Si les anciennes LFC prévoyaient des rallonges budgétaires, généralement pour couvrir des dépenses imprévues, celle décidée pour cette année est particulière d'autant qu'elle augure plutôt des mesures visant la rationalisation des dépenses. Si les experts soutiennent que le nouveau recadrage budgétaire doit être rationnel, le patronat espère que la LFC comportera des mesures plus avantageuses au profit de l'entreprise nationale. Mustapha Mékidèche comme Abdelhak Lamiri, deux experts en économie, estiment que cette LFC intervient pour rectifier le tir. Partageant le même point de vue, ils sont convaincus que la chute brutale des prix du pétrole n'a pas été prévue lors de la conception de la loi de finances pour 2015. Pour Mekidèche, vice-président du Conseil national économique et social, le gouvernement n'a pas une multitude de choix. « Si on ne veut pas aggraver le déficit budgétaire, il va falloir diminuer les dépenses de fonctionnement, sinon on sera contraint de recourir au fonds de régulation des recettes mais son utilisation va l'épuiser très rapidement », prévient-il, signalant qu'avec la décision de la levée des sanctions contre l'Iran et eu égard à la position inchangée de l'Arabie saoudite, l'offre en matière d'hydrocarbures sera accrue, ce qui va engendrer inéluctablement une baisse des prix. D'où la nécessité de « rationaliser davantage nos dépenses », note-t-il. Dans cette optique, Mékidèche trace deux pistes : modérer les salaires et réviser la politique de subvention. « Cibler les subventions n'est certes pas à l'ordre du jour mais il est nécessaire de lancer la réflexion. Il ne faut pas que cela soit un tabou », soutient-il, plaidant pour la diversification des ressources de financement en dehors des budgets de l'Etat pour faire avancer certains projets. Pour Lamiri, la révision doit se faire du « point de vue des recettes d'abord ». D'après lui, les pouvoirs publics vont garder le même prix de référence, à savoir 37 dollars. « Mais ils doivent puiser davantage dans le fonds de régulation des recettes et les réserves. Au moins 25 milliards de dollars seraient nécessaires. Les nouvelles lois sur l'importation (licence d'importation) seront ajoutées. » Du côté des dépenses, certaines seront remises à plus tard. Reste qu'augmenter les taxes « n'est pas une bonne chose », a souligné le même expert, indiquant que cela ne va pas avantager la production nationale. En revanche, selon Lamiri, beaucoup de nouveaux engagements de l'Etat seront inclus dans la LFC, à l'instar de la modernisation du secteur public industriel. Et d'ajouter : « La complémentaire 2015 va simplement reprendre les engagement pris par l'Etat après la chute des prix pétroliers. Il ne faut pas croire que le salut de l'Algérie va venir de là. Nous avons beaucoup plus besoin d'une stratégie Algérie 2040 qui définisse les actions importantes à mener dans tous les secteurs et surtout le développement humain et la compétitivité des entreprises qui permettront de relever les défis du futur. Il faut revoir en profondeur nos fondamentaux. » Le patronat pour l'augmentation de la TVA sur les produits finis importés Du côté du patronat, Redha Hamiani, membre du Forum des chefs d'entreprise, recommande de revoir à la baisse les montants des investissements publics, la politique de soutien et de subvention ainsi que des transferts sociaux. Et à l'inverse, « le gouvernement doit fournir plus d'efforts pour encourager l'investissement ainsi que la production nationale », précise-t-il. Autre suggestion : la LFC-2015 doit « fiscaliser davantage les produits finis importés et prendre plus de mesures incitatives au profit des produits fabriqués localement, ce qui va permettre aux entreprises nationales de reconquérir le marché local ». Pour sa part, le président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), Habib Yousfi, la LFC-2015 intervient pour donner « une vision claire » de la relance économique. Toutefois, il estime que cette loi « sera contraignante » d'autant que « la restriction des dépenses aura des conséquences sur l'activité économique du pays ». L'occasion est propice, selon lui, pour redresser la barre en régulant le commerce extérieur, rappelant que la limitation des importations relève des prérogatives du gouvernement. « Nous avons besoin de notre devise. Celle-ci doit être orientée vers le développement des entreprises nationales productives et créatrices de richesse. » Pour rappel, la dernière LFC remonte à 2012. Celle programmée en 2013 a été annulée par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, comme il convient de souligner que si la loi de finances passe par un vote au niveau des deux Chambres parlementaires, la LFC est généralement promulguée par ordonnance.