Une crise diplomatique ébranle, depuis hier, les relations entre la Tunisie et le Maroc après la décision de Rabat de rappeler son ambassadeur à Tunis pour protester contre la présence du président sahraoui à la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique qui s'est ouverte le même jour à Tunis. Invité par l'Union Africaine, le président de la république Sahraoui (RASD) et Secrétaire général du Front Polisario, Brahim Ghali, est arrivé vendredi à Tunis à la tête d'une forte délégation pour participer aux travaux du 8ème Sommet du Forum de coopération Japon-Afrique. L'accueil officiel réservé au président sahraoui par le président Kaïs Saïd, et ce, dès sa descente d'avion à l'aéroport international de Carthage, a provoqué le courroux du Royaume qui s'est empressé de rappeler son ambassadeur en poste à Tunis. «Après avoir multiplié récemment les positions et actes négatifs à l'égard du Royaume du Maroc et de ses intérêts supérieurs, l'attitude de la Tunisie dans le cadre du processus de la TICAD (Tokyo International Conference on African Development), vient confirmer de manière flagrante son hostilité», a écrit le ministère marocain des Affaires étrangères dans un communiqué qu'il a rendu public hier, samedi, jour de l'ouverture du 8ème Sommet de la TICAD. Sommet dont l'ordre du jour est consacré à «la croissance économique, l'appui à l'économie, la lutte contre le changement climatique, le développement durable, les énergies renouvelables, la lutte antiterroriste en Afrique ». Le MAE marocain considère dans son communiqué que «la Tunisie, contre l'avis du Japon et en violation du processus de préparation et des règles établies, a décidé unilatéralement d'inviter l'entité séparatiste». Réputé pour ses violations flagrantes des lois internationales, le Maroc veut par ces accusations à la Tunisie, cacher qu'en tant qu'organisatrice de l'événement, c'est l'Union africaine qui invite les participants, en particulier ses pays membres. L'invitation de la RASD s'inscrit dans ce cadre puisqu'elle est membre de l'UA depuis 1982. Mais le Maroc le renie en qualifiant l'accueil réservé par le chef de l'Etat tunisien au président sahraoui d'«acte grave et inédit qui heurte profondément les sentiments du peuple marocain». Prolongeant ainsi, son délire de considérer cet accueil tunisien comme étant «une attitude hostile et préjudiciable aux relations fraternelles que les deux pays ont toujours entretenues», le Maroc a décidé de ne pas participer à la TICAD et de «rappeler immédiatement son ambassadeur pour consultation ( )», fait-il savoir par le communiqué de son MAE. La Tunisie a tout de suite fait usage du principe diplomatique de la réciprocité en rappelant, elle aussi, le même jour, son ambassadeur en poste à Rabat «pour consultations». «Une déclaration inacceptable» Dans un communiqué signé par son ministère des Affaires étrangères, la Tunisie fait part de «son profond étonnement face à ce qui a été déclaré dans un communiqué du Royaume du Maroc». Une déclaration qu'elle juge «inacceptable». Tunis rappelle «sa neutralité et son respect pour la légalité internationale» et affirme «s'engager à respecter les résolutions onusiennes au même titre que celles de l'Union africaine (UA) dont le pays est l'un des membres fondateurs». Son MAE ne manque pas de relever que «contrairement à ce qui a été dit dans la déclaration marocaine, la RASD avait reçu une invitation directe du président de la Commission africaine». Il explique qu'«il convient de préciser dans ce cadre que l'Union africaine, en tant que principal participant à cette conférence, avait appelé tous ses membres, y compris la RASD, à y prendre part et avait ensuite adressé une invitation individuelle, à la RASD, en application des décisions de son Conseil exécutif lors de la réunion les 14 et 15 juillet à Lusaka, en présence d'une délégation marocaine». Il est rapporté que «le Maroc a tenté en vain de convaincre les délégations africaines d'exclure la République sahraouie de la participation aux travaux de la 8ème TICAD après que le Conseil exécutif de l'UA ait approuvé une résolution à travers laquelle il avait appelé à la participation de tous les pays africains à ce rendez-vous». Résolution «approuvée au terme d'une séance à huis clos marquée par un long débat des ministres africains des Affaires étrangères, dans le cadre de la 41ème session du Conseil exécutif de l'UA dont les travaux se sont déroulés dans la capitale zambienne». Le MAE tunisien a d'ailleurs rappelé dans son communiqué que «la République sahraouie avait participé à la 6èke m édition de la TICAD, en 2006, à Nairobi (Kenya) et à la 7ème édition tenue en 2019 à Yokohama (Japon) et à d'autres rencontres régionales à l'instar du Sommet Afrique-Europe, en février 2022 à Bruxelles et en présence d'une délégation marocaine». Ce qui a permis à Tunis d'affirmer que «la Tunisie estime qu'il n'existe aucun motif logique justifiant la déclaration du Maroc surtout que la Tunisie a tenu à se conformer à la législation africaine relative aux partenariats et à l'organisation de rencontres» en faisant part de «son attachement à ses constantes diplomatiques bannissant toute ingérence dans les affaires internes des pays» et de «la souveraineté de ses décisions et le respect de ses propres choix». Il faut croire que la question sahraouie est érigée, ces dernières années, par le Maroc comme étant un véritable baromètre pour qualifier et quantifier ses relations avec le reste du monde. Il le fait davantage et avec plus d'agressivité depuis qu'il a ouvert officiellement et publiquement les portes de son pays à l'entité sioniste.