Ancien ministre de l'industrie lourde sous Kasdi Merbah Mouloud Hamrouche, ancien PDG de la SONELEC de Sidi Bel Abbès, le père de l'électronique algérienne a donné une conférence au siège de l'IDRH sur son expérience de manager. La grande épopée de l'industrie électronique algérienne a servi de trame à une très instructive conférence donnée au siège de l'IDRH par Mohamed Ghrib, ancien PDG de SONELEC, ancien ministre de l'industrie. Durant plus de deux heures, l'intervenant à fait défiler, avec un sens raffiné du détail, les différentes étapes ayant façonné l'esprit SONELEC et ayant abouti à l'émergence d'un véritable pôle de très haute technologie. Il fallait, disait-il « nous engager dans un processus d'intégration devant permettre d'accéder à l'autonomie ». En mettant l'accent sur les ressources humaines, l'ancien ministre de l'industrie lourde, rappellera qu'à son lancement, le projet avait besoin de 320 ingénieurs et de pas moins de 700 techniciens et qu'à cette période, l'Algérie entière ne disposait pas de 340 ingénieurs, d'où le recourt à des formations spécifiques afin de répondre à la très forte demande. “L'envoi de 100 élèves ingénieurs pour formation aux USA est une option que je ne cautionnais pas mais c'était une décision du ministère.” En abordant ce volet du recours à la formation à l'étranger, le PDG de SONELEC qui n'a pas caché son opposition soulignera le taux de déperdition colossal. Sur les 100 jeunes envoyés à Santa Clara Valley, sur les 80 qui sont retournés au pays, seulement 20 sont restés à SONELEC. Cette déperdition, l'orateur l'explique par l'énorme décalage dans l'accueil des ingénieurs. Ayant séjourné aux USA, ces derniers avaient pris conscience de leur statut et il nous fallait absolument leur offrir les meilleures conditions d'accueil. C'est pourquoi, dira –t-il, “nous avions entrepris des démarches auprès des autorités de l'époque, le Wali Seridi et le maire Louhibi afin de dégager des logements décents pour nos cadres”. Il rappellera que “grâce à l'entrepreneur Hasnaoui, ils étaient parvenus à réaliser des logements en un temps record,” et parlera de sa grosse déception lorsque sur les 369 logements de la cité Soleil, financés en grande partie par SONELC, le wali qui s'était engagé à céder la totalité à l'entreprise, se rétracta pour ne lui en affecter que 39.
Survivance du boumediénisme Une grande partie de la conférence sera consacrée au rapport au politique. D'où cette sentence à mainte fois répétée que « les élites techniques sont indispensables à la sphère politique car elles lui permettent d'éviter des gaspillages énormes ». Citant des exemples concrets tirés de son parcours à la tête de SONELEC, il soulignera combien « les interférences politiques peuvent générer des frictions qui peuvent aboutir à d'énormes gabegies », dénonçant avec insistance « l'euphorie de pétrodollars ». Il citera l'exemple du partenaire américain qui à la fin du contrat avait demandé une prolongation sans aucune contrainte dé résultats. Le prix de la rallonge était de 30 millions de dollars. Le staff de Sonelec était convaincu de l'inutilité de ce contrat et le fera savoir à son partenaire. Mais c'est le ministère qui déléguera une équipe afin de convaincre Sonelec du bien fondé de la requête américaine. Face à la résistance des techniciens algériens, le ministère battra en retraite tout en mettant en garde contre tout contretemps. Pour l'orateur, les retombées de la mort de Boumediene sur le développement économique ne se fera sentir que bien plus tard, lorsque les nouveaux dirigeants s'apercevront que ce sont les élites techniques qui assuraient la survivance du boumediénisme, L'orateur parlera « d'une volonté délibérée de casser ces élites, afin de faire oublier l'ancien régime ». Après avoir souligné que l'unité électronique de Sidi Bel- Abbès était parvenu grâce au pragmatisme du partenaire américain et à la totale maîtrise du personnel algérien- formé dans sa grande majorité sur site. L'orateur soulignera que cette usine fut un exemple unique d'intégration technologique puisque lors de son lancement elle était au même niveau technologique que le français Thompson. Lors du débat, un intervenant appellera à faire le procès des réformes qui auraient commencé dès 1974. En aparté pour « Réfléxion », un universitaire dira que « si les réformes avaient été aussi mauvaises, nul doute qu'on aurait tout entrepris pour les renforcer; c'est pourtant l'inverse qui s'est produit ».