Le change parallèle des devises enregistre ces derniers jours une hausse fulgurante, jamais égalée par le passé. Sur la place du 1er Novembre, en plein centre-ville de Constantine (face à la grande poste), les cambistes annoncent la couleur, 1 euro s'échange à la vente contre 160,50 dinars (158 dinars à l'achat). La barre des 160 dinars contre 1 euro a été franchi depuis une semaine, nous dira un cambiste qui se montre plus discret que de coutume dans ses relations avec la clientèle, vu « les descentes régulières de policiers qui opèrent des saisies » au niveau de cette place forte du marché noir de la devise, chuchote-t-il. « L'euro a gagné au change ces quatre derniers jours un glissement vers le haut équivalent à 2,5 dinars », affirme notre interlocuteur. Ce qui revient à dire 250 dinars de plus pour les 100 euros vendus, parce qu'en réalité c'est le niveau minima dans les opérations de change, et le gain est de plus en plus fort selon le nombre de billets échangés. Officiellement, l'euro est côté à la vente sur le marché interbancaire des changes à 111,52 dinars (111,47 dinars à l'achat). Le dollar américain (USD), aussi, opère une montée en puissance. Sur le marché noir, un US dollar est échangé contre 145 dinars à la vente (141 dinars à l'achat). « Le dollar américain talonne l'euro, et à ce rythme de la course, il finira bien par le rattraper », ironise notre cambiste. Celui-ci constate, d'ailleurs, que la monnaie étrangère enregistre en règle générale une flambée sans pareille par rapport à la monnaie locale. 100 dinars tunisiens sont échangés contre 7500 dinars algériens, alors que le rial saoudien atteint un sommet très haut, s'échangeant contre 33 dinars algériens (1000 rials contre 33000 dinars). Pourquoi cette flambée ? Des cambistes évoquent la faiblesse du dinar, dont « la valeur est dépréciée par l'état, lui-même, avant qu'il ne soit soumis à la règle de l'offre et la demande », selon l'appréciation de ces spécialistes du change parallèle de la monnaie forte. « Il y aussi une forte demande sur la devise ces derniers temps, à cause des départs en vacances à l'étranger, et l'approche de la saison du hadj, deux facteurs qui ont contribué à cette flambée des devises », estime un cambiste. Un autre parlera d'une très faible circulation des devises sur le marché noir local, due essentiellement aux contrôles sévères opérés par les services de sécurité dans les places réputées pour ce genres de transactions, et cela a fatalement accentué la pression sur la demande et provoqué inévitablement une envolée de l'euro. « Avec la crise économique et le chômage, nos émigrés qui renflouaient un tant soit peu le marché parallèle ne ramènent aujourd'hui presque rien dans leurs bagages, rien que de maigres économies, tout juste ce qu'il faut pour passer les vacances au bled », considère dans ce développement d'idées un autre cambiste. Enfin, dans le fond, il est question d'une économie nationale de faible niveau et qui ne peut dans cet environnement donner un quelconque raffermissement à sa monnaie.