Sale temps pour l'économie algérienne. Une économie mono-exportatrice depuis plusieurs décennies, voit, au fil des jours, ses revenus pétroliers se raréfier. Et il ne s'agit plus d'une baisse conjoncturelle (comme ce fut le cas en 2008) des prix de l'or noir avec son lot d'impacts sur la balance commerciale. Entamée il y a un peu plus d'une année, la conjoncture baissière des prix sur les marchés mondiaux continue. Au moment où le gouvernement tente, un tant soit peu, de « rassurer » les Algériens quant à la prise en compte de cette donne via la LFC 2015, qui table sur une moyenne des prix du baril oscillant autour de 60 dollars, le baril de l'or noir a chuté au-dessous des 50 dollars. Largement attendues par l'ensemble des acteurs économiques et sociaux, les mesures prises dans la LFC 2015 sont, de l'avis des spécialistes, insuffisantes pour supporter le choc de cette crise qui s'installe dans la durée. Et pour cause, « la LFC 2015 a tenté, mais à la marge, de réduire la crise financière » pour reprendre les propos de Mustapha Mekideche. « On n'est plus dans la même conjoncture de 2008-2009. Et les mesures prises dans la LFC 2015 sont à la marge. Plus on attend, plus on hypothèque les chances d'absorption de la crise et ce, économiquement et politiquement », nous a indiqué M. Mekideche, expert et néanmoins vice-président du Conseil national économique et social (Cnes), une institution relevant de la présidence la République. Même constat chez les experts du think-tank Care. Pour ces derniers, le gouvernement agit encore comme s'il ne s'agissait que de gérer des difficultés économiques passagères. Et pourtant, alertent-ils, notre pays est entré, actuellement, dans une crise sévère dont tout laisse à penser qu'elle est porteuse de menaces potentiellement graves, très comparables à celles vécues à la fin des années 1980. Les chiffres pourtant publiés par des organismes officiels donnent froid dans le dos : diminution de 50% des recettes attendues en devises pour 2015 (34 milliards de dollars) par rapport à 2014 (68 milliards de dollars), tandis que les importations devront s'établir à 57,3 milliards de dollars (contre 65,44 milliards de dollars dans la loi de finances initiale 2015 et 60 milliards de dollars en 2014). Le déficit budgétaire, quant à lui, dépasserait les 1900 milliards de DA à fin 2015, ce qui va obérer les ressources du Fonds de régulation des recettes (FRR). « Le FRR fonctionne, depuis longtemps déjà, plutôt comme un "bas de laine" que comme un outil de régulation de la gestion budgétaire ; il sera totalement épuisé au cours de l'année 2017, si l'Etat maintient, comme il le fait, le rythme actuel de croissance de ses dépenses », selon les experts du Care. Face à la brutalité de ce choc externe qui ne sera certainement amorti ni par une diminution significative des importations ni par une diminution des dépenses budgétaires, l'économie algérienne a besoin d'une vraie politique volontariste qui fasse des entreprises, privées et publiques, le moteur d'une croissance forte et durable, seule en mesure de créer massivement de la richesse et des emplois et de répondre aux immenses besoins sociaux de la population algérienne. « Il faut des réformes structurelles », résume M. Mekideche. Dans l'une de ses contributions publiques, le spécialiste en énergie Chems Eddine Chitour, professeur à l'Ecole nationale polytechnique d'Alger, soutient que l'Algérie, dont le gros des recettes extérieures, soit quelque 98%, tout comme l'essentiel de son édifice budgétaire, sont sous-tendus par la grâce d'un baril de pétrole cher, a besoin notamment de réformes immédiates du climat des affaires, une simplification considérable des procédures à l'investissement.