La dégradation dramatique de la situation au Soudan, où les combats entre l'armée régulière et les paramilitaires entament leur deuxième semaine, avec un lourd bilan de morts et de blessés, était-elle vraiment imprévisible au point de surprendre la communauté internationale ou les Soudanais eux-mêmes ? Certes, la situation n'était pas aussi violente, aussi dramatique, pour une population insurgée contre les tenants du pouvoir depuis plus de trois ans, mais la vie n'était pas du tout tranquille. Et, sur le plan international, le 20 mars dernier, un communiqué des Nations unies soulignait que «le retour à la paix est proche» au Soudan, selon M. Volker Perthes, représentant spécial du Secrétaire général pour le Soudan, qui est aussi le chef de la Mission intégrée d'assistance à la transition des Nations unies au Soudan (MINUATS). Le concerné a informé le Conseil de sécurité, le 20 mars, des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l'accord-cadre politique, signé le 5 décembre dernier, qui a obtenu le soutien de nombreuses parties, y compris les autorités militaires. Appelant dans ce contexte les membres du Conseil à soutenir le futur gouvernement en vue de préparer des «élections libres, justes et équitables». Ainsi pourrait se résumer, avant le dérapage du 15 avril vers le langage des armes, le développement des événements d'un Soudan, secoué depuis la chute du régime d'El Bechir, en 2019, par les manifestations populaires qui revendiquent la sanction de l'urne pour désigner les dirigeants du pays. Cependant, dans son rapport d'information présenté devant le Conseil de sécurité, le chef de la MINUATS s'est dit par la même occasion préoccupé par «l'aggravation des tensions» ces dernières semaines entre l'armée soudanaise et les Forces d'appui rapide, ceux-là mêmes qui s'entretuent aujourd'hui. Exhortant les parties à une «désescalade rapide, encouragée par l'accord sur la réforme du secteur de la sécurité». Insistant qu'il s'agit maintenant de «finaliser les discussions sur les mécanismes qui permettront de désigner un Premier ministre et un nouveau gouvernement». Malheureusement, c'est cette préoccupation de M. Perthes au sujet de «l'aggravation des tensions» entre les principales parties au pouvoir qui a eu le dessus sur le cours optimiste des événements. Maintenant, y a-t-il quelqu'un qui puisse dire je ne savais pas, particulièrement les membres du Conseil de sécurité ou le SG de l'ONU ? Ceux qui font parler les armes tombent sur le terrain par dizaines, et la population subit les pires détériorations des conditions de vie. Le représentant spécial du SG de l'ONU pour le Soudan a aussi mis l'accent, dans son rapport d'information, sur ce point de la détérioration de la situation économique et humanitaire dans le pays, soulignant que les besoins humanitaires dans le pays ont atteint un niveau record, sans cette montée des violences armées. L'exode par millions des populations fuyant la guerre vers les pays voisins est une réalité avec laquelle il faut s'y faire. Jusqu'où peuvent aller les affrontements sanglants entre l'armée régulière et les paramilitaires et quelles sont les véritables raisons qui ont fracturé leur alliance ? Les réponses à ces questions, et à d'autres, se dessinent dans le rapport d'information de M. Perthes, c'est la réforme du secteur de la sécurité ou le chaos.