Fragilisé par la crise économico-financière ayant mis à nu l'incurie de sa gouvernance et déstabilisé par les révélations qui s'accumulent dévoilant que certains de ses membres les plus en vue sont éclaboussés par des affaires de corruption et de blanchiment d'argent, le pouvoir a perdu de sa sérénité et adopte une posture de fermeté menaçante à l'égard de tous les milieux qui le contestent. Cela ressort des discours musclés de ses principaux porte-voix intimant à ces milieux d'arrêter leurs attaques qu'ils considèrent infondées dans ce qu'elles dénoncent et donnant lieu à la diffamation et à l'atteinte à la dignité des personnes, et à les mettre en garde que le pouvoir ne tolèrera plus les «dépassements». Le premier à avoir durci le ton contre eux a été Amar Saadani qui les a accusés de tramer un « complot » visant à les mettre en situation de dicter qui va être président en 2019. Abdelmalek Sellal lui a emboîté le pas mais en ciblant plus particulièrement le milieu des médias en imputant à certaines entités audiovisuelles de verser « dans la publicité mensongère, la violation de la vie privée, la désinformation et plus grave encore d'attaques contre la cohésion de la société algérienne avec des appels à la haine, au régionalisme et à la fitna ». Mais ce qui confirme sans conteste que le pouvoir a opté pour l'intimidation de ses détracteurs est le message délivré par le chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée Gaïd Salah, faisant savoir qu'il y a « des lignes rouges aux couleurs du sang de nos chouhada que personne ne peut franchir ». A première vue, ce sibyllin propos du patron de l'armée semble avoir été adressé à des ennemis extérieurs de l'Algérie et l'on pense expressément au Maroc en raison du lieu et de la circonstance choisis par lui pour le tenir. Mais sachant que les tenants du pouvoir voient dans les milieux qui le contestent dans le pays des relais et exécutants d'agendas anti-algériens étrangers, le message de Gaïd Salah peut s'interpréter comme s'adressant à eux aussi. Si l'on considère comme avéré qu'il y aurait connivence de but et d'intérêt entre le chef de l'état-major de l'ANP et le patron du FLN Amar Saadani, l'on ne peut que déduire que leurs déclarations se sont complétées. Saadani s'étant chargé de s'en prendre, et en les ciblant sans détour, aux « ennemis » intérieurs qui s'attaquent au pouvoir et qui selon lui sont : l'opposition reniant la légitimité de ce pouvoir, les nostalgiques de l'Etat DRS rêvant de retrouver la puissance source d'influence déterminante qu'ils ont possédée en son temps et les médias qui amplifient l'impact de leur agitation anti-pouvoir. Gaïd Salah lui a laissé comprendre que les lignes rouges qu'il a évoquées dans sa déclaration concernent tous les « ennemis » de l'Algérie extérieurs ou intérieurs. Ce qui peut paraître comme une démonstration de force de la part du pouvoir destinée à intimider ses opposants est en fait significatif du désarroi dans lequel il est sous les effets d'une crise financière dont il ne parvient pas à atténuer les conséquences et qui fait se profiler l'explosion sociale et d'une contestation politique et morale qui trouve écho dans la population. La tentation de mettre un terme au bouillonnement anti-pouvoir en refermant tous les espaces d'expression semble partagée par toutes les composantes de ce pouvoir comme le démontrent leurs discours concordants en la matière.