Projetée au-devant de la scène comme le véritable et unique centre du pouvoir en Algérie, depuis le 2 avril dernier, l'Armée nationale populaire maintient sa feuille de route, celle consistant à ne jamais sortir du cadre constitutionnel, le rejet de toute transition et, au bout, l'organisation d'élection présidentielle dans les meilleurs délais. Un vrai défi rendu d'autant plus difficile à relever que le pays est face à une crise politique hautement complexe. Kamel Amarni - Alger (Le Soir) - D'un côté, une révolution populaire nationale inédite et qui ne donne aucun signe d'essoufflement, trois mois après son déclenchement le 22 février dernier, et de l'autre, un édifice institutionnel tombé en ruine, au lendemain même de la chute de son concepteur, Abdelaziz Bouteflika. Des institutions fantomatiques en fait avec, fait aggravant en plus, la disparition massive et collective de ce qui faisait office de « classe politique » et de « société civile », sur lesquelles s'appuyait traditionnellement le régime. C'est d'ailleurs à ceux-là que le chef de l'état-major, Ahmed Gaïd Salah faisait allusion lundi dernier, lorsqu'il disait regretter « l'absence des personnalités nationales, des élites », en ces moments cruciaux que traverse le pays. Pour réussir, en tout cas, à faire appliquer sa feuille de route, à savoir la tenue d'élection présidentielle, l'institution militaire tente de donner suffisamment de gages de confiance envers l'opinion publique ainsi que l'opposition. Ils s'articulent essentiellement autour de quatre points : l'appel à un dialogue auquel l'armée affirme officiellement ne pas vouloir prendre part ; l'appel à la constitution d'une instance nationale d'organisation et supervision des élections, la lutte implacable contre la corruption pour répondre à une partie des revendications populaires et, tout récemment encore, l'affirmation du patron de l'ANP, le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah, de ne nourrir « aucune ambition politique». Hier mercredi, et au quatrième jour de sa visite en 4 ème Région militaire, Gaïd Salah dira, à partir de Biskra : « Je me suis engagé personnellement à maintes reprises, devant Allah et devant la patrie et l'Histoire, et c'est là un engagement solennel auquel je ne renoncerai jamais, par respect à la Constitution et aux lois républicaines, à l'instar de ce serment que j'ai pris devant les chouhada de la glorieuse révolution de Libération ; ces braves qui ont suivi la voie juste et sont tombés en martyrs. Et c'est sur cette voie que nous marchons aujourd'hui avec fidélité et sincérité et œuvrons au sein de l'Armée nationale populaire et continuerons d'œuvrer, avec l'aide d'Allah, avec honnêteté, à accompagner le peuple algérien de manière rationnelle, sincère et franche, dans ses marches pacifiques et matures, ainsi que les efforts des institutions de l'Etat et de l'appareil de justice ». Avant d'ajouter, sur un ton solennel : « Et que tout le monde sache que nous n'avons aucune ambition politique mis à part servir notre pays conformément à nos missions constitutionnelles et le voir prospère et en sécurité. Telle est notre ultime finalité .» Détenteur du pouvoir réel, depuis le 2 avril dernier, il n'ignore certainement pas qu'un tel engagement est de nature à rassurer d'éventuels présidentiables ainsi que l'ensemble de la classe politique quant à la régularité du scrutin auquel il appelle. « La bande tente de saborder la noble mission de la justice » Hier mercredi encore, le chef de l'état-major s'est exprimé sur l'un de ses sujets favoris depuis quelques semaines, la lutte contre la corruption et la moralisation de la vie publique. « Parmi les facteurs que nous sommes certains qu'ils offrent tous les signes de satisfaction chez les citoyens, la libération de la justice de toutes les formes de contraintes, de diktats et de pression, ce qui lui a permis d'exercer ses missions en toute liberté, de couvrir la plaie et d'assainir le pays de la corruption et des prédateurs .» Il ajoutera, en guise de rappel : « Cependant, les porte-voix et les apôtres de la bande tentent de saborder cette noble démarche par la désinformation de l'opinion publique nationale et prétendre que le jugement des corrupteurs ne constitue pas une priorité, mais il y a lieu de surseoir jusqu'à l'élection d'un nouveau président de la République qui se chargera de juger ces prédateurs. L'objectif réel derrière cela est d'essayer par tous les moyens d'entraver cette démarche nationale majeure, afin de permettre aux têtes de la bande et à leurs acolytes de se soustraire et d'échapper à l'emprise de la justice. Pour cela, elle a essayé d'imposer sa présence et ses desseins. Toutefois, les efforts de l'Armée nationale populaire et de son Commandement novembriste étaient aux aguets et ont mis en échec ces complots et conspirations grâce à la sagesse, la clairvoyance et la conception profonde du déroulement des événements et l'anticipation de leur évolution .» De nombreuses affaires de corruption sont d'ailleurs traitées en même temps par la justice et d'autres sont encore à prévoir, prochainement. K. A.