Il y a trois ans, sous la coupole de l'hémicycle, l'ex-wali d'Oran, Abdelmalek Boudiaf, plaçait ce commentaire entre deux séquences vidéo sur le projet de la gare multimodale d'Oran : « Il faut bien plaider le dossier à Alger. Parler de pôle au lieu et place de gare ( ) La finance suit le travail. Mais ce qui est disponible aujourd'hui pourrait ne pas l'être demain ». Ce serait tiré par les cheveux si l'on disait que le précédent chef de l'exécutif local avait anticipé l'actuelle conjoncture économique, tant aucun indice précurseur n'augurait alors de cette baisse spectaculaire du prix de l'or noir sous la barre symbolique des 50 dollars le baril. Néanmoins, son raisonnement était réaliste : Le confort financier du pays, basé à 98% sur les recettes d'hydrocarbures, peut être fragilisé du jour au lendemain, entraînant de facto des mesures de rationalisation des dépenses, en terme d'équipements publics compris. C'en est le cas, on le sait, en cette période de vaches maigres, conséquente à l'effondrement des cours du pétrole sur le marché mondial, où des mesures d'austérité budgétaire sont déjà de mise, dont l'instruction gouvernementale portant « gel des opérations d'équipements publics non lancés ». Ainsi, de tous les projets qui font les frais de cette injonction notifiée par le biais de la direction générale du budget au ministère des Finances aux directions régionales du budget et aux contrôleurs financiers des collectivités locales, celui de la gare multimodale d'Oran (et par un effet d'entraînement ceux des deux gares annexes de Belgaïd et de Benarba) est de loin le plus important. Il est surtout victime de son coût : 800 milliards de centimes, selon le devis du BET algéro-espagnol Betur-Sener-Serom qui en a réalisé l'étude. Non couvert financièrement puisque non inscrit, ce projet restera figé dans son état maquette. « L'instruction ordonne clairement aux responsables locaux et régionaux des budgets de suspendre tous les projets d'équipement qui ne sont pas encore lancés. Si on sait que même les projets déjà inscrits, couverts financièrement donc, mais dont les chantiers, non lancés, sont concernés par ce gel, il est dès lors évident que le dossier de la gare multimodale d'Oran, proposé en inscription à deux reprises depuis 2013, restera dans les tiroirs aussi longtemps que l'austérité budgétaire persiste », confie une source fiable. « La précision portée en bas de la note (de la direction du budget du ministère des Finances) qui indique : sauf autorisation expresse du Premier ministre ( ) qui dans tous les cas reste subordonnée aux priorités annoncées par le gouvernement ainsi qu'à la maturation totale des projets' ne change rien à la donne et ne sauve' pas le projet de la gare multimodale », ajoute la même source. Sellal avait donne son « ok » en avril 2013 Ce dossier, l'un des 31 axes du plan de modernisation du grand Oran à l'horizon 2030 conçu par l'ex-wali Abdelmalek Boudiaf, est pratiquement le seul projet structurant ayant franchi avec succès toutes les étapes préliminaires à l'inscription des marchés publics mais qui n'a pas été validé par les instances financières centrales. Pourtant, les pouvoirs publics locaux auront visiblement tout tenté pour faire aboutir cette opération, qu'ils ont classée comme « priorité des priorités » au titre des propositions budgétaires 2014 et 2015 d'équipements publics. Proposé en inscription au titre du LFC 2013, ce projet n'a pas eu l'aval. La wilaya est revenue à la charge deux fois de suite, mais sans réussite. Pourtant la démarche de la wilaya n'était point « naïve » -c'est-à-dire se contenter de porter le projet à la tête du canevas des propositions budgétaires transmis au siège Ahmed Francis Ben Aknoun- puisque d'autres pistes en appoint ont été tentées, dont notamment une plaidoirie en bonne et due forme sur la pertinence et l'utilité de cette infrastructure par devant le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, au détour de sa visite à Oran, le 11 avril 2013. Convaincu, Sellal avait d'ailleurs donné séance tenante son OK pour ce projet structurant. L'argument le plus simple, mais le plus persuasif en même temps, mis en avant pour revendiquer ce projet, s'appuyait en fait sur l'aberrance et le paradoxe de la situation actuelle : d'une part, la mise en place et le développement de réseaux et de modes de transport modernes à Oran (tramway, métro, nouvelle aérogare, téléphérique, plan de circulation de l'agglomération d'Oran, nouveaux périphériques et pénétrantes autoroutières) - en particulier - et la métropolisation interne et externe de cette ville - en général - et de l'autre part, l'inexistence d'une gare multimodale, c'est-à-dire un pôle d'échange de différents modes de transport. A défaut donc, Oran renvoie cette image extrêmement contrastée : la mise à jour des moyens de transports et l'impact urbain qu'elle entraîne avec des gares (routières, ferroviaires, maritimes) caduques et complètement inappropriées. D'un coût estimatif de 8 milliards de dinars, ce projet, dont l'étude a été ficelée depuis bien longtemps par le groupement de bureaux d'études algéro-espagnol « Betur-Sener-Serom » est donc resté un vœu pieux, faute d'argent. Conçue pour une capacité d'accueil de 100 millions de passagers/an (voici à titre indicatif ce double comparatif, la gare multimodale de Victoria Station à Londres : un flux de 150 millions de passagers/an, celle de la gare centrale à Paris: 190 millions de passagers/an), la gare multimodale d'Oran devait être implantée à Sidi Mâarouf, à proximité de la station terminale du tramway, sur six hectares. Son idée-force est l'intégration des divers modes de transport, à savoir le métro, le tramway, les taxis urbains et interurbains et tous les transports en commun, en plus du futur métro d'Oran qui y débouchera, et ce de manière à fluidifier et faciliter le flux des voyageurs. Le projet prévoyait, entres autres infrastructures, un grand bâtiment de deux niveaux, sous-sol et quatre étages, un parking à deux niveaux de 230 véhicules chacun, extensible à 660 véhicules, des restaurants, des cafétérias, des espaces verts et de détente et un ensemble de commodités nécessaires au confort des usagers. Les prévisions relatives à la fréquentation des voyageurs font état de 260 000 voyageurs dont 70 000 pris en charge par le tramway d'Oran. Il a été également intégré à ce pôle d'échange l'aéroport international d'Es-Sénia-Oran « Ahmed Benbella ».