AïnTédelès hier mardi. Il se fait tard et la fête dure. Il est minuit passé. Deux co-fondateurs du festival de la chanson bédouine subsistent encore : Cheikh Tekkouk Bendehiba, plus connu sous Bendehiba El Bouguirati qui officie depuis des années à Radio Dahra de Mostaganem pour faire connaître le Melhoun, cette poésie populaire et la chanson Bédouine, et M. Benabdellah Bendehiba, ce patriarche que grands et petits d'AïnTédelès considèrent comme leur maître et guide. Et c'est à eux que s'est confié ce profane pour une promenade sure dans les coulisses de ces trésors du patrimoine. Juste pour vous satisfaire. L'endroit est idéal. La bibliothèque municipale. Juste à côté des étagères où trônent les œuvres de Moufdi Zakaria et El Moutannabi, les chantres de la chanson du melhoun et de la chanson bédouine ont ri et pleuré durant tout l'après-midi de lundi. La patrie, l'Algérie, les Chouhada, les couleurs nationales, novembre, le nif, les louanges du prophète que la prière et le salut soient sur lui, les affres du colonialisme ont fait saigner les cœurs les plus arides. Ce n'est qu'en début de soirée que le Cheikh Belarabi Abdelkader, un medjahri natif d'AïnTédelès qui a choisi de vivre chez les Akerma, a décidé de détendre l'atmosphère avec des qacidas légères sur la voiture dans la vie de l'Algérien, un pamphlet sur la visite de Chirac en Algérie lu par Cheikh Lahmar ou quelques blagues. De grandes figures du melhoun dont Cheikh Lahmar Ghilizani, Cheikh CharefDebdebi, Cheikh Kaddour Ould Gouafel, très connu pour son riche répertoire, sa mémoire et sa voix ressemblant à celle de Cheikh Hamada selon les connaisseurs, Cheikh Bendehiba Touahri et Cheikh Lamari y assistaient au milieu de tant d'autres de leurs compères. Même si la dénomination de cette manifestation a été réduite à « Journées nationales de la chanson bédouine et du melhoun » au lieu de Festival national de la chanson bédouine et du melhoun, les tédelessiens y voient encore l'empreinte de Cheikh Djilali et l'on ne désigne ces journées que par festival. D'ailleurs, sur la place centrale Belatreche Charef où a été érigée la scène, au milieu des fresques, de grands portraits de Cheikh Hamada et Cheikh Djilali font face à l'assistance. Dès la fin du dîner chez le fameux Terrass Hadj CharefAbbassa, en présence du maire d'AïnTédelès, M. Tahri Mohamed et son secrétaire général M. Belahouel Houari, chanteurs et poètes ont défilé sur la scène basse devant des ouailles assis en lotus, les choyoukh en devant de la scène sur de moelleux matelas, les notables en second sur les plus beaux tapis sortis pour l'occasion. Presque tous étaient enturbannés de cette fameuse toutia ancestrale. Et puis les jeunes et moins jeunes occupaient des chaises alors que d'autres encerclaient la place debout. M. Bermaki Abdellah, un poète « long court » comme on l'appelle, à cause de son Adrar qu'il quitte à la moindre rime, ouvrit la soirée avec une mouvante qacida dans laquelle il affirmait, en vers bien sûr, aimer son pays depuis qu'il était dans le giron de sa mère. Cheikh Mohamed OuldChabi au rythme de ses deux flûtistes entonna un amour dans une gare de chemin de fer. Un coup de foudre à Perrégaux, aujourd'hui Mohamedia. Quant au poète Kouidri Mohamed, venu de Laghouat pour l'occasion, il versifia sur l'obéissance des parents. Cheikh Hadj Khaled Mihoubi n'a pas tari d'éloges sur l'émir Abdelkader qui, disons-le, a élu capitale à Tagdempt non loin du Tiaret natal du Cheikh. Cheikh Bendehiba El Bouguirati entonna, au son de son gallal et les doigts experts de trois flûtistes, deux chansons dont la première où il citait les localités de sa contrée bien aimée quoiqu'il ne fut, selon ses propres aveux, jamais mieux accueilli que chez les Hararta de Zemmora, Khenchela, AïnTédelès et Zeralda. Et puis, sous les applaudissements des jeunes et des vieux, il ramagea « Tafadalliya Anissa », une mélodie de Mustapha Zmirli qui enflamma jeunes et vieux. A noter que le son du guellal de Cheikh Bendehiba et sa voix ont imposé silence et respect. Le poète Baïnine de Belatar, une localité de la daïra d'AïnTédelès, fustigea les maux de notre société et ne manqua pas de conseiller amour et fraternité. Par contre Slimane Boualem, un poète de Boufarik, s'est dit qu'il n'y a pas mieux que le nif algérien et se dit « qu'il vaut une miche de pain, un oignon et une tomate dans la dignité que grillades avilissantes et vaut mieux un gourbi de terre qu'un palais sous le joug. » En vers aussi. Il fut porté aux nues par les applaudissements de l'auditoire.Enfin, avant que je ne tombe dans les bras de Morphée, Cheikh Meliani d'Oran, nous gratifia d'une chanson d'amour qu'apprécia M'hamed Ould El Medjdoub de Mahdia et qui n'est autre que ce fin rieur enturbanné que vous appréciez lors de ses passages sur vos petits écrans avec l'équipe d'El Fhama.