En rejetant catégoriquement l'option d'une transition et en prônant celle de la tenue dans les plus courts délais d'une élection présidentielle qui selon lui permettrait « d'assurer une continuation des institutions », le général Ahmed Gaïd Salah est accusé par les partisans de la première de vouloir postuler à la présidence de la République. Ce dont l'homme fort du pays s'est défendu en affirmant avec force qu'il n'a aucune ambition politique. Sur ce point, l'on peut faire crédit à sa dénégation et ne pas en accorder à ses accusateurs. Même s'il a peut-être caressé la perspective d'occuper le poste laissé vacant par l'ex-président déchu et tout aussi forte que soit sa position au sein du haut commandement de l'institution militaire, il n'est pas en mesure d'obtenir l'aval de celui-ci. Ce haut commandement qui concentre en son sein le pouvoir réel mais en respectant la fiction d'un régime civil aux commandes du pays n'accordera nullement sa caution à l'ambition de l'un des siens qui la ferait voler en éclats. Gaïd Salah et le haut commandement sont dans une démarche par laquelle ils entendent conserver à l'armée son rôle de « faiseuse » de présidents et cela en exerçant son « droit » de regard sur les potentiels candidats à la candidature. Selon certains milieux, elle aurait déjà sélectionné ceux parmi lesquels il lui sera loisible d'adouber. Que cet « heureux élu » se présente comme un opposant sans tache au régime en décomposition et en symbiose avec la revendication portée par le mouvement populaire du changement radical de système et de mode de gouvernance n'est pas pour rebuter les détenteurs du pouvoir réel qui sauront lui fixer au préalable les lignes rouges à ne pas franchir pour obtenir leur caution. Ils veilleront à en avoir le gage qu'il ne nourrit pas l'ambition qu'a eue Bouteflika de les mettre sous sa coupe en voulant être président plein et non pas aux « trois quarts ». Dans les rangs de l'opposition, les figures qui sont susceptibles de briguer la candidature à la présidentielle en espérant le parrainage de l'institution militaire, il ne paraît pas y avoir qui soit déterminé à mettre fin à la tutelle de l'armée sur le pouvoir civil. Tous ont fini par accepter comme allant de soi cette tutelle et qu'elle est seule garante de la stabilité et de la souveraineté du pays. Quant à la souveraineté du peuple, elle n'est pour certains d'entre eux qu'un concept qu'il faut relativiser et surtout ne pas en faire un argument opposable aux détenteurs galonnés du pouvoir réel. Une élection présidentielle aux conditions fixées par ces derniers n'enverra à El Mouradia qu'un président ayant souscrit à l'impératif de n'entreprendre de changements que ceux qui ne feront pas rupture avec le système dont le peuple veut l'éradication et celle de ses symboles et piliers.