Le gouvernement, en décidant de renforcer ses mesures protectionnistes, devra tenir compte de la réaction de ses partenaires commerciaux, européens en tête de liste. Déjà critiqué par Bruxelles après l'instauration du régime des licences parce que impactant négativement des secteurs d'activité indispensables pour la survie économique de leurs régions. Les exemples de la céramique de la Castellon ou la pomme des Alpes sont une illustration de ce manque à gagner de l'UE interdite d'exportation d'articles produits qui plus est en Algérie. Le ministre du Commerce n'est pas allé par quatre chemins pour annoncer la suspension d'importation de nombre de marchandises au titre de «la protection de la production nationale», indiquant étonnamment qu'une vingtaine de produits seulement représentent 50% des importations algériennes depuis 10 ans. Si le monopole d'Etat sur le commerce extérieur a pris fin, on est en présence d'un véritable monopole de fait exercé par une poignée d'opérateurs économiques, à en croire les chiffres de Benmeradi, même si les registres de commerce sont aussi nombreux que diversifiés. La suspension des importations repose pourtant sur une enquête prouvant la disponibilité de l'opérateur, touché par une concurrence étrangère, à assurer une couverture nationale. Une précaution-alibi à présenter en cas de demandes pressantes de l'espace Schengen qui ne sera certainement pas emballé par ce double tour de vis algérien aux importations. L'impact sera encore plus grand avec l'affirmation du ministre sur la non-disponibilité des licences d'importation pour les véhicules en 2017. L'Algérie cherche à réduire sa facture en devises et l'Europe à vendre ses produits. Si en 2016, le gouvernement Sellal a été interpellé sur cette question, il aura fallu les explications de Tebboune, alors ministre du Commerce par intérim, pour calmer les craintes européennes. Qu'en sera-t-il cette fois ? Benmeradi rappelle, à qui veut l'entendre, que le protectionnisme commercial n'est pas une invention algérienne et que beaucoup de pays ont levé ces boucliers depuis la crise économique de 2008. Pourtant, au G20 de Hambourg, il a été question de ce sujet hautement polémique. En effet, si depuis l'avènement Trump et son «Amérique d'abord», un compromis entre condamnation du protectionnisme et droit à se défendre aurait été trouvé avec Washington. Le G20, qui a fait de la lutte contre le protectionnisme une ligne de conduite, a été obligé de faire des concessions aux Américains à travers l'usage «d'instruments légitimes de défense commerciale». Mais voilà, l'Algérie n'est pas les Etats-Unis et elle n'est pas à l'abri des tirs groupés des pays les plus puissants de la planète. En 2016 déjà, et de Hangzhou en Chine, où les dirigeants du G20 se sont réunis, l'Algérie avait déjà été mise en joue, enfin pas directement mais faisant partie de ces pays qui ont érigé le protectionnisme comme mode de gouvernance économique. Alors, est-ce la bonne formule à adopter ou faut-il bétonner les frontières commerciales du pays en termes de textes de loi et de la révision des traités signés ?