Il est de ces communautés chez lesquelles la mendicité n'a rien de honteux. En Algérie, elle n'est plus vue comme avilissante, mais se trouve sévèrement réprimée, car en vertu des articles 195 et 196 du code pénal, une main tendue risque de valoir jusqu'à six mois de prison. Et pourtant les effectifs de cette frange de notre société ne cessent d'augmenter. Alger, Tafourah. Ici, la main est téméraire, selon le quotidien Liberté. Elle défie la farandole d'automobilistes qu'elle approche et les rend de plus en plus nerveux. Pour plus de sécurité, certains mendiants passent la nuit près du tribunal d'Alger ! C'est vous dire l'audace et l'arrogance de cette main algéroise d'adoption. Le quotidien nous présente un florilège de stratagèmes pour apitoyer le citoyen algérois : ordonnances, bébés de tous âges, bras ou pied amputés, pompe pour asthmatique, aveugles déposés près des mosquées et récupérés en fin de journée avec la cagnotte… Mostaganem. Une gueuse s'accroche à un bambin. Elle supplie la dame debout qui tire le môme par le bras. Rien n'y fait, elle repart avec le bébé. C'est que… le bébé était loué à la journée et la dame au carton assise en lotus a failli aux clauses de son contrat. Le quotidien Réflexion ne mentionne pas à combien s'élevaient les arriérés. Figurez-vous que même les saisonniers, qui viennent du Sud algérien, fuyant les chaleurs de l'été, sont accueillis et pris en charge par… je ne sais qui. Pendant que les hommes s'adonnent au commerce d'un succulent thé à la menthe le long des rues bondées de nos grandes villes, leurs conjointes et jouvencelles gueusent en toute impunité. C'est à peu près ce que rapporte La Tribune. Oran. Une banale scène de rue. Un jeune homme malmène un vieillard. Personne n'y prête attention. Le fossile se démène tant bien que mal. Personne ne lui donne raison. Personne parmi les Oranais de souche du moins. C'est que le vieux est d'une indiscipline renversante. C'est qu'ici, le quémandage est réglementé. Allonger sa poigne là où bon vous semble est perçu comme une conspiration. Même parmi ces démunis, les complots et les coups bas ne manquent pas. Le jeune homme malmène le vieillard ! Ben, c'est normal, pardi ! Il est allé là où devrait être une mère de famille. Oui, la gare routière rapporte bien mieux que le patio de la bibliothèque municipale. Il a usurpé l'eldorado d'une plus disetteuse que lui. Il en a toujours été ainsi des endroits stratégiques. La force « mendiantique » est là pour remettre chacun dans ses droits. On n'empiète pas sur le territoire d'un collègue. Des mendiants riches Suivez-moi, si vous n'êtes pas fatigués, chers lecteurs, chez une dame qui a réussi l'exploit incroyable de devenir milliardaire par la grâce de la mendicité, une activité généralement perçue comme fort dévalorisante mais qui s'avère dans son cas fort lucrative ! Certes, d'aucuns ont déjà repéré le filon et l'exploitent sans vergogne : assis là, pépère, sur un moelleux carton, aucun autre effort à fournir que celui consistant à maintenir le plus longtemps possible le bras à l'horizontale, en faisant si possible une tête de six pieds de long pour bien apitoyer les passants, en leur psalmodiant une litanie qui dit en substance : « Aboulez le fric, braves gens, Dieu vous le rendra ! » Et voilà, le tour est joué, il ne reste plus qu'à récolter l'oseille qui vient gentiment se déposer dans la main de la quémandeuse ou dans n'importe quel autre contenant gracieusement placé à portée des âmes charitables ! Une sinécure vous dis-je ! Mais revenons à notre mendiante milliardaire ! C'est le journal Ennahar, dans son édition du 12 octobre, qui nous relate l'histoire incroyable de cette ‘‘femme poursuivie pour délit de mendicité'' et chez laquelle une perquisition en bonne et due forme a permis de découvrir la coquette somme de ‘‘Un milliard 200 million de centimes'' (sic). Notre mendigote milliardaire, âgée d'une trentaine d'années, ‘‘mendiait devant l'entrée des mosquées et la gare du train de Reghaïa'' (sic). Des voix s'élèvent et ne se ressemblent pas. Pour certains, si pauvreté il y a, c'est que les richesses sont mal réparties. Pour d'autres, la main tendue est un signe de paresse et de mauvaise volonté, car les handicapés bénéficient d'une aide de l'Etat. Enfin, pour les derniers, la pauvreté existe bel et bien, mais d'astucieux combinards profitent des âmes sensibles.Vu ce qui précède, la mare réunie, a voté à main levée. C'est dit-on un procédé rapide, de suggérer à nos gouvernants ce qui suit : - Embrigadement et encadrement de nos mendiants; - Uniformes et grades ; - Impôts selon les revenus basés sur les lieux d'embauche ; - Sécurité sociale….. Toute la mare attend l'écho de l'écho de la mare. (A suivre)