Quand le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune parle de paradis et d'enfer pour illustrer le vécu des Algériens et de l'Algérie. «L'Algérie n'est pas un paradis, mais elle n'est pas un enfer aussi» aurait déclaré le Premier ministre Abdelmadjid Tebboune lors de la présentation du programme gouvernemental devant l'Assemblée nationale. On sait qu'entre l'enfer et le paradis il y a le «purgatoire» pour rester dans le vocabulaire eschatologique en ces temps de bigoterie envahissante jusque dans le discours politique. Mais la métaphore usitée par le Premier ministre exprime bien une technique largement employée par tout pouvoir politique quel qu'il soit: la promesse. Surtout en période électorale. Et quelle autre promesse ne tient-elle pas par dessus tous les humains que celle de leur destinée post-mortem ? Finir au paradis ou en enfer, c'est selon votre parcours de vie ici bas. Justement ce «parcours ici bas» avant d'accéder au paradis ou en enfer semble être le purgatoire, cet espace entre les deux où chacun paye ses dettes, méfaits et autres péchés grands ou petits. Nous y sommes en plein selon le Premier ministre: ni le paradis, ni l'enfer, plutôt le purgatoire. Le peuple devra donc payer sa dette et se repentir pour mériter l'Espérance. Du coup, il va falloir évaluer cette dette que porte le peuple comme le sous-entend le Premier ministre: peu de production et de productivité, dépréciation catastrophique du niveau de l'éducation nationale, abstention aux votes, justice bancale, violence en tous genres et n'oublions pas le gros, très gros péché que celui de la corruption, etc. Cela donne le ton qui rythmera l'action du nouveau gouvernement de concert avec la nouvelle Assemblée nationale: payer, purger nos fautes et inconsciences avant de rêver au paradis. Dans le cas où le pays ne se secoue pas, retrousse ses manches, assume des sacrifices et peine dans le labeur, ce sera l'enfer. La seule inconnue est: comment faire et quelle stratégie utiliser pour quitter le purgatoire d'aujourd'hui, éviter l'enfer et accéder au paradis ? Parce que les discours sont généralement faits de belles promesses et le peuple en est témoins depuis des lustres, ils ne suffiront pas à le motiver. Il faudra des actes forts comme par exemple juger enfin les nombreuses affaires de corruption, d'évasion fiscale et abus de biens sociaux en suspens devant les juridictions du pays depuis quelques années quand même. Ou encore stopper la déferlante de toute cette économie informelle qui brasse une hallucinante masse monétaire échappant à tout contrôle. Mais sur ce dernier point, le même Premier ministre a reconnu que «dans la situation actuelle, l'Etat n'a pas les moyens de mettre un terme au marché informel». Y compris celui des changes de devises comme ceux du square Port Saïd à Alger où les cambistes campent devant les banques pour assurer le service d'achat et vente des plus fortes monnaies-devises: euro, dollar, yen, livre sterling, etc. Comprenons que nous ne sortirons pas de sitôt du purgatoire dans lequel nous sommes pour l'instant avant d'avoir payé chèrement nos fautes. Cependant, et pour rester toujours dans la terminologie de piété du gouvernement, le «pardon» des péchés est aussi une promesse apaisante pour les âmes tourmentées en ce bas monde et le Premier ministre en a fait allusion: effacer les dettes des bénéficiaires des prêts ANSEJ qui ont raté leurs projets et fait faillite. Tout n'est donc pas si désespéré qu'on puisse le croire. Même les jeunes lycéens qui ont raté leur baccalauréat pour cause de retard aux examens ont bénéficié de ce «pardon» qui permet la résurrection des âmes au paradis. Et les autres, ceux qui sont convaincus de fuites de capitaux, d'abus de biens sociaux, de biens mal acquis à l'étranger... semblent aussi bénéficier de la clémence de notre gouvernement. Au final, oui monsieur Tebboune, l'Algérie n'est pas un enfer pour tous ces fautifs et coupables de péchés qui nuisent à la santé du pays. Oui, elle n'est pas non plus un paradis pour ces millions de chômeurs, petits pensionnés, sans-abris et autres laissés-pour-compte. Cela dépend où l'on se situe sur cette terre d'Algérie ici, aujourd'hui et maintenant. Quant aux promesses du paradis et de l'enfer, laissons-les à son «Auteur» qui, selon toutes les croyances et religions, est le seul à en décider.