Alors que l'Armée était touchée moralement par les attaques traîtresses de Saâdani, de ses sponsors et de ses relais, il aura fallu que l'ANP soit touchée dans sa chair, après le crash d'Oum El-Bouaghi, pour entendre le chef suprême des armées s'exprimer. Après des semaines de silence assourdissant, le président Bouteflika a mis fin à une des plus graves crises politiques qui agite les institutions militaires. Dans une lettre de condoléances adressée au vice-ministre de la Défense nationale et chef d'état-major de l'ANP, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah, le ministre de la Défense a déclaré : "Nous sommes certes habitués à des dépassements émanant de certains milieux à l'approche de chaque échéance mais, cette fois-ci, l'acharnement a pris une ampleur telle que notre pays n'a jamais connue depuis l'Indépendance, allant jusqu'à tenter de porter atteinte à l'unité de l'Armée nationale populaire ainsi qu'à la stabilité du pays et à son image dans le concert des nations." Et de poursuivre avec solennité : "Nul n'est en droit, quelles que soient ses responsabilités, de s'en prendre à l'Armée nationale populaire ni aux autres institutions constitutionnelles du pays." Que retenir de ce message qui est forcément tardif et qui résonne comme un aveu que les choses sont parties beaucoup trop loin au point de menacer "la stabilité" du pays ? D'abord, le recadrage. Bouteflika vient de signer l'acte de décès politique d'Amar Saâdani, le SG du FLN encore pour quelques jours, et qui a joué le rôle de détonateur, si ce n'est de pyromane. Le président de la République associe Saâdani à "certains milieux" qui sont toujours hostiles à l'Algérie, qui ont la particularité de s'agiter avant les échéances électorales. En d'autres temps, on aurait pensé que ce type de messages s'adresse aux mouvements de l'opposition ou aux islamistes, toujours partants pour faire échouer des élections, mais le fait de mettre Saâdani et son groupe dans cette catégorie de subversifs à la nation les condamne définitivement au purgatoire. Amar Saâdani, dont les propos contre le DRS et son chef, le général de corps d'armée, Mohamed Liamine Mediene, ont été d'une violence qui a fait passer ceux de Samaroui, Souadia, Dhina et tous les ennemis déclarés de l'Armée pour des enfants de chœur. Ensuite, l'étonnement. En indiquant que "cette fois-ci, l'acharnement a pris une ampleur telle que notre pays n'a jamais connue depuis l'Indépendance", Bouteflika accrédite l'idée qu'il vient de réaliser que la crise institutionnelle était aux portes du pouvoir, si ce n'est à l'intérieur. Lui, l'ancien moudjahid, qui en a vu d'autres comme on dit en 60 ans de carrière politique, se devait d'agir. La phrase prémonitoire de Louisa Hanoune qui s'interrogeait récemment : "Est-ce que le président Bouteflika sait ce qui se passe ?" prend de la valeur et du crédit. On serait tenté de faire le faux procès au Président d'avoir laissé faire les choses afin d'arriver à une forme de décantation dans les équilibres politiques, mais la fermeté des propos d'hier indiquent qu'il vient juste de prendre la mesure de la situation gravissime qui persistait. Enfin. Le rempart. Bouteflika vient de réagir comme le garant. Lui qui s'est toujours refusé d'être à la traîne des événements et qui regarde avec mépris les polémiques politiciennes a finalement compris que ces attaques contre l'Armée et le DRS, par les milieux subversifs, commencent à faire des dégâts considérables à l'étranger. Les partenaires de l'Algérie, souvent habitués aux montées de fièvre à l'algérienne, mais qui ne doutaient pas de la solidité du "système" dans sa composante militaire, sont abasourdis par l'intensité de la crise et forcément...par le silence du président Bouteflika. L'Algérie commençait à donner des signes d'un "bateau ivre", sans personne aux commandes, malgré les discours lénifiants sur la stabilité qui sonnaient creux alors que Saâdani marchait avec un bidon de kérosène. Et comme la gestion catastrophique de cette crise politique, médiatique et institutionnelle ne suffisait pas, le président Bouteflika laisse les observateurs perplexes. Dans le style, il a glissé le désaveu à ses partisans autoproclamés les plus zélés dans un message de condoléances. Bouteflika a parlé, c'est bien. Maintenant, il faut qu'il agisse pour transformer ses paroles en actes contre ceux qui veulent porter atteinte à la nation. M. B. Nom Adresse email