A l'occasion de son passage mardi sur l'émission hebdomadaire « Invité du Direct » de Radio M, la web radio de Maghreb Emergent, Abderrahmane Mebtoul s'est félicité de la « prudence » dont ont fait preuve les autorités algériennes au cours de la récente Tripartite. Il fait ainsi allusion à la décision de reporter à 2015 tout aménagement du désormais célèbre ‘' article 87 bis''. La décision de la Tripartite (Gouvernement-Patronat-UGTA) de cette semaine de reporter la révision de l'article 87 bis du code du travail n'est pas dépourvue d'ambiguïtés, selon le professeur Abderrahmane Mebtoul. Il croit déceler une « confusion sur le vocabulaire » ; certains participants à la Tripartite parlent d'abrogation pure et simple, d'autres de révision. Pour l'économiste algérien qui, à travers une présence très active dans les médias nationaux, prône depuis plus de 2 décennies une réforme libérale de mode de fonctionnement de l'économie algérienne, cette décision est d'autant plus justifiée que « la productivité du travail est en Algérie la plus faible de la région MENA (Afrique du Nord-Moyen Orient) » et que « les sureffectifs sont très importants au sein des entreprises publiques ». M. Mebtoul ajoute qu'on a eu tendance à confondre en Algérie au cours des dernières années « les emplois- rente et les emplois productifs ». Il évalue dans ce contexte les incidences d'une abrogation possible de l'article 87 bis « sur la base des indications les plus récentes concernant la masse salariale à fin 2012 dans une fourchette de 9 à 11 milliards de dollars en rythme annuel ». Prise de conscience Pour Abderrahmane Mebtoul la prudence manifestée par les autorités algériennes est le résultat d'une « prise de conscience » qui a été stimulée par une « série de nouvelles et d'avertissements récents ». Il mentionne au premier rang d'entre elles les anticipations très négatives venues de différents horizons et publiées au cours des derniers mois sur les perspectives futures des cours pétroliers et gaziers, de même que la concurrence croissante sur le marché des hydrocarbures qui menace les parts de marché de notre pays. Les avertissements contenus dans les derniers rapports du FMI sur l'économie algérienne auraient également retenu l'attention des dirigeants algériens de même que la dernière note de conjoncture de la Banque d'Algérie qui a attiré l'attention de l'exécutif sur la disparition des excédents financiers extérieurs en 2013. Abderrahmane Mebtoul déclare tenir de M. Sellal lui-même l'affirmation que le total des transferts sociaux et des subventions pourrait atteindre en 2014 le niveau record de 30% du PIB ; « ce qui ne pourra pas durer » commente-t-il. Plus de « 1200 entreprises publiques moribondes » L'économiste algérien qui « n'a pas une vision pessimiste de l'avenir du pays » défend l'idée que « les populations sont plus mûres que leurs dirigeants » et que l'Algérie « dispose de tous les atouts pour devenir un acteur majeur du développement régional , à condition « d'engager d'urgence les réformes structurelles, devenues une priorité pour l'Algérie». Le Professeur Abderrahmane Mebtoul qui « plaint l'équipe qui va venir à partir de 2014 » préconise en particulier le lancement d'un grand débat sur les subventions qui permettra d'explorer les pistes qui permettront de passer des subventions massives actuelles à des systèmes de subventions ciblées. Sur le chapitre des privatisations, autre chantier à venir des réformes structurelles, il mentionne plus de « 1200 entreprises publiques moribondes » qui doivent se débrouiller avec le marché sans l'intervention des autorités, les assainissements financiers successifs ayant déjà « coûté plus de 60 milliards de dollars entre 1971 et 2013 ». L'intervention de M. Mebtoul sur Radio M s'est achevée par une invitation pressante adressée aux dirigeants de la région pour la construction d'un « Grand Maghreb ». Abderrahmane Mebtoul en est convaincu : « les principaux enjeux régionaux du futur sont en Afrique et s'il n'y a pas de Grand Maghreb , tous les gouvernements de la région seront balayés!» «Les dirigeants post-élections doivent s'attaquer en urgence aux réformes structurelles» L'Algérie doit aller vers « de profondes réformes structurelles » en s'attaquant en priorité à la réforme de la fonction publique, a plaidé, l'invité du direct, de la Radio, M le Professeur Abderrahmane Mebtoul. « Tel est le défi qui attend l'équipe post-élections », a-t-il estimé. «A la veille d'une élection présidentielle, le gouvernement ne peut se permettre de prendre des mesures impopulaires », constate le Professeur Abderrahmane Mebtoul. C'est ainsi que les principales réformes sont bloquées et que les décisions ne cessent d'être retardées à l'après-élection, comme l'ont prouvé, une fois de plus, les discussions de la Tripartite de dimanche qui ont abouti au report de l'abrogation de l'article 87 bis du Code de Travail à 2015. Une Tripartite qui s'est d'ailleurs tenue sans les syndicats autonomes, a déploré l'invité du direct pour qui il serait « souhaitable à l'avenir d'introduire la pluralité syndicale si on veut avoir des interlocuteurs crédibles ». Face à cette situation, le Professeur Abderrahmane Mebtoul « plaint l'équipe qui va venir à partir de 2014 [NDRL après les élections présidentielles du 17 avril] ». Car les réformes structurelles sont devenues une priorité pour l'Algérie. « C'est ça le défi futur du pays », déclare le Professeur qui estime que la réforme la plus essentielle est celle de la fonction publique. Avec deux millions de fonctionnaires, auxquels viendront s'ajouter 200.000 postes supplémentaires annoncés par le gouvernement, l'Algérie à une productivité de travail parmi les plus faibles de la région MENA, selon un rapport de l'OCDE, a rappelé le Professeur Mebtoul qui déplore que le pays privilégie « les emplois de rente aux emplois productifs». «Lancer un grand débat sur les subventions» Reprenant les propos du Gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Lakasci, qui « a mis en garde de manière claire contre les subventions massives », lors de la présentation du dernier rapport de la Banque centrale, l'invité du direct a attiré l'attention sur les dangers de la dérive inflationniste et le problème des prix subventionnés de la farine, de l'huile, du sucre, du blé, du lait et des énergies. « En 2013, l'Algérie a importé 3, 5 milliards de dollars d'hydrocarbures au prix international qu'elle revend à des prix subventionnés », a-t-il déclaré en appelant à un « grand débat sur la question des subventions». «S'il n'y pas de réformes structurelles accompagnées de l'édification d'un Grand Maghreb, tous les gouvernants maghrébins seront balayés», a conclu le Professeur Abderrahmane Mebtoul avant de fixer deux priorités pour le pays : une nouvelle gouvernance et un Etat de droits.