de monde, les médecins de garde consultent les patients à pied levé. « C'est juste un muscle qui s'est froissé », dit l'un d'eux à la famille d'une personne âgée dont la fracture du col du fémur était criante. L'on défie le ministre de la Santé de deviner qui fait quoi dans un service hospitalier à force de voir le personnel défiler sans aucun nom inscrit sur leur blouse. «C'est fait exprès pour ne pas être reconnu par les patients ou leurs familles, ils ont moins de problèmes en passant incognito dans les couloirs », nous explique un professeur chef de service qui sait de quoi il parle. A l'université de Bab Ezzouar, un enseignant a prévenu ses étudiants d'avoir un zéro s'ils ne font pas leur stage sur le terrain. « En quoi ça vous dérange d'avoir un zéro ? », leur a-t-il lancé quand ils ont rouspété et lui ont rappelé qu'il est le premier et seul organisateur du stage en question mais ne l'a pas fait.
LES MINISTRES EN ATTENTE D'UN CHANGEMENT
En ces temps encore froids, le sable des plages est jonché d'ordures ramenées par la force des vagues. L'exemple le plus frappant est celui de Club des Pins où pourtant loge la nomenklatura. Aucun ministre n'est gêné par ce paysage désolant pour exiger des responsables de ce qui est appelée « zone d'Etat » de faire nettoyer ces espaces. C'est à croire que la protection de l'environnement se résume à la gestion «moderne» des décharges. C'est à se demander alors à quoi sert et à quoi peut penser un gouvernement quand il ne sait pas régler des problèmes qui ne nécessitent même pas de l'intelligence mais seulement du bon sens.
A moins qu'ils attentent tous ce remaniement qui ne vient pas. La rumeur se fait aujourd'hui persistante sur qui va remplacer Sellal. L'on dit que le 1er ministre se sent las. Il aurait même demandé à partir parce que, selon des sources à la présidence de la République, il dit qu'il est fatigué. Sellal aurait demandé « à prendre du recul » et à partir comme ambassadeur. « Son remplaçant serait soit Ali Haddad, soit Abdesselem Bouchouareb, comme cela se dit un peu partout », rappelle un haut fonctionnaire. Il est vrai que le ministre de l'Industrie et des Mines s'agite un peu plus que tous ses autres collègues. Bien que l'on pense qu' «il lui a été demandé d'être partout, d'occuper la scène et pourquoi pas les esprits pour pouvoir avancer, il est certain que Bouchouareb prend sa revanche sur l'histoire dont des relents l'ont obligé à une traversée du désert un peu trop longue pour aussi ambitieux qu'il est. Le poste de chef de cabinet qu'il a occupé depuis longtemps auprès d'Ouyahia, alors SG du RND, n'était pour lui qu'un tremplin pour atteindre les cimes du pouvoir. Au fait, Ahmed Ouyahia attend toujours, selon nos sources, de prendre la place de Sellal et plus « si acceptation du clan présidentiel qui veut garder le pouvoir sans se mettre en avant », précise-t-on.
UN EPIPHENOMENE POLITICO-ECONOMIQUE
Dès sa nomination comme ministre, Bouchouareb a réussi à intégrer les Mines dans son portefeuille sans trop de difficulté. Ce qui lui vaut un bon point pour sa percée. Quand à Haddad, désigné aux commandes du FCE alors que personne ne s'y attendait, il représente depuis l'Etat à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Il reçoit des ministres, des ambassadeurs, des hauts responsables, intervient «sans converser » dans les grandes affaires et fait beaucoup partout parler de lui. C'est un véritable épiphénomène politico-économique. « On l'initie à la fonction de haut responsable de l'Etat ; il est en train d'apprendre comment recevoir, parler et convaincre de hautes autorités nationales et internationales », nous dit un haut responsable avec un sourire en coin. Haddad manque de tout sauf d'argent puisqu'il a toujours été « le trésorier et garant » de l'entreprise familiale que gère son frère et qui bénéficie de très gros marchés. « C'est lui qui choisit les appels d'offres, signe les contrats et compte l'argent », nous disent des proches à lui. Depuis qu'il est président du FCE, il a déjà à son actif de grosses réalisations « sans compter la nomination de 7 ministres », ajoutent nos sources. Ceux qui le connaissent nous font savoir que pour être élu à ce poste sans « polémique », il a fallu convaincre Issad Rabrab de ne pas se présenter comme concurrent. En contrepartie, Haddad a, selon nos sources, bien défendu le groupe Cevital auprès des plus hautes autorités du pays. Au passage, il est noté que Rabrab avait cédé à l'Etat ses parts dans Djezzy (3,49%) pour quelque 170 millions de dollars mais que la loi sur la monnaie et le crédit interdit de transférer à l'extérieur. Le gouvernement a vite compris qu'il fallait ouvrir les voies de l'investissement algérien à l'étranger. Un vœu de grosses fortunes que la Banque d'Algérie a exaucé en signant la fameuse instruction qui autorise les hommes d'affaires algériens à investir à l'étranger. La boucle n'est pas encore bouclée puisque Haddad continue de signer de grands partenariats avec des pays puissants. Le dernier en date, celui qu'il a paraphé en Californie, avec le plus grand producteur d'équipements médicaux alors qu'il est patron d'une entreprise de travaux publics. C'était lorsque le ministre de l'Industrie et des Mines avait fait sa tournée aux Etats-Unis. Là aussi l'histoire impose ses droits. L'on nous rappelle que Haddad a beaucoup été aidé par l'actuel ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf, alors wali à Tizi Ouzou. Le raccourci est vite pris « et se passe même de commentaire », ajoutent nos sources.
UNE NOUVELLE OPPOSITION HORS POUVOIR EN GESTATION ?
Rien ne dit que les sorts des uns et des autres sont scellés. Beaucoup de walis s'impatientent de voir le gouvernement changer parce qu'eux-mêmes attendent de l'être. D'autant qu'il y a des wilayas qui n'ont pas de wali et des circonscriptions administratives qui n'ont pas de wali délégué depuis de longs mois sans que cela ne dérange le ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. L'ère est aujourd'hui consacrée aux reports des grands procès. Certains sont cités avec fracas, d'autres sont mis dans les tiroirs. Le scandale de la CNMA (Caisse nationale de la mutuelle agricole) quand Said Barkat était ministre de l'Agriculture, tente peut-être de se faire oublier. Le nom de l'actuel secrétaire général du FLN y a été cité avec insistance. « C'est un cas qui pose de sérieux problèmes aux décideurs », nous susurre un haut responsable de la présidence de la République. C'est dur pour un pouvoir de créer des pantins et autres bouffons ou opposition pour exécuter les sales besognes et occuper les foules mais qui lui échappent des mains pour se placer comme ses véritables vis-à-vis et interlocuteurs « à part entière ». L'on peut se demander quand même que reste-t-il d'un pouvoir dont le cabinet noir a disparu « naturellement » et les services secrets ont été démystifiés. Ceci pour ne pas se contenter de trop mettre en avant cette « guerre des chapelles » alors que celles les plus secrètes ont disparu depuis quelques années. Au passage, on rappelle « cette union scellée depuis longtemps entre le patron du DRS et la présidence de la République pour des besoins de sauvegarde d'intérêts colossaux notamment de préservation de pouvoirs. On préfère cependant évoquer en parallèle une opposition tout à fait nouvelle, constituée de personnes qui n'ont jamais exercé de pouvoir quelconque dont l'objectif est de contrer « le clan de l'ouest» accusé de tous les maux du siècle. La bataille doit être ouverte mais sournoise.


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