Le ministère de l'Intérieur, par la voix de son directeur général des Collectivités locales (MICL), Azzedine Belkacem Nacer, a annoncé, hier à Oran, « l'interdiction de la concession des plages dès la prochaine saison estivale 2015 ». A la tête d'une délégation du département ministériel de Tayeb Belaïz, qui vient d'entamer une mission à travers les 14 wilayas côtières du pays, avec comme mot d'ordre de diffuser le message officiel d'abrogation de la mise en concession des plages, le cadre central du MICL, Azzedine Belkacem Nacer, a motivé en substance cette décision par la nécessité impérieuse et urgente de mettre un terme à une situation de « non-droit » sur nos plages, laquelle prend très souvent des apparences d'anarchie et de délinquance, aux mépris de la liberté, de la sérénité et de la convivialité des citoyens sur ces lieux. Néanmoins, l'émissaire de Tayeb Belaïz, tout comme les directeurs centraux qui l'accompagnaient, a beau tenter de laisser entendre qu'il n'y avait aucun «antagonisme » entre l'Intérieur et le Tourisme sur le dossier lié à la concession des plages et qu'il y avait -selon lui- une « parfaite entente» là-dessus entre les deux ministères, tout laisse à croire que les positions de ces deux départements sont, bien au contraire, diamétralement opposées. Pour s'en convaincre, il suffit de revenir aux déclarations de la ministre du Tourisme et de l'Artisanat, Nouria Yamina Zerhouni, lors de sa dernière visite à Oran. « La concession des plages au profit des privés sera maintenue », avait-elle affirmé, tout en soulignant que « cette mesure est stipulée par la loi ». « Les dépassements dans l'exploitation de ces espaces sont dus à l'absence de contrôle des collectivités locales », avait-elle justifié. Pour les responsables centraux du MICL, qui ont succédé hier au pupitre de la salle hémicycle de la wilaya, la « genèse » -pour ainsi dire- de cette décision d'interdiction du mode de mise en adjudication des plages au profit des concessionnaires remonte au 2 décembre 2014, avec la réunion tenue à Alger, axée sur un état des lieux et un diagnostic de la problématique. « Quelles sont les difficultés et les failles rencontrées sur place et comment y remédier ? », c'était la question centrale de cette rencontre nationale, qui a été l'amorce d'une série d'assises et de conclaves régionales plurisectorielles, selon M. Azzedine Belkacem. Celui-ci va au fond des pensées de son département : plus qu'une question d'organisation de cet espace de baignade, c'est l'autorité de l'Etat sur ce domaine public qui est en jeu. « Il est temps de réhabiliter l'autorité de l'Etat dans cet endroit », a lâché le DG des collectivités locales, entre deux répliques à des questions émises dans l'assistance lors du débat. Plus terre-à-terre, son collègue du même ministère, chargé de la direction territoriale et urbaine, Haider Khaldi, a reconnu que la plage algérienne est devenue au fil du temps « un espace de non-droit squatté par des gens hors la loi ». Et de citer, en guise de parabole, la fameuse phrase de Winston Churchill qui, après qu'on lui eut annoncé le bilan du bombardement massif de Londres par les forces allemandes, a demandé si le siège du ministère de la Justice était toujours en place. La réponse était par l'affirmatif, de quoi provoquer cette riposte de Churchill : « Alors, l'Angleterre est sauvé ». « L'application de la loi, partout et de tout temps, sur le territoire, ce n'est pas une question à géométrie variable. Alors, soit on applique la loi sur nos plages, soit on ne l'applique pas. Interdire pour les citoyens l'accès libre à cet espace public, c'est anticonstitutionnel, tout comme l'est le fait de lui imposer un service payant ( ) Malheureusement, nous avons réuni toutes les conditions pour que les Algériens partent ailleurs en été. En Tunisie, le plus souvent. Bref, en l'état actuel, nos citoyens sont chassés de leurs plages », a regretté Haider Khaldi, provoquant de forts applaudissements dans la salle. A l'évidence, l'Intérieur a déjà pensé au coût, en termes de dispositif sécuritaire répressif à mettre en place, que va générer l'interdiction des parasols payants. D'où, d'ailleurs, la présence à la réunion de hauts responsables des corps de sécurités nationale, la DGSN et la Gendarmerie nationale, mais également la Protection civile en appoint. Cependant, de nombreux intervenants parmi la société civile et les assemblées locales ont émis des appréhensions de ce côté-là. Le wali d'Oran a voulu rassurer les uns et les autres en déclarant que les dispositifs sécuritaires habituels seront actualisés pour répondre aux nouvelles donnes. Et pour compenser les recettes municipales au titre des concessions des plages et des parkings annexes, l'Etat a décidé de venir en aide aux communes côtières, par le canal du fonds FCCL. Celui-ci a été « réactualisé » en lui insérant une nouvelle rubrique « préparation de la saison estivale », de sorte que les APC des villes côtières peuvent bénéficier de programmes PCD dans le cadre de la saison estivale. Chose qui n'était pas possible jusque-là. « Les concessions des plages seront interdites pour cette saison estivale 2015. C'est une année de changement. Une année-test. Les walis seront instruits, sous peu, afin d'appliquer la nouvelle loi d'interdiction » a réaffirmé, pour sa part, Azzedine Belkacem Nacer. Le Directeur central des finances près le même ministère a, quant à lui, précisé qu'un montant de l'ordre de 400 milliards de centimes d'aide sera débloqué au profit des communes côtières pour la prise en charge des plages de 14 wilayas côtières, notamment en ce qui concerne les matériels d'hygiène. De tout temps, l'accès gratuit aux plages pour l'ensemble des citoyens a toujours constitué l'essence du discours officiel à l'approche de chaque saison estivale. Des ministres et des élus locaux se lancent chaque année dans une offensive médiatique pour mettre l'accent sur cette notion de gratuité. Toutefois, la réalité est tout autre, puisque des jeunes, appelés communément « plagistes », imposent leur loi sur ces espaces de détente et de loisirs. Et ce n'est pas durant cet été que l'on s'en « séparera». Le citoyen lambda devrait, selon toutes vraisemblances, encore cette année mettre la main à la poche et s'acquitter de « lourdes » factures juste pour avoir une place sous le soleil au bord de la grande bleue.