Près d'un mois après l'éclatement de l'affaire des moines de Tibhirine, une voix officielle répercute la position algérienne. C'est le ministre de l'Intérieur, qu'on sait très proche du président, qui a dit tout haut ce que pensent les autres tout bas. "C'est une pièce de théâtre jouée en France et qui restera en France", a-t-il répondu hier aux journalistes qui l'interrogeaient en marge d'une cérémonie d'inauguration d'un nouveau centre de prévention des tremblements de terre, installé à Bouzaréah sur les hauteurs d'Alger. Le ministre de l'Intérieur considère d'ailleurs que "cette affaire est franco-française", et que l'Algérie n'en est pas du tout concernée. C'est la première fois, en effet, qu'un haut responsable de l'Etat ose casser le silence "officiel" de l'Algérie pour répondre à ce qui est considéré comme étant des affabulations d'un général au passé "douteux". Il a fallu donc que le ministre de l'Intérieur, connu pour sa franchise, parle pour faire connaître la position officielle de l'Algérie par rapport à cette question qui a peut-être brouillé les relations entre les deux pays. Ni la présidence de la République ni le Premier ministre, cloitré dans un silence "assourdissant", n'a fait part de la position de l'Algérie. Ni même le ministre d'Etat, représentant personnel du président de la République, Abdelaziz Belkhadem, d'habitude très prompt à répondre à la provocation française. Les autorités françaises, au lendemain de la déclaration du général français, à leur tête le président Sarkozy, ont vite fait de réagir. Pour elles, "la lumière doit être faite sur cette affaire" Sarkozy a d'ailleurs promis d'ouvrir tous les dossiers classés confidentiels en relation avec cette affaire. Il a demandé «la vérité» aux autorités algériennes et veut la levée du secret-défense des documents concernant le massacre des sept moines. Sa ministre de la Justice, Michèle Alliot-Marie, va encore plus loin en indiquant que "le témoignage du général François Buchwalter «apporte un élément nouveau pour lequel de nouveaux éléments d'investigation supplémentaires auront lieu». La Garde des Sceaux a assuré que les magistrats «disposent et continueront de disposer de tous les moyens pour mener à bien leur enquête, y compris en matière de coopération internationale». «Tout sera mis en œuvre afin de connaître les auteurs et les conditions de cet assassinat», a conclu la ministre. Alger aurait fait part de ses protestations après ces déclarations. Au lendemain de la tenue du G8, qui a vu l'absence du président algérien, le premier ministre Ahmed Ouyahia s'est entretenu avec Sarkozy. Ce dernier a vite fait de se raviser en déclarant s'en tenir au communiqué du GIA qui a revendiqué l'assassinat des moines de Tibhirine. D'autres voix françaises, des officiels et pas des moindres, à l'image de Hervé de Charette, ancien ministre des Affaires étrangères, qui a qualifié le témoignage en ce sens de «énième version», se sont fait entendre. L'ex-ministre se dit «personnellement porté» à s'en tenir à «la version la plus pratique, celle qui s'appuie sur des faits», a savoir que «le GIA a revendiqué ces événements, il a demandé en contrepartie des initiatives de la France, c'est-à-dire la libération d'Algériens détenus, ce que nous n'avons pas fait, il a menacé de les tuer et quand ils ont été découverts, il a déclaré que c'était lui-même qui l'avait fait». Du côté d'Alger, on a préféré garder le silence. L'on considère d'ailleurs qu'il s'agit d'un déballage médiatique qui met en opposition les Français eux-mêmes. Aussi, les autorités algériennes ont décidé de ne pas réagir officiellement à une affaire «franco-française».